JP. Marron et B. Célié (Ville de Nîmes) : “une bonne médiation passe par une capacité à donner du plaisir au public !”

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La ville de Nîmes, en partenariat avec Universcience et l’INRAP, ont mis en ligne le 6 avril 2016 un webdocumentaire consacré aux arènes romaines de la ville. Ce projet a remporté l’un des 4 prix Patrimoine & Innovation(s) 2017 remis lors des RNCI 2017. À cette occasion, le CLIC France revient sur ce projet en donnant la parole à Jean-Pascal Marron, Chef de projet multimédia de Nîmes Métropole et à Bettina Célié, Responsable du service valorisation et diffusion des patrimoines de la ville de Nîmes..

 bettina_celiejean-pascal_marron. Comment est né le projet de webdoc « Arènes de Nîmes » ? Qui en a eu l’initiative ?

 JPM : Alors que je travaillais déjà à Nîmes mais habitais encore Montreuil, je croise un matin Thierry Jori de la Cité des sciences. Il m’informe de l’existence de la bourse ESTIM (bourse de coproduction attribuée par Universcience à des projets audiovisuels et multimédia sur les cultures scientifiques) et m’indique que l’archéologie y a bien entendu sa place. De retour à Nîmes, après quelques échanges avec mes collègues, l’idée de proposer notre candidature à la bourse ESTIM afin d’obtenir un financement qui nous permettrait de donner une suite au webdocumentaire sur la Maison Carrée n’a pas tardé à s’imposer à tous

BC : Nous avions déjà une équipe et il était évident pour tout le monde qu’il fallait faire le même travail pour le monument le plus emblématique de la ville. La bourse ESTIM a été une formidable opportunité qui a accéléré les choses pour nous.  

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. Pourquoi avoir choisi le format webdoc et non pas une application mobile en réalité augmentée ou une table multitouch installée près des arènes ?

 JPM : Les attendus de la bourse ESTIM portaient notamment sur des productions largement et facilement diffusables au plus grand nombre. Un dispositif in situ comme une appli de réalité augmentée ou une table multitouch n’était donc pas la bonne solution. Par ailleurs, il nous semblait évident que la suite du webdocumentaire sur la Maison Carrée devait être un webdocumentaire sur l’amphithéâtre.

BC : Le webdocumentaire n’a pas vocation à être un outil d’aide à la visite, outil qui existe déjà par ailleurs. Les possibilités d’exploitation d’un dispositif à utiliser exclusivement sur place auraient été trop limitées en termes de public touché.  

 . Quels étaient les objectifs de cet outil ? Éducatif ou touristique ? Quelle en était la cible prioritaire ?

 JPM : L’objectif était clairement pédagogique. Une fois encore, il s’agissait de se conformer aux attendus de la bourse ESTIM dont le but était notamment de redynamiser le goût pour les sciences auprès des populations les plus jeunes et les plus défavorisées.

Ceci dit, nous n’avons pas eu de mal à nous conformer à cet objectif qui nous semblait parfaitement en phase avec nos propres ambitions éditoriales.  

BC : C’est un outil de découverte et d’acquisition de connaissances qui permet accéder à énormément d’informations et de ressources – surtout iconographiques – sur l’histoire et l’architecture des amphithéâtres en général et celui de Nîmes en particulier, mais aussi sur les techniques et enjeux de la restauration d’un monument de cette envergure.

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. La principale différence de cette production avec le précédent webdocumentaire réalisé par la ville de Nîmes sur sa Maison carrée réside dans le parti pris volontairement ludique et une scénarisation de la découverte grâce à une fiction animée au ton humoristique. Pourquoi avoir choisi d’adopter ce ton décalé ? N’est-ce pas contradictoire avec le sujet, l’archéologie ?

JPM : Nous souhaitions vraiment rendre accessible et attractive l’impressionnante somme de contenus scientifiques parfois un peu absconse que nous avions à présenter avec ce webdoc. Il s’agissait tout de même de raconter l’amphithéâtre sous l’angle des sciences et techniques, de sa création à nos jours en détaillant sa construction et sa restauration !

Pour rendre tout cela digeste, éviter que ce soit totalement assommant, il nous fallait bien un liant, quelque chose pour dédramatiser tout ce contenu très didactique. D’où l’idée d’un fil directeur sous la forme d’une petite fiction se déroulant à l’antiquité et de nos jours… Et tant qu’à faire, autant que ce soit drôle. Je suis profondément convaincu qu’une bonne médiation passe par une capacité à donner du plaisir au public. D’où le choix de l’humour. Par ailleurs, en quoi le rire serait-il contradictoire avec le savoir ?  

BC : Certainement pas, l’humour, l’aspect ludique sont de très bons moyens pour véhiculer et transmettre les connaissances. Les petites fictions écrites par Olivier Bleys et mises en dessin par Yann Le Bec sont de véritables introductions à chaque chapitre qui rendent les problématiques immédiatement accessibles pour tous.

. Le projet a impliqué de nombreux partenaires publics et privés. Quelles ont été les implications de chacun ?

JPM : La Ville de Nîmes a piloté le projet au plan opérationnel, éditorial et artistique. Universcience, outre son apport en coproduction a suivi le projet de manière efficace et bienveillante par l’intervention de Lina Nakazawa et Thierry Labouze. L’Inrap a également effectué un accord en co-production, assuré un suivi éditorial du projet pertinent et juste en la personne de Marine Dubois, tandis que les archéologues Marc Célié et Richard Pellé ont généreusement apporté leurs connaissances scientifiques ainsi que nombre de documents visuels utiles. La DRAC a complété le financement par une subvention.

L’agence Opixido a pris en charge la conception, la réalisation graphique et audiovisuelle ainsi que le développement du webdocumentaire, mettant à disposition tout le talent et l’engagement de son équipe. Art Graphique et Patrimoine signe les belles reconstitutions 3D de la visite virtuelle. Le romancier Olivier Bleys a conçu la fiction qui articule le webdoc et écrit les dialogues des personnages. Enfin, l’illustrateur, Yann le Bec a donné vie à cette fiction grâce à son univers visuel à la fois truculent et désinvolte.

BC : Au niveau de la Ville de Nîmes, on peut souligner la coopération avec le Musée archéologique et le Musée du Vieux Nîmes, la bibliothèque Carré d’Art et les archives municipales qui ont fourni l’abondante iconographie et une grande partie des textes.

. Quel a été le budget du projet et son mode de financement ?

JPM : 187 630 € TTC (+ 47 100 € de valorisation de la masse salariale ville de Nîmes)

– apport en coproduction ESTIM 49 545 €

– apport en coproduction INRAP 15 000 € (+ 2 520 € en industrie)

– subvention DRAC Langudoc Roussillon 55 000 €

BC : C’est un budget beaucoup plus important que celui du webdocumentaire de la Maison Carrée.

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. Quelle a été la principale difficulté du projet ?

 JPM : Pour la ville de Nîmes, il s’agissait d’une première ! Même, s’il y ‘avait le précédent du webdocumentaire sur la Maison carrée, il s’agissait là de se confronter aux méthodes de travail et au contraintes induites par un projet qui se voulait très grand public, très audiovisuel et très interactif. C’était quand même un petit défi !

BC : La principale difficulté était de s’adapter au format particulier du média “écran”, qui oblige de se limiter à des textes assez courts, facile à lire, précis sans les surcharger de termes techniques incompréhensibles pour le grand public.

. Avez-vous finalement lancé la version anglaise du webdoc ?

BC : La version anglaise sera réalisée en 2017.

. Dix mois après son lancement, quel bilan tirez-vous de cette expérience ?

 JPM : Avec près de 29 000 sessions d’une durée moyenne de 6 mn depuis la mise en ligne en avril dernier, nous sommes plutôt satisfaits de la fréquentation du webdoc. Les retours des internautes sur le terrain également ont été très positifs, notamment de la part des enseignants qui à Nîmes se servent du webdoc pour des projets pédagogiques autour de l’amphithéâtre.  

BC : On a eu aussi des retours positifs sur l’ergonomie du site.

 Vous avez remporté l’un des 4 prix Patrimoine & Innovation(s) 2017. Est-ce la première récompense ?

 JPM : Oui.

. Les contenus du webdoc ont-ils été utilisés sur d’autres supports ? Table, applications, notamment dans les arènes ou à proximité ?

JPM : Pour le moment non. En revanche, les écoles nîmoises sont pour la plupart équipées de TBI (tableaux blancs interactifs). Les enseignants s’en servent pour diffuser des extraits du webdoc à leurs élèves. L’accès interactif et la décomposition en de multiples modules autonomes leur permet d’illustrer de manière très souple leur propos pédagogique.

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. En 2012, la ville de Nîmes avait déjà produit un webdocumentaire sur la Maison carrée proposant 30 vidéos d’interviews ou de reconstitutions, 700 images et de nombreuses notices. Un espace permettait également aux internautes de déposer leurs contributions sous forme de texte, photo ou vidéo. Quel bilan aviez-vous tiré de cette première expérience ?

 BC : L’originalité du webdocumentaire Maison Carrée a été le choix de mettre en valeur ce monument historique par son patrimoine écrit et graphique, deux types de patrimoines généralement séparés. Le site offre par ailleurs des notices scientifiques pour chaque image et un espace ressources avec bibliographie, catalogue, inventaire, rubrique de téléchargement. Nous avons créé un espace ouvert à la contribution des internautes sous forme de textes, d’images ou de vidéos. Cet espace ne retient pas du tout l’attention du public, cela ne fonctionne pas. L’analyse du trafic sur le site a cependant montré la préférence du public pour les contenus fortement visuels et dynamiques. Nous avons donc retenus ces éléments à privilégier : plus d’animations, d’éléments 3D ou de vidéos ainsi qu’une narration davantage scénarisée.

. Quels sont les autres projets numériques en cours de développement ou de réflexion à la Ville de Nîmes en matière de culture et patrimoine (musées ou monuments de la ville) ?

 JPM : Le projet majeur c’est bien entendu le programme audiovisuel et multimédia du futur musée de la romanité.

En parallèle, nous entamons sous peu la production d’une application d’aide à la visite en LSF pour le musée du vieux Nîmes. Par ailleurs, je travaille actuellement avec l’équipe de Carré d’art bibliothèques à un projet de CMS (Content Management System) qui permette de créer et mettre à jour sans connaissance technique des applications de contenu culturel pour table multitouch.

BC:  La Ville de Nîmes envisage la création d’un centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine numérique pouvant donner accès à une documentation et des ressources sur le patrimoine mais proposant également des outils et des approches de médiation à travers les technologies numériques

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. Le futur musée de la Romanité est le prochain grand projet culturel de Nîmes dont l’ouverture est programmée en 2018. Quelle sera la place occupée par l’audiovisuel et le multimédia dans ce nouveau lieu ?

 JPM : Depuis novembre 2015, date des premières réunions de travail avec les titulaires des marchés, nous sommes en phase de de production très active. Une très large place est accordée à l’audiovisuel et au multimédia dans le futur musée de la romanité. L’archéologie est une science qui pour se révéler pleinement au public non initié nécessite une attention très approfondie aux outils de transmission des savoirs. La contextualisation et la compréhension des collections s’appuieront donc sur des outils de médiation contemporains, plaçant l’image au centre du dispositif tout en mêlant de manière opportune, innovation formelle et technologique. Une très grande diversité de formes visuelles, scénographiques et technologiques (animations graphiques, films documentaires, projections monumentales et immersives, reconstitution 3D, visite virtuelles, réalité augmentée, installation interactives) sont mises au service de l’enrichissement des connaissances, de la découverte et de l’émerveillement…

Web documentaire de la ville de Nîmes

Propos recueillis par mail le 17/02/2017

La ville de Nîmes, Universcience, Inrap et Opixido sont membres du CLIC France.

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