Pokémon Go et patrimoine, une association parfois controversée

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Le jeu Pokémon Go, sorti à partir du 5 juillet 2016 dans le monde et le 24 juillet 2016 en France, a culminé à 45 millions de joueurs quotidiens dans le monde vers le 20 juillet 2016. Mais les pokéstops, lieux permettant aux joueurs d’obtenir des objets gratuits, ne font pas l’unanimité dans le monde des musées et du patrimoine. Certains ont décidé de les utiliser pour attirer le jeune public mais d’autres voient d’un mauvais œil son utilisation et vont même jusqu’à les interdire dans leurs galeries ou espaces.

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(c) Youtube et Getty Images

Des musées défavorables

• Musée de l’Holocauste (Washington D.C.) : Ce musée est, de manière générale, en faveur de l’utilisation des nouvelles technologies : il encourage, notamment, les visiteurs à partager sur les réseaux sociaux leurs impressions sur les expositions. Cependant, la présence des joueurs et de trois pokéstops à l’intérieur du musée sont perçus comme inadaptés.

Andrew Hollinger, directeur de la communication du musée, pointe du doigt cette inéquation : « Jouer à ce jeu n’est pas approprié dans le musée, qui est un mémorial pour les victimes du nazisme ».

• Musée du camp d’Auschwitz-Birkenau : Le musée de l’ancien camp d’extermination va dans le même sens que le musée de l’Holocauste de Washington puisqu’il interdit de jouer à Pokémon Go dans l’enceinte du lieu.

Un porte-parole du musée, Pawel Sawicki, explique cette décision : « Nous jugeons ce genre de pratiques déplacé. C’est ici que des milliers de gens ont souffert, des juifs, des Polonais, des Roms, des Russes et d’autres nations. Nous voulons sensibiliser d’une manière générale tous les producteurs de jeux au respect de la mémoire des victimes de ce plus grand camp de la mort nazi de la Seconde Guerre mondiale ».

• Musée du génocide Tuol Sleng (Cambodge) : De la même façon que pour les musées précédents, le jeu est interdit dans l’enceinte du musée qui était dans les années 70 une prison et un centre de torture. Des panneaux à l’entrée rappellent cette interdiction aux visiteurs.

Un des rares survivants de la prison, Chum Mey, n’approuve pas, lui non plus, la présence du jeu en ce lieu : « Je n’encourage pas le fait d’autoriser Pokémon Go ici parce que ce musée du génocide est un lieu pour les cambodgiens qui rappelle les souffrances et les blessures vécues sous le régime des Khmers Rouges ».

A tourist walks near a sign ''No Pokemon Game Here'' at the Tuol Sleng Genocide Museum, also known as the notorious security prison S-21, in Phnom Penh

(c) Reuters

• Musée Morikami et ses jardins japonais (Delray Beach, Floride) : La situation est différente pour ce musée puisque ce sont les visiteurs habitués de ce lieu qui déplorent la dégradation d’un endroit dédié à la sérénité depuis que les chasseurs de Pokémons sont arrivés.

Des musées accueillants

MoMA (New York) : Le musée bénéficie de deux pokéstops qui sont constamment approvisionné en leurres, des objets qui attirent les Pokémons vers des points précis, ce qui encourage les joueurs à entrer dans le musée. Ce dernier se qualifie lui-même, d’ailleurs, de Mew-seum (en référence à un Pokémon emblématique de la franchise).

• Philadelphia Museum of Art  (Pennsylvanie) : Ce musée va plus loin car il a organisé des rencontres pendant ses horaires “pay what you wish” (payez le prix que vous voulez) en s’appuyant sur les huit pokéstops qui entourent le bâtiment. La démarche se veut non-lucrative mais bel et bien ouverte au public adepte de Pokémon Go, le musée étant « enthousiasmé par l’idée d’un jeu créatif », ainsi que l’explique Chessia Kelley, directrice associée du marketing digital du musée.

• Musée Morikami et ses jardins japonais (Delray Beach, Floride) : La raison pour laquelle ce musée a suivi le mouvement avec ses quinze pokéstops est le lien culturel car Pokémon a été créé en 1995 par le japonais Satoshi Tajiri.

Monika Amar, qui travaille dans le marketing pour le musée, déclare : « Nous sentions que nous avions une connexion culturelle directe avec la franchise japonaise. Notre affluence a fait un pic dans les jours qui ont suivi la sortie de l’application. Nous avons découvert qu’une fois que les gens sont venus pour jouer à Pokémon Go, ils reviennent pour connaitre le musée et ses jardins ainsi que pour l’opportunité d’« attraper les tous » dans un paysage pittoresque. »

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• Musée de Londres et Musée de Londres Docklands : Ces deux musées, tirant parti de leurs cinq pokéstops, ont mis en place une sorte de jeu de rôle pour le mois d’août jusqu’au début du mois de septembre. Les visiteurs ont, en effet, pour mission de nettoyer les galeries envahies par des Pokémons. Les joueurs sont ensuite invités à poster leurs plus belles photos de Pokémons sur les réseaux sociaux. 

• Chaplin’s world (Suisse) : Les Pokémons se sont immiscés dans le musée du célèbre acteur/réalisateur avec deux pokéstops ainsi qu’un itinéraire ponctué de Pokémons à chasser autour de symboles chapliniens entre Vevey et Corsier-sur-Vevey.

Des lieux de patrimoine Français plutôt ouverts à la vague Pokémon

En France, les Pokestops ont plutôt été bien accueilli.

• Caen : La ville a décidé de profiter du phénomène pour stimuler la fréquentation des lieux culturels durant le mois d’août. Les dresseurs de Pokémons ont ainsi pu participer au concours « PokéMusée » organisé par la mairie en partenariat avec le musée des Beaux-Arts et le musée de Normandie. Le principe ? Les joueurs devaient photographier un Pokémon dans un des quatre lieux choisis par la ville et envoyer leur cliché. Les plus belles photos sont par la suite départagées par les internautes.

Caroline Delaporte, la directrice adjointe à la culture de la municipalité, estime que : « C’est le meilleur moyen de leur faire découvrir leur propre ville, ils sont sortis de leurs chambres, certes avec leurs écrans, certes avec un jeu qui ne concerne pas forcément le milieu culturel, mais le milieu culturel, c’est aussi de s’intéresser à toutes les pratiques de nos concitoyens ».

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• Centre historique minier de Lewarde : Le musée a mis en place à la mi-août une nocturne pendant laquelle avait lieu une grande chasse aux Pokémons.

Amy Benadiba, directrice-conservatrice du Centre historique minier explique la démarche de la manière suivante : “On a décidé de mettre en place plusieurs petites attractions. On a essayé de faire concorder le parcours permanent avec certains Pokémons qui existent dans le jeu, notamment des Pokémons charbon ou des Pokémons roche. Et on a aussi caché des Pokéballs dans le site pour que les gens qui n’ont pas de téléphone ou l’application puissent quand même venir jouer avec nous et que ce soit vraiment un événement familial.”

• Louvre-Lens : Le musée a élaboré une journée spéciale Pokémons le 21 août 2016 avec l’organisation d’une grande chasse. La Galerie du Temps était également animée par un parcours commenté sur le thème de la chimère, avatar antique des Pokémons. La volonté du musée était de dresser un parallèle entre le jeu et le musée sur la base de la collection.

Juliette Guepratte, la chef du service publics au Louvre-Lens déclare : « Le parallèle est évident à nos yeux, d’autant plus qu’avec le Pokédex, qui répertorie tous les Pokémon, les joueurs se constituent un véritable inventaire, comme peuvent le faire des conservateurs de musée. Et le slogan même du jeu, attrapez-les tous, pourrait s’appliquer à l’ambition d’exhaustivité des musées, qui visent toujours la collection la plus parfaite possible. Nous souhaitons sensibiliser les joueurs à ces notions, et les aider à mieux comprendre le musée grâce au jeu… et le jeu, grâce au musée. »

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(c) France 3 Nord Pas-de-Calais

Première publication : 14/10/2016

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