Avec l’ArtLab, l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne marie les arts et la science et espère inventer les musées de demain

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Le jeudi 4 novembre 2016, l’Ecole polytechnique fédérale (EPFL) a inauguré son nouveau fleuron. L’ArtLab, conçu par l’architecte japonais Kengo Kuma, abrite trois activités – Montreux Jazz Café, espace d’expérimentation muséale et un DataSquare- qui marient science, technologies et culture.

Aux côtés de la vague en béton du Learning Center s’allonge désormais une structure de 250 mètres composée de bois, d’acier et de béton. L’ArtLab abrite trois espaces distincts dédiés au rapprochement  du monde de la culture et du numérique.

Bien qu’installé sur un campus universitaire, ce bâtiment n’est pas destiné aux étudiants. Cette structure est tournée vers l’extérieur, ouverte au public. La réalisation de cet édifice a coûté 35,5 millions de francs suisses (32.45 millions d’euros), dont la moitié provient de fonds privés.

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Art et science font désormais bon ménage et l’ArtLab entend le prouver chaque jour et dans chacun de ses espaces. Ainsi un ordinateur présenté par l’ArtLab permet d’aider à restaurer une toile de Rembrandt; de se promener dans Venise à la Renaissance; ou de voir Herbie Hancock sur la scène du Montreux Jazz Festival avec Chick Corea il y a trente ans.

Reportage sur l’inauguration de l’ArtLab (24 Heures):

“Trois expressions des humanités digitales, trois pavillons sous un même toit”, a résumé hier Patrick Aebischer, président sortant de l’Ecole polytechnique fédérale, lors de l’inauguration du bâtiment. “La mémoire audiovisuelle, avec la numérisation de 5000 heures d’archives de Claude Nobs et du Montreux Jazz Festival. L’exploration et la visualisation du big data, ce continent de données numériques quasiment infini. Et l’expérimentation muséale, avec l’utilisation des technologies digitales de pointe au service des arts plastiques”.

Un campus vivant

Outre le bâtiment lui-même, l’architecte Kengo Kuma a créé une place baptisée Maurice Cosandey, premier président de l’EPFL moderne. La Haute Ecole devient ainsi un vrai campus, animé le soir comme le week-end. Et “l’ArtLab s’ouvre complètement afin que le citoyen puisse venir le visiter”.

“C’est un très beau moment pour l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne et pour moi en particulier”, a déclaré Patrick Aebischer, qui a rappelé que l’origine de l’aventure remontait à une rencontre avec Claude Nobs, fondateur du Festival de jazz de Montreux.

“Le projet est né de numériser les archives de la manifestation, dont il n’y avait pas de copie. Cette rencontre entre l’informatique et l’art est symbolique de l’ambition de l’ArtLab. C’est l’unicité du savoir qui revient”, et débouche sur les humanités digitales, l’intersection de la technologie informatique et des sciences humaines ou de l’art” selon Patrick Aebischer.

Président de la Fondation Gandur pour l’Art, Jean-Claude Gandur a souligné que sa volonté de participer à l’aventure s’expliquait par son “dada, faire retourner les gens au musée à travers la science. Et d’y faire venir un nouveau public. Soit les musées se réforment, soit il n’y aura plus personne dans les musées. Aujourd’hui, ce sont toujours les mêmes gens qui vont au musée: il faut révolutionner la méthodologie et les nouvelles technologies seront un des moyens d’y parvenir”.

Martin Vetterli, nouveau président désigné de l’EPFL, a salué “le superbe bâtiment, un chef-d’oeuvre de plus sur le campus”. Evoquant le mariage de la science et des arts, il a insisté sur la volonté de “socialiser les oeuvres d’art qui dorment parfois dans des coffres, de les démocratiser et de mettre ces pièces à la portée de toute l’humanité”.

“Un des leitmotiv de l’EPFL est le transfert de technologies, c’est-à-dire d’utiliser ce qui s’y invente dans le monde qui nous entoure” explique Luc Meier, responsable des contenus d’ArtLab. “Ce nouvel écrin se destine à appliquer ce principe à l’art et à la culture. Comme le patrimoine biologique, les collections d’art ou les archives audiovisuelles génèrent une immense quantité de données complexes. Face à cette masse d’informations, il y a trois étapes: la numérisation des contenus d’abord, leur mise en forme ensuite et finalement le rendu à un public. Les trois espaces de ce bâtiment sont là pour tester des réponses à ces étapes d’intersection entre art, culture et technologie”.

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Première expo temporaire pour explorer les noirs

Dans cet espace, on aborde la peinture autrement. Imaginé et financé par Jean Claude Gandur, ce pavillon permet à l’homme d’affaires et collectionneur d’art d’assouvir sa curiosité.

Cinq «expériences» proposent au visiteur d’aborder l’art par le biais de technologies digitales.

. L’imagerie hyperspectrale met par exemple en évidence les pigments utilisés par Soulages à travers des ondes de fréquence x ou y, alors que dans une cabine sombre, on peut en bougeant éclairer la toile de telle manière qu’elle nous apparaît sous un jour inédit.

. Ailleurs, un tableau a été pris 12 528 fois en photo par un scanner spécial, ce qui permet d’en réaliser une topographie en 3 D; les données ensuite broyées et mises sur un serveur Web permettent de reconstituer un puzzle de milliers d’images. Sur un écran, il est alors possible d’examiner chaque parcelle de l’œuvre dans ses moindres détails.

“Prenez une tapisserie Millefleurs du XVIe siècle, d’une complexité inouïe. Cet outil permet de l’étudier avec une finesse et une précision inégalables. J’aimerais qu’un jour, tous les musées disposent de ce type de technologie” s’enthousiasme Jean Claude Gandur, “car alors, le public sera actif et retiendra davantage ce qu’il voit. Je rêve d’un parcours muséal pour l’homme pressé: trente objets, quelques textes, et cette technologie pour en savoir plus rapidement. Il faut que les musées chassent de leurs vitrines tout ce qui relève du travail académique et se structurent comme des expositions. On sait bien que les gens les préfèrent aux espaces conçus de manière classique”.

Après “Noir c’est noir”, jusqu’au 23 avril 2017, cet espace muséal programme une exposition d’art antique sur la Grande déesse Isis.

Pour son ouverture, ArtLab propose une seconde exposition longue durée sur deux grands projets scientifiques de l’EPFL, dont l’une est consacrée au big data, cette immensité de données à gérer.

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Espace d’expérimentation muséale

La partie centrale du bâtiment est un espace d’expérimentation muséale. Là, cinq laboratoires de l’école et les start-up qui en sont issues tentent, grâce à leurs recherches et à leurs technologies, une approche différente des expositions temporaires qui s’y tiennent.

L’espace “Data Square” abrite une exposition interactive et permanente sur les grands travaux de recherche menés à l’EPFL, comme Blue Brain Project et Venice Time Machine. Ces projets y sont présentés sous le prisme du big data. Autrement dit, la gestion des énormes masses de données qui sont désormais générées par l’informatique.

  • Blue Brain Project, composante EPFL du projet européen Human Brain Project, cherche à simuler la physiologie du cerveau humain en se basant sur une vaste collection de données neurobiologiques et cliniques.
  • Venice Time Machine, vise à reconstituer près de 1’000 ans de l’histoire de Venise à partir de la digitalisation de plus de 80 km de rayons de manuscrits anciens, conservés dans les archives d’Etat de la ville.

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Placé au centre de ce long bâtiment, l’espace “musée du futur” est consacré à l’«expérimentation muséale» et géré en coopération avec la Fondation Gandur pour l’art qui propose la première exposition sur les «Outrenoirs» du peintre Pierre Soulages. Dans cet espace, des laboratoires et des start-up issues de l’EPFL mettent leurs recherches au service d’une muséologie inédite.

Un café pour plonger dans les archives du Montreux Jazz Festival

La troisième partie d’ArtLab accueille un Montreux Jazz Café, où une installation bourrée de technologie, le Montreux Jazz Heritage Lab II, permet une immersion complète dans l’un des plus de 5 000 concerts enregistré depuis 1967 pendant le célèbre festival. C’est le huitième café du nom “mais celui-ci va plus loin que les autres” explique Mathieu Jaton, directeur du Montreux Jazz Festival.

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Le café offre la possibilité aux visiteurs de se plonger dans les archives du festival quinquagénaire. Le public a accès à près de 90% des concerts donnés au Jazz via des écrans. Jouxtant le bar, une salle permet même de s’immerger complètement dans un concert via une technologie de «son 3D».

“Derrière la numérisation et la conservation de toutes ces archives, il y a beaucoup de technologie” explique Thierry Amsallem, président de la Fondation Claude Nobs qui soutient le festival et le café. “Cette mise en valeur est une petite révolution”.

SOURCE: EPFL, 24heures.ch, lacote.ch, 20min.ch, tdg.ch

Date de première publication: 07/11/2016

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