Fragilisée par la crise du covid-19, la Galerie des Offices a vendu la version NFT d’une peinture de Michel-Ange

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Après Christie’s et Sotheby’s, la Galerie des offices est la première institution muséale à faire son entrée dans le nouveau monde des NFT. Elle a décidé de tester la vente de l’avatar numérique d’un de ses chefs-d’œuvre. Le résultat est concluant: une collectionneuse romaine a acheté une version numérique du Tondo Doni de Michel-Ange pour 140 000 euros. Une ressource financière bienvenue pour une institutions fragilisée par le covid-19.

Connue dans le monde entier pour déployer sur 12 000 m² la plus belle collection de peintures italiennes et des œuvres de tous les grands maîtres européens, la Galerie des Offices (Galleria degli Uffizi) a été très fortement impactée par la pandémie. Près de huit mois de fermeture en 2020/21 et la chute du nombre de visiteurs annuels (de 4,4 millions en 2019 à 1,2 million en 2020) ont généré de lourdes pertes économiques.

A la recherche de nouvelles ressources financières, l’institution muséale a décidé de transformer certaines de ses œuvres d’art les plus célèbres sous forme de NFT et de les proposer à la vente.

  • Un double numérique certifié

La Galerie des Offices s’est associée à Cinello, une société italienne qui propose une nouvelle offre de copies numériques de chefs-d’œuvre en respectant les dimensions originales.

Ces œuvres d’arts numérisées, que l’entreprise appelle des DAW (Digital Art Work), sont limitées, numérotées, authentifiées par le musée, censées être impossibles à reproduire et accompagnées d’un jeton NFT pour en faciliter la vente.

La première œuvre numérisée et vendue de la collection des Offices est le tableau circulaire Tondo Doni (La Sainte Famille à la tribune) de Michel-Ange commandée vers 1505 à l’artiste florentin par Agnolo Doni.

 

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Numérisé en très haute qualité, le tableau rond de Michel-Ange a été dédoublé et associé à un NFT qui en certifie l’origine, l’unicité et son caractère infalsifiable, le tout avec la signature du directeur du Musée des Offices, Eike Schmidt.

Projeté en taille réelle sur un écran spécial conçu sur mesure, ce DAW (Digital ArtWork) devient alors l’avatar numérique officiel de l’œuvre originale. “Un authentique morceau des Offices”, comme l’a souligné le directeur des Offices au journal Corriere della Sera.

Le NFT de cette peinture a été acheté 140 000 euros par une Italienne comme cadeau d’anniversaire pour son mari, un éminent collectionneur, selon le journal italien Corriere della Sera.

Après les galeries et les salles de ventes, il s’agit de la première vente d’un NFT réalisée par un des plus importants musées du monde.

Dans le cadre de l’accord avec Cinello, le musée encaisse 50 pour cent des bénéfices pour chaque DAW fabriqué à partir d’une pièce de sa collection et vendue par l’entreprise.

  • D’autres chefs d’œuvres bientôt vendues

Le musée a déjà annoncé qu’il allait transformer une quinzaine d’autres œuvres majeures de sa collection en DAW dans les mois à venir, et notamment le Bacchus du Caravage, La Naissance de Vénus de Botticelli, la Vénus d’Urbino du Titien et la Madone del Granduca de Raphaël.

Plutôt que d’opter pour des avatars uniques comme pour le premier tableau, les 2 partenaires ont choisi de proposer à chaque fois une série de neuf NFT par œuvre, un chiffre inspiré “par ce qui se pratique dans le monde de la sculpture”, selon Eike Schmidt.

Selon Eike Schmidt, le directeur de La Galerie des Offices: “à moyen terme les ventes de NFT seront en mesure de pallier en partie aux besoins financiers du musée. Ce n’est pas un changement de cap en termes de revenus, c’est un revenu supplémentaire. Mais la création d’un tel marché ne se fait pas rapidement.”

  • Une nouvelle recette financière bienvenue

Avec cette innovation, le musée des Offices entend se faire une place sur le nouveau marché des œuvres d’art numériques à jetons non-fongibles («non-fongible token», ou NFT).

En pleine effervescence depuis la vente historique d’une œuvre numérique chez Christie’s, en mars 2021, pour 69 millions de dollars, le commerce de ces objets d’art associés à leurs jetons et à la «blockchain» est désormais en train d’être adopté par le secteur de l’art, maisons de ventes aux enchères, galeries, artistes et aujourd’hui musée.

En dehors de la Galerie des Offices, d’autres institutions italiennes réfléchissent à ce concept de ventes numériques : les Galeries de l’Académie de Venise, la Galerie nationale des Marches à Urbino, le musée de Capodimonte à Naples, la Pinacoteca Ambrosiana à Milan…

Une technique qui leur permettrait de monétiser leurs œuvres sans les vendre et de générer de nouvelles recettes, particulièrement utiles en cette période post pandémique. Les recettes du musée de Florence sont passées de 34 millions d’euros en 2019 à seulement 8,8 en 2020.

  • Convaincre les collectionneurs

Franco Losi, co-fondateur de Cinello, réfléchit déjà à d’autres usages des clones numériques associés aux NFT et à d’autres musées partenaires. 

Mais il faudra d’abord convaincre les amateurs avec cette nouvelle manière de collectionner des œuvres sans les posséder réellement.

Le NFT du Tondo Doni et sa projection sur écran semblent ravir le collectionneur romain.

“Avoir ce chef-d’œuvre chez soi est incomparable”, s’est enthousiasmée la collectionneuse anonyme citée par le Corriere della Sera“Je suis née avec un téléphone portable à la main, et je peux tout à fait être exaltée devant un écran, comme dans ce cas. Ce qui compte, c’est ce que je vois dans l’œuvre, quel que soit le support”.

Les musées désireux de se lancer dans cette nouvelle activité commerciale devront également braver les critiques émises par certains professionnels ou observateurs.

En attendant, la Galerie des Offices entent reconquérir son public. Elle a rouvert ses portes et déployé une campagne marketing, notamment sur les réseaux sociaux.

Vidéo de réouverture de la Galerie des Offices (en mai 2021):

SOURCE: Cinello, presse

PHOTOS: Galerie des Offices, wikimedia commons

PHOTO du carousel: des visiteurs devant le tableau Tondo Doni (La Sainte Famille à la tribune) de Michel-Ange (Wikimedia Commons)

Date de première publication: 23/05/2021

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