En signant une convention triennale, le Palais des Beaux-Arts de Lille et le CHU de Lille vont développer la prescription muséale

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Depuis plus de 10 ans, le Palais des Beaux-Arts de Lille multiplie les actions favorisant les liens entre la culture et la santé. Fort du succès de cette orientation stratégique et conscient de l’attente des professionnels et du public en la matière, le musée va plus loin en intensifiant et en officialisant ses actions en collaboration avec le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Lille. Le 6 novembre 2023, le CHU de Lille et le Palais des Beaux-Arts de Lille signeront ainsi une convention de partenariat pour développer la prescription muséale et diversifier les programmes de recherche en matière d’art thérapie. Dans cet article, Juliette Barthélémy, Cheffe du service Médiation et implication des publics du PBA répond aux questions du CLIC.

[EVENT CLIC] Le CLIC est partenaire des Rencontres Nationales Culture & Santé, le 25 octobre 2023, à Strasbourg (Cité de la Musique et de la Danse). Ces Rencontres sur le thème « Vers de nouveaux enjeux. Les arts et la culture dans la promotion de la santé, la prévention, la prise en charge et le traitement des maladies », ont pour ambition de réunir les acteurs qui contribuent à l’évolution, l’innovation de la culture dans la santé. Une journée pour se rencontrer, échanger et faire avancer les recommandations de la culture dans le système de santé. Juliette Barthélémy interviendra lors de cette journée.  (ARTICLE CLIC: [EVENT] Rencontres nationales Culture Santé à Strasbourg le 25 octobre 2023 – Programme et inscription gratuite)

L’ensemble de ces actions fait l’objet d’une convention triennale qui sera signée le 6 novembre 2023 entre le Palais des Beaux-Arts et le CHU de Lille. Cet engagement, le premier d’une telle ampleur pour un musée français, permet au Palais des Beaux-Arts de Lille de faire de la « muséothérapie » l’un des piliers de sa politique d’accueil et d’implication des publics.

  • Montée en puissance de l’art thérapie grâce à la prescription muséale

La prescription muséale permet à un patient de bénéficier d’une séance d’art-thérapie mêlant découverte des œuvres et pratique artistique.

Après une période de test concluante, le musée va quadrupler ses capacités d’accueil en ouvrant de nouveaux créneaux d’art-thérapie dédiés aux patients du CHU de Lille, sur prescription muséale de leurs soignants.

Suite à la délibération du Conseils Municipal de Lille (Juin 2023) et dès la signature officielle de la convention, le 6 novembre 2023, le musée proposera ainsi 140 ateliers d’art-thérapie par an, afin d’accueillir jusqu’à 1 400 patients issus des services du CHU de Lille ouverts à la prescription.

  • Des art-thérapeutes dans le musée

Précurseur de l’utilisation du musée et de ses œuvres dans un objectif thérapeutique, le musée a intégré dans ses équipes, dès 2012, deux art-thérapeutes.

Depuis, ces dernières accueillent régulièrement les patients issus de plusieurs services du CHU de Lille, oncologie, addictologie et pédopsychiatrie notamment.

  • Nouveaux champs d’action et programmes de recherche

Cette montée en puissance permettra d’engager les deux institutions dans un programme de recherche en faveur des patients atteints de la maladie d’Alzheimer suivis au Centre Mémoire (CHU de Lille) et des patients du service d’Assistance Médicale à la Procréation et Préservation de la Fertilité (CHU de Lille). Les ateliers menés dans ce cadre bénéficient du soutien de la Fondation Swiss Life.

“A travers ces axes de progression en matière d’offre bien-être et mieux-être, le Palais des Beaux-Arts de Lille affirme son intention de devenir, dans la durée, l’une des références en France dans ce domaine” se réjouit le musée.

Séance Yoga dans l’atrium du PBA de Lille en 2018 Page facebook du musée
  • Une priorité stratégique du musée depuis 10 ans

Depuis plus de 10 ans, le Palais des Beaux Arts de Lille a multiplié les initiatives en matière de mieux être et bien être.

. Accompagnement d’enfants souffrant de troubles autistiques

Point de départ des actions “santé” du PBA, ce projet est né en 2008. Il a déjà permis d’accueillir plus de 500 enfants autistes au musée lors d’ateliers de pratique artistique adaptée.

Cette collaboration innovante et source de bienfaits sur la santé a donné naissance en 2021 à un “Guide muséal pour l’accueil des personnes autistes” co-écrit avec les musées de Dallas et de Montréal et parrainé par le FRAME (FRench American Museum Exchange). lien de téléchargement gratuit du guide.

. Le bien-être au musée

Depuis 2017, le musée organise également de grands évènements se faisant l’écho de causes d’envergure nationale contribuant au bien-être et à la prévention dans le domaine de la santé (méditation, yoga, Qi Gong, danse…).

“Le Palais des Beaux Arts assume ainsi son rôle sociétal lors, par exemple, du Mois de l’endométriose, d’Octobre Rose, Movember ou du Don du sang et permet la rencontre avec un public toujours plus nombreux et attentif” explique le musée.

Exemples d’activités actuellement programmées:

Séance d’art-thérapie tout-public le vendredi de 10h30 à 12h (4-8 euros par personne, 1H30)

. Séances d’art-thérapie – Cours à l’année le mardi soir de 18h à 20h30

. Séance de yoga et méditation une fois par mois (5 euros par personne, 1H15)

. Voyage sonore aux bols de cristal. (18 octobre 2023 – Nocturne) (Don à partir de 10€ au profit du fond de dotation du CHU de Lille)

Informations et réservation sur pba/agenda

8 QUESTIONS A …. Juliette Barthélémy, Cheffe du service Médiation et implication des publics, Palais des Beaux Arts de Lille

. Comment le PBA a t il renforcé le lien entre culture et santé ?

Depuis plus de 10 ans déjà, le Palais des Beaux-Arts de Lille multiplie les actions favorisant les liens entre la culture et la santé. En prenant soin de ses publics, le musée contribue à son bien-être, voire à son mieux-être, et propose une programmation à partir de ses espaces et de ses collections. Les pratiques de yoga, méditation, sophrologie ou art-thérapie sont programmées pour le public individuel et viennent également soutenir des actions de prévention (Octobre Rose, Mois de l’endométriose…).

Pour tous, cette approche est une manière différente d’aborder le musée et d’y passer un moment pour soi, dans une bulle créative ou régénérante.

. Quand et comment s’est déroulé la période de test avant la signature de la convention ?

Pour la prescription muséale en tant que telle, le test s’est déroulé, en juin 2022, avec les service de PMA du CHU. Mais nous préparons le lancement avec eux depuis plus d’un an. Comme pour chaque projet d’envergure, des étapes sont à respecter: rencontre avec les chefs de service (ici le Professeur Christine Decanter), définition des objectifs de leur service et de leurs attentes sur un partenariat avec le PBA, rencontre avec toutes les équipes soignantes qui seront des maillons essentiels de la communication du projet auprès des patients, accueil de ces équipes au musée pour une rencontre avec les collections, les différents intervenants et participation à un atelier d’art-therapie afin d’en saisir les contours et les enjeux au moment d’établir ensuite une prescription.

Nous avons ensuite mis en place une phase test de 6 mois avec les patients, qui a permis d’ajuster les propositions.

Avec la PMA, nous avons fixé à la fois avec le personnel soignant et les patient-e-s:

. le rythme d’1 séance d’art-therapie au musée toutes les 2 semaines jusqu’en juillet 2024, sur un créneau fixe de 2 heures

. des séances réservées exclusivement aux patients de ce service, sans mélange avec d’autres services

. des questionnaires réguliers qui interrogent sur la pertinence de la proposition et des évolutions à apporter pour parvenir, au mois de novembre 2023 à un rythme le mieux adapté possible

. Avez vous eu des discussions avec les musées qui ont déjà expérimenté la prescription médicale (Mbam et musée de Bruxelles ? 

Nous travaillons de manière étroite avec le MBA de Montreal. Les champs exploratoires de la prescription muséale et de la pratique de l’art-therapie dans les musées est récente, même si nous avons l’un et l’autre une pratique dans ce domaine qui a plus de 10 ans. Nous parlons ici d’art mais aussi de patients, de pathologies, de thérapie, de soin, de mieux-être. Ce ne sont pas des termes anodins et leur considération doit être à la hauteur des enjeux qu’elle suscite. 

Cela nous invite à la prudence, à l’écoute des changements de la société mais aussi aux échanges avec les autres professionnels des musées. Comme pour toute approche nouvelle et innovante, il faut demeurer humble et accepter de réfléchir de manière collégiale et interdisciplinaire. (ARTICLE CLIC: Santé mentale post covid: bientôt des visites de musées Bruxellois sur prescription médicale ET Le Musée des beaux-arts de Montréal lance une “prescription” muséale en ligne destinée au personnel soignant)

. Quelle est la spécificité de la prescription muséale au PBA de Lille ? 

La particularité de la prescription muséale à Lille réside dans le choix que nous avons fait de proposer, par le biais de la prescription muséale, des séances d’art-therapie au musée comportant d’abord un temps devant les œuvres puis une pratique artistique.

Cela signifie que nous considérons que la prescription muséale ne peut pas se contenter d’être un bon d’échange pour une visite libre au musée. Nous créons ces programmes pour accompagner des patients qui peuvent être en souffrance et nous choisissons de les accompagner en leur proposant une immersion dans un univers artistique qui suscitera des émotions, qui invitera à la contemplation, l’introspection parfois à la réflexion. Il faut ensuite être capable de recevoir ces tumultes émotifs, de les transformer pour aider les personnes qui sont engagés dans nos programmes à s’appuyer dessus, à y puiser de la joie, ou de la force, de l’énergie ou du soutien.

En tout cas, l’engagement dans un tel processus ne peut pas être porté par des personnes du musée uniquement formées à l’histoire de l’art. D’où l’intégration dans nos équipes,  à Lille et à Montréal, dès 2012, d’art-therapeutes qui possèdent à la fois la formation en arts plastiques et en art-therapie.

. Comment se dérouleront les ateliers d’art thérapie à partir de novembre 2023 ? 

La prescription donnera la date et l’heure d’un rendez-vous au musée. Le patient, en passant la porte du musee redevient un visiteur. Il est accueilli des son arrivée par nos équipes mais il est attendu par notre art-thérapeute qui devient son référent au musée et qui l’accompagnera avec le reste du groupe pendant les 2 heures qui suivront. L’art-therapeute sait de quel service provient la prescription mais elle est la seule. Elle est tenue au secret médical, comme tout acteur du soin et elle construit sa séance en toute connaissance de cause.

Vues de l’extérieur, les séances ressemblent à une visite-atelier classique mais dans les faits, elle s’articule autour d’objectifs à la fois artistiques et sanitaires. Son approche est constructive et bienveillante, elle s’appuie sur ce qui va bien,  ce qui valorise et travaille sur des mécanismes que les participants pourront redéclencher à l’extérieur, une fois sortis de la “bulle-musée”.

. Qui pourra en bénéficier ? pour Quelle pathologie ? 

A ce jour, 3 services du CHU de Lille sont impliqués dans le projet de prescription muséale:

. le service PMA

. le service de pédopsychiatrie

. et le Centre Memoire Alzheimer

. Qui seront les prescripteurs de ces ateliers ?

Sur le même principe: les séances sont programmés sur un calendrier prédéfini qui fixe fréquence, dates et heures. Les prescriptions sont établies par le personnel soignant mais sans qu’à ce jour, nous soyons arrêtés sur le prescripteur.

En PMA par exemple, le Professeur Decanter estime que tout le personnel soignant (du médecin à l’aide-soignant) est en mesure de prescrire le musée s’il estime que cela a du sens pour le patient. Elle voit ces séances comme un outil supplémentaire qui vise à un accompagnement au bénéfice du bien-être du patient.

Mais ce n’est pas le cas pour tous et nous restons à l’écoute de nos partenaires sur ce projet.

A l’Unité de pédopsychiatrie par exemple, le calendrier est établi de manière collégiale mais ce sont les médecins ou les équipes soignantes qui décideront au moment des synthèses, de l’intérêt ou pas, pour un patient, d’adhérer au programme musée et de faire la sortie.

Il faut rester ouvert et ne pas généraliser les détails d’une telle organisation. Chaque programme est une broderie à plusieurs mains. Nous ne sommes pas encore arrivés à la consultation remboursée par la Securite Sociale et c’est ce qui nous donne la souplesse à laquelle nous tenons! Ne donnons pas à une telle action censée adoucir le parcours de soin d’un patient la raideur d’une obligation.

La prescription muséale est un outil facilitateur dont la principale qualité est de faire entrer le concept pour un patient d’une association “soin du corps” (apporté par le personnel soignant) et “soin de l’esprit” (apporté par toute forme d’art, peintures, musique, théâtre, chant…).

. Comment se déroulera le programme de recherche sur alzheimer et fertilité ? 

Chaque séance donne lieu à un questionnaire conçu conjointement par le musée et l’équipe soignante. Simple mais qui permet de constater l’évolution de l’état émotionnel de la personne avant et après le temps passé au musée, les effets ressentis, l’envie de revenir…

Pour certains groupes, comme l’Unité de pédopsychiatrie ou Alzheimer, nous comptons sur l’obtention de bourses de recherche pour aller plus loin dans l’analyse des effets sur la santé des patients.

(Entretien réalisé par mail le 7/10/2023)

Délibération du Conseil Municipal de Lille sur la convention avec le CHU de Lille (26/06/2023)

Document stratégique du PBA su le “musée inclusif”

SOURCE: Palais des Beaux Arts de Lille

PHOTOS: Palais des Beaux Arts de Lille

PHOTO du carrousel: activité art-thérapie au PBA (c) PBA de Lille – C Delcourt

Date de première publication: 9/10/2023

Le Palais des Beaux Arts de Lille est membre du CLIC

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