3ème Panorama des Industries Culturelles et Créatives en France – novembre 2019 : zoom sur les arts visuels

Partager :
Temps de lecture : 10 min

Le 3ème Panorama des ICC (Industries Culturelles et Créatives), réalisé pour France créative par le cabinet EY dont les conclusions ont été publiées le 28 novembre 2019, relève « la dynamique de croissance » de ces 5 dernières années. La valeur ajoutée des ICC en 2017 est de 47,5 milliards d’euros soit 2,3 % de l’économie nationale. Elles ont, en outre, une grande capacité de projection sur les marchés extérieurs. La suite de cet article propose un zoom sur un des 10 secteurs du panorama: les arts visuels, avec une sélection des contenus du rapport.

Le cœur de l’étude porte sur les revenus (chiffres d’affaires) des marchés finaux des 10 grandes filières des industries culturelles et créatives (ICC) que France Créative et EY ont retenues pour former le périmètre d’analyse: les arts visuels, la musique, le spectacle vivant, le cinéma, la télévision, la radio, le jeu vidéo, le livre, la presse et la publicité – communication. Cette étude mesure par ailleurs les effectifs de personnes étant intervenues dans la création ou la diffusion de contenus culturels et créatifs au sein des 10 secteurs des ICC et ayant perçu à ce titre un revenu en 2018.

Chiffres clés du secteur “arts visuels”:

• Quatrième marché à l’échelle mondiale, le marché de l’art français confirme sa place de premier plan mais est confronté à la concurrence de places émergentes.
• La fréquentation des musées nationaux connaît une hausse de l’ordre de +20% ces deux dernières années, après une contraction dans un contexte post-attentats.
• Les revenus des sociétés d’architecture ont crû de 2013 à 2018, grâce à la reprise des constructions de
logements neufs et à de nouveaux procédés innovants.

“Avec 91,4 Mds € de CA total, les industries culturelles et créatives s’affirment comme une composante majeure de l’économie française”

Entre 2013 et 2018, les revenus directs et indirects des 10 principaux secteurs des industries culturelles et créatives ont crû de 6,7%, pour s’établir à 91,4 milliards d’euros. Le DEPS du ministère de la Culture estime à 2,3% la part de la culture dans l’économie française en 2017.

Malgré les profondes transformations des chaînes de valeur et la concurrence des formats, des médias et des modes de consommation, le nombre de personnes en emploi, rattachées à une structure de l’économie créative ou ayant perçu un revenu culturel au cours de l’année écoulée, est en augmentation de 4,4% sur la période.

Source : DEPS du MCC, Chiffres clés, statistiques de la culture et de la communication 2019

Des dynamiques économiques inégales selon les secteurs

Les arts visuels constituent le premier secteur des ICC en chiffre d’affaires et en effectifs, avec respectivement 23,4 M€ et un effectif de 333 100 personnes ayant perçu un revenu de leur activité dans ce secteur.

Si le marché de l’art français reste modeste comparé à certains concurrents internationaux, l’architecture constitue, par exemple, un pilier majeur (7,1 milliards d’euros) de cette filière. La reprise significative de la fréquentation des musées a en outre entraîné une hausse de +15% de leur chiffre d’affaires.

Un marché de l’art français qui confirme sa place de premier plan malgré la puissance des trois marchés dominants

Malgré une forte baisse du poids relatif de l’Europe en raison de l’essor des marchés émergents (+150% de ventes en valeurs sur le marché chinois entre 2007 et 2017), la France conforte sa place de quatrième marché de l’art à l’échelle mondiale. Place forte des transactions fine art, l’Hexagone représente 7% de la valeur des ventes d’œuvres d’art en 2017 (1), contre 42% pour les États-Unis, 21% pour la Chine et 20%
pour le Royaume-Uni.

Le marché français se place loin devant l’Allemagne, l’Italie et la Suisse, qui concentrent chacun environ 1% de la valeur des ventes. Si la France est distancée en montant de transactions, elle égale le Royaume-Uni en nombre de lots cédés sur le marché des enchères et le dépasse pour les lots de moins d’un million d’euros. Une augmentation tendancielle de la valeur des œuvres mises sur le marché est cependant observable : malgré la stabilité du nombre de lots cédés (autour de 70 000) le montant global des transactions enregistre une performance exceptionnelle en 2017 (+35%).

(c) Fiac / Reed Expositions France

Le marché de français peut compter sur plusieurs atouts majeurs. L’ensemble du territoire est maillé
par un réseau dense d’acteurs spécialisés avec près de 50% des 2 200 galeries contemporaines
françaises implantées hors Île-de-France (2).

Au total, 12 000 galeristes et antiquaires français se partagent 53% du volume des ventes d’œuvres
d’art (contre 47% pour les maisons de vente) (3).

Le succès des foires et salons spécialisés de la place de Paris (FIAC, Paris Photo) constitue en outre une garantie de visibilité auprès d’acheteurs internationaux pour les professionnels français.

Ces facteurs contribuent à la croissance du volume des ventes et entretiennent l’optimisme des acteurs du secteur sur les performances du marché français. En 2017, 44% des marchands d’arts internationaux prévoyaient une hausse des ventes d’œuvres d’art en France les cinq prochaines années, un chiffre plus faible qu’aux États-Unis mais plus élevé qu’au Royaume-Uni, qu’en Allemagne et qu’en Chine.

Croissance de la fréquentation muséale après un repli lié au contexte sécuritaire

Vue de la pyramide © Musée du Louvre dist- RMN – Grand Palais / Olivier Ouadah

Après une baisse marquée liée au contexte sécuritaire, les musées et lieux de patrimoine affichent une nette reprise de fréquentation en 2017 avec +10% au niveau national, et +16% pour les monuments nationaux franciliens.

La reprise a été plus tardive dans les grands musées parisiens, alors que les musées de région ont enregistré une hausse de fréquentation de l’ordre de 8% dès 2016 (4). En conséquence, les recettes
des musées français ont crû de plus de 20% entre 2016 et 2018.

Un profond renouvellement des expériences muséales

Les musées et lieux patrimoniaux n’échappent pas au mouvement de digitalisation qui impacte l’ensemble des industries culturelles. Nombre d’institutions ont profité de la démocratisation de l’usage des outils numériques ces 10 dernières années pour déployer des initiatives innovantes, telles que le développement d’applications de visite par la fondation Louis Vuitton et le château de Versailles, le déploiement de visites en réalité virtuelle par la BNF ou vaste le mouvement de numérisation des collections accompagné par la puissance publique.

L’évolution des usages du grand public plaide pour cette dynamique de digitalisation des muséographies. En effet, 44% des Français affirmaient avoir utilisé internet lors d’une visite patrimoniale au cours des 12 derniers mois (5).

Au-delà de ces seuls dispositifs de médiation numérique, les lieux d’exposition misent également sur le développement de contenus de plus en plus immersifs et interactifs, à travers la numérisation et la mise en scène augmentée d’œuvres picturales.

Cette tendance a été confirmée par le succès public des immersions dans les œuvres de Klimt et Van Gogh programmées à l’Atelier des lumières : la première exposition de ce centre d’art numérique porté par le
gestionnaire de sites Culturespaces a attiré plus d’un million de visiteurs en 9 mois. Malgré un prix d’entrée moyen élevé (généralement entre 10 et 30€ en plein tarif), l’appétence des visiteurs est très forte pour ces nouveaux formats, plus ludiques, souvent plus courts que les expositions classiques.

(c) Culturespaces

Ils affichent plusieurs succès sur le continent européen (l’Artainment Worldwide Shows à Rome, le Panorama Luther 1517, qui a attiré environ 400 000 visiteurs par an à Wittenberg en 2017, …) et permettent aux lieux d’exposition d’attirer un public familial, plus jeune, moins familier des institutions culturelles.

Si elles garantissent la diffusion d’œuvres picturales auprès de visiteurs sensibles à leur dimension expérientielle, les expositions immersives constituent également un levier d’attractivité territoriale, garantit par l’exploitation d’un site vitrine. La reconversion de la Fonderie du Chemin-Vert en Atelier des Lumières ou le site du Panorama XXL de Rouen, qui a attiré près de 500 000 visiteurs depuis 2014, en sont des exemples saisissants.

Les lieux d’exposition font vivre l’économie créative dans les territoires

Poids lourd de l’économique créative avec un chiffre d’affaires direct de plus de 22 milliards d’euros, la filière des arts visuels draine l’ensemble des régions de France et peut compter sur deux atouts majeurs :
• Une présence territoriale historique garantie par un réseau de lieux d’exposition dense, également dans
les régions les moins urbanisées ;
• Un agenda événementiel (biennales, festivals) de plus en plus riche, grâce à des manifestations souvent
portées par des acteurs publics locaux.

En premier lieu, la France bénéficie d’une offre de lieux d’exposition singulièrement riche, qui s’est
structurée et densifiée depuis le début du XIXème siècle.

L’analyse des territoires d’implantation des 1 301 lieux d’exposition de la filière recensée par le Ministère de la Culture et de la Communication en 2017 confirme leur présence hors des métropoles.

Contrairement aux galeries et entités du marché de l’art, ces établissements destinés à l’accueil du grand public (musées de France et musées nationaux, centres d’art contemporain et fonds régionaux d’art contemporain) ne sont pas nécessairement concentrés dans les grandes aires urbaines et demeurent présents dans tous les départements à l’exception de Mayotte.

Les régions Île-de-France et Auvergne Rhône-Alpes affichent sans surprise le plus grand nombre de lieux en valeur absolue (respectivement 148 et 142), mais pas la plus forte densité rapportée à leur population. Avec un lieu d’exposition pour 27 000 habitants, la région Bourgogne-Franche Comté présente la densité la plus importante, suivie par la région Normandie (un lieu pour 35 000 habitants).

Cette présence en région constitue un atout essentiel pour les territoires souhaitant densifier leur agenda
culturel. Le réseau des Fonds régionaux d’art contemporain, qui a fêté ses 35 ans en 2018, garantit chaque année l’organisation de 500 expositions et de 1 300 actions d’éducation artistique dans toutes les régions de France (6). Ces structures, en partenariat avec les collectivités, sont également à même d’organiser dans certaines régions des événements de plus grande ampleur, tels que la triennale de Dunkerque portée par le FRAC Grand Large — Hauts-de-France, la biennale d’architecture d’Orléans par le FRAC Centre-Val de Loire ou les Ateliers de Rennes du Frac Bretagne.

Cependant, l’ancrage territorial des lieux de diffusion des arts visuels ne vaut pas nécessairement pour les
établissements de commerce d’art.

La très grande majorité des 2 200 galeristes recensés par le Ministère de la Culture et de la Communication
et près de 90% des foires d’art sont localisées à Paris. Présents dans l’ensemble de l’Hexagone, les lieux d’exposition garantissent également la visibilité hors des grandes métropoles des arts visuels dans toute leur diversité.

Les activités de design, qui représentent en 2019 près de 15% des revenus directs du secteur, bénéficient depuis la fin des années 2000 de l’implantation de nouveaux lieux en région : la cité du Design de Saint-Etienne (qui s’inscrit dans le cadre d’une stratégie plus large visant à faire du design un levier d’attractivité territoriale) ou le musée d’arts décoratifs de la piscine à Roubaix constituent des exemples révélateurs.

L’apport décisif du tourisme culturel

En tant que première destination touristique mondiale, la France peut compter sur l’importance volumétrique des flux touristiques accueillis sur son territoire. Ils constituent un vecteur non négligeable de dynamisation de son tissu économique culturel et créatif.

Les visiteurs ayant effectué une activité culturelle sur le territoire hexagonal au cours de leur séjour (visite de musée ou de monument, concert, festival) contribuent singulièrement aux performances économiques de certaines ICC, à l’instar des arts visuels ou du spectacle vivant. Depuis 2013, le nombre de touristes en France est globalement stable, entre 80 et 85 millions d’année en année. Un léger fléchissement est constaté en 2016, généralement attribué aux préoccupations sécuritaires liées aux attentats de 2015.

Malgré cela, le nombre de touristes culturels progresse fortement : +57% entre 2013 et 2016. La part des séjours comprenant une dimension culturelle augmente à cet égard fortement sur la période. Elle a atteint 64% en 2015, contre seulement 36,5% deux ans plus tôt.

Ces tendances contribuent de manière essentielle aux performances de la filière touristique française et peuvent jouer un rôle majeur dans la maximisation des impacts économique de ces activités pour l’économie résidentielle.

Ce dernier indicateur constitue un point faible pour la France. Si elle se classe première par le nombre de touristes accueillis, en 2015 elle n’atteignait que le cinquième rang mondial en termes de dépenses cumulées (42,5 milliards de dollars) et se classe dans un rang beaucoup plus lointain en matière de dépense moyenne par touriste (526 dollars) (7).

Wikimedia Commons

Or, une estimation de l’agence publique de promotion du tourisme aux Pays-Bas évaluait la même année que les dépenses journalières moyennes d’un touriste « culturel » surpassaient de plus de 80% celles des autres visiteurs (8).Le développement de l’offre culturelle à destination des visiteurs étrangers constitue à cet égard un impératif majeur.

Sources : EY-GESAC, Creating Growth, EUROSTAT, EY-PRODISS « En Scène »

Cette étude a été réalisée en lien avec le Secrétariat général (Département des études, de la prospective et des statistiques) et la Direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la Culture.

Notes:

(1) TEFAF Art Market Report, 2018

(2) Fiche Culture études du MCC, Les galeries d’art contemporain en France en 2012, février 2013

(3) Bpifrance, fiche activité réglementée Galerie d’art

(4) MCC, Enquête Patrimostat 2016, aperçu 2017

(5) CREDOC, Les visites patrimoniales progressent encore chez les Français, 2016

(6) Site du Ministère de la Culture et de la Communication

(7) Source : UNWTO, 2015

(8) NTBC Holland, cité par UNWTO, 2015

SOURCES: EY, France Creative (extraits du panorama 2019)

PHOTOS: divers

Date de première publication: 03/12/2019

À-lire-sur-le-site-du-CLIC1

Créative Lab Amérique du Nord 2019 : onze nouvelles startups françaises en exploration à NYC et au Québec

Le gouvernement britannique va investir 19 millions de livres sterling (22 millions d’euros) dans les «musées du futur»

Le gouvernement britannique lance un nouveau fonds d’investissement culturel de 250 millions de livres sterling

La fréquentation des musées et lieux de patrimoine en France, en 2018 (18/02/2019)

L’état allemand et la ville apportent 600 millions d’euros pour moderniser le Museum d’Histoires naturelles de Berlin

Les Arts visuels: vitrine de la France à l’international et premier employeur culturel

banner clic avril 2024

Laisser un commentaire