Dans un e-book, le patron de la Smithsonian Institution explique sa stratégie numérique et mobilise les musées du monde

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C’est une première dans le monde des institutions culturelles: le Secrétaire général de la Smithsonian Institution G. Wayne Clough vient de publier un e-book, intitulé “Best of Both Worlds : Museums, Libraries, and Archives in a Digital Age”. Objectif: décrypter la stratégie numérique de la principale institution muséale mondiale mais également mobiliser les autres musées.

G. Wayne Clough, 12e secrétaire de la Smithsonian Institution, dirige le plus grand groupe muséal du monde constitué de 19 musées, neuf centres de recherche, le zoo national et des activités de recherche dans plus de 90 pays. Il vient d’annoncer qu‘il quittera l’institution en octobre 2014.

L’auteur cherche surtout à répondre à cette question: «Comment pouvons-nous nous préparer à mieux accueillir et impliquer la génération des digital natives dont l’appétit et la connaissance numérique sont si grands ?”

“Aujourd’hui le numérique est omniprésent”, écrit G. Wayne Clough, “son utilisation, en particulier par la jeunesse du monde, est universelle ; ses possibilités sont vastes; et chacun dans nos institutions éducatives et culturelles essaye d’imaginer comment en faire le meilleur usage. Il est obligatoire que les musées, bibliothèques et lieux d’archives rejoignent les établissements d’enseignement pour mieux utiliser les potentialités de la révolution numérique.»

Des musées en retard

Comme Wayne Clough le rappelle dans la première partie de son livre, les musées s’adaptent lentement aux évolutions numériques, qui se font, elles, à une rapidité croissante. Selon lui, les bibliothèques et les archives sont pionnières en la matière. De nombreux documents, auparavant uniquement disponibles dans les rayonnages ou réserves de quelques bibliothèques, sont aujourd’hui accessibles, souvent gratuitement, sur internet. Une politique de numérisation entamée avec succès par les Archives nationales et la Bibliothèque du Congrès, la bibliothèque nationale américaine. L’auteur explique en partie le retard des musées par la difficulté de la numérisation, notamment des objets en 3D et la faiblesse de leur expertise technique et de leurs moyens.

Dans son e-book, l‘auteur aborde également la question de la relation entre musée réel et musée virtuel.

“Le musée physique offre aux visiteurs l’occasion de découvrir l’objet réel et de partager leurs impressions avec famille et amis. L’accès au numérique peut offrir des possibilités illimitées pour l’éducation et l’apprentissage continus”.

Cloug considère également qu’éducation doit rimer avec implication. “Les musées ne délivrent pas de diplômes, mais ils peuvent fournir une éducation informelle à travers leur recherche, et leurs expositions, à la fois de manière réelle et virtuelle. Les musées doivent également mettre en valeur leurs collections en impliquant mieux le public et en l’invitant à trier et manipuler les objets, et à interagir directement avec les musées et leurs équipes.”

Numérisation en cours de 14 millions d’objets

Le livre numérique de 77 pages publié par la Smithsonian Institution aborde avant tout l’un des sujets prioritaires de l’institution: la numérisation en cours de 14 millions d’objets choisis dans ses collections (sur un total de 137 millions d’objets !).

G. Wayne Clough écrit à ce sujet: “la numérisation, ou processus transfert des images et données en formats numériques, est nécessaire à la Smithsonian pour maintenir son empreinte nationale et internationale. Le livre nous a donné l’occasion de dialoguer avec d’autres musées et de promouvoir cette idée. J’ai parlé avec les dirigeants de plus de 30 musées et de bibliothèques, et tout le monde est aux prises avec les mêmes problèmes.”

Dans le livre, celui qui est secrétaire général de la SI depuis janvier 2008 met en lumière les défis auxquels les musées et les bibliothèques font face, et notamment le coût élevé de la numérisation des collections et la vitesse à laquelle la technologie évolue. Selon l’auteur: “de manière générale, les musées ont été lents à s’adapter aux technologies numériques, principalement par manque d’expertises technologiques et par insuffisance de moyens humains pour la gestion des archives et collections”.

G. Wayne Clough Photo by Carl C. Hansen, Smithsonian

800 bénévoles “recrutés”

La SI a pallié à cette double difficulté et lutté notamment contre les coûts élevés en lançant un vaste programme de recrutement de bénévoles. C’est ainsi qu’aujourd’hui, 800 volontaires participent à la recherche et et à la rédaction des rédiger des des contenus de ses archives numériques.

La numérisation a été une priorité pour Clough depuis son arrivée à la Smithsonian Institution. Mais numériser n’est qu’une première étape. La valorisation des fonds d’un musée passe par sa diffusion la plus large.

Depuis quelques années, la Smithsonian a ainsi fortement développé sa présence en ligne et mobile grâce à des applications éducatives et autres outils numériques ludo-éducatifs s’appuyant et valorisant les plus célèbres objets de ses collections, des peintures aux objets archéologiques, des objets historiques aux insectes. Il y a trois ans, le Smithsonian n’avait lancé aucune application mobile pour ses expositions ou ses musées. Maintenant, elle dispose d’un catalogue de plus de 100 applications mobiles et sites web mobiles. En plus des nombreux sites web, tels que www.seriouslyamazing.com qui amène les internautes, au moyen de questions amusantes et didactiques, à découvrir de  manière approfondie des sujets scientifiques très divers.

“Il est essentiel pour la Smithsonian d’étendre sa diffusion et ses publics”, a déclaré Clough“Et il me semble que le moment est bien choisi. La technologie est si robuste maintenant que nous pouvons faire des choses que nous avons seulement rêvé auparavant. “

Co-financements privés

Dans les années précédentes, le Smithsonian a reçu un financement fédéral pour lancer ses efforts de numérisation. Mais, face aux compressions budgétaires, l’institution doit maintenant recourir à des financements par des fonds privés ou des partenariats avec des entreprises privées.

Plus qu’un état des lieux, le livre de Wayne Clough constitue un plaidoyer à destination des musées, des bibliothèques et autres institutions culturelles pour qu’elles prennent une part active dans cette ère du numérique.Il invite ces institutions à saisir l’opportunité offerte par le numérique pour renforcer leur rôle éducatif et social.

Clough conclut son livre en ligne avec cette réflexion: ” Bien que la technologie numérique pose de grands défis, elle offre également de grandes possibilités. Jusqu’à maintenant les lieux culturels ont avancé très lentement -et souvent sur la base de projets ponctuels- dans le nouveau monde numérique. De bonnes raisons ont justifié cette approche prudente, mais avancer sur la pointe des pieds n’est plus une voie possible pour les musées, car ils ne peuvent pas rester à l’écart de la déferlante numérique !.”

Le livre numérique “Best of Both Worlds: Museums, Libraries, and Archives in a Digital Age”» est  disponible gratuitement depuis le 27 août en version PDF mais également sur iTunes U.

Musées et institutions culturelles interrogées pour la rédaction de ce livre: The British Library, The BritishMuseum, TheNationalArchives (UnitedKingdom), Europeana, The Museum of ModernArt (NYC), Dallas Museum of Art, Rijksmuseum (Amsterdam), Tate (Londres), Victoria and Albert Museum (Londres), New York Hall of Science, Museum of Science (Boston), University of Kentucky, Göttingen Centre for Digital Humanities, The Johns Hopkins University, Library of Congress.

Information sur le livre

Vidéo de présentation du livre

Informations fournies par la SI

Date de première publication: 

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