Bruno Girveau (Palais des Beaux-arts de Lille) : “Nous avons fait le choix de privilégier d’abord le visiteur et son expérience de visite”

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Le Palais des Beaux Arts de Lille, dirigé par Bruno Girveau, fête les vingt ans de sa rénovation. Pour l’occasion, le musée a choisi de se réinventer en imaginant et en déployant un nouveau “Projet Scientifique et Culturel” (PSC), dans lequel le public et les collections ont été placés au cœur des préoccupations de l’institution. La première étape du PSC se matérialise par un atrium reconfiguré, des services enrichis et de nouvelles expériences visiteurs numériques. 

Le 22 juin 2017, à 18.00, le Palais des Beaux-Arts de Lille a inauguré, en présence de Martine Aubry (maire de Lille) et de Xavier Bertrand (Président de la région Hauts de France), son nouvel Atrium, transformé en un espace pour les visiteurs alliant confort et innovation. Cette phase 1 du Projet Scientifique et Culturel est présentée dans un article du site du CLIC France

Dans l’interview qui suit, Bruno Girveau nous présente la philosophie du PSC et les objectifs des nouvelles expériences numériques du Palais.

Bruno Girveau (c) PBA de Lille photo Charles Delcourt

. En quelques mots, quelle est la place du numérique dans le PSC de modernisation du Palais des Beaux Arts de Lille ?

Après un long examen de ce qui se faisait dans le monde des musées en matière de numérique et avec l’accompagnement de Sinapses Conseils (par ailleurs, gestionnaire du CLIC France), nous avons opté pour un numérique raisonné, qui soit toujours au service des œuvres, jamais en compétition directe avec elles, ni même en covisibilité.

Le numérique doit rester une valeur ajoutée par rapport à la contemplation de l’œuvre. Cela s’applique aussi à l’écran des outils mobiles, tablettes et smartphones.

. Le PSC se déroule en cinq phases, pourquoi avoir commencé par la modernisation de l’Atrium?

Nous avons basé notre PSC sur les collections et les publics. Nous avons fait le choix de privilégier d’abord le visiteur et son expérience de visite, dans toutes ses dimensions : contenus, confort, convivialité, personnalisation, appropriation.

L’Atrium étant le cœur du musée, l’endroit où tout visiteur passe à un moment de sa visite, nous avons voulu en faire un espace de vie, en accès libre, dans lequel on puisse préparer sa visite, explorer les collections, se reposer, se restaurer, s’instruire.

Nouvel Atrium ©Buzzing Light

. Vous lancez de nouveaux espaces innovants – espace gigapixels, espace numérique – quels sont les objectifs de ces nouvelles expériences ?

Deux axes ont été retenus. Le premier, sans doute le plus important pour l’avenir mais pas le plus visible, offre la possibilité de composer sa visite en fonction du temps dont on dispose, de ses goûts, soit avant la visite depuis le site web (développé par Telmédia), soit à son arrivée dans le musée à partir de tables tactiles et de la toute nouvelle application mobile pour Android et iOS (gratuite). Cet « écosystème » lui permet aussi d’être géolocalisé pour faciliter sa visite (géolocalisation développée par Orange), de dialoguer et d’exprimer ses émotions sur des écrans disposés dans le musée. Le second, très spectaculaire est une illustration de l’apport de la technologie pour une meilleure compréhension des œuvres : naviguer à l’intérieur d’images très haute définition, atteignant le milliard de pixels, permet de comprendre la technique d’un peintre ou la richesse d’une iconographie (photographies par Gilles Alonso et développement par Buzzing Light).

. Vous lancez une nouvelle application, quelles en sont les spécificités ? Pourquoi remplacer vos applications existantes ?

Cette nouvelle application gratuite, que le visiteur aura bien sûr le choix de télécharger ou pas, lui offrira un service très nouveau et très personnalisé. Le smartphone ou la tablette peuvent devenir des outils de facilitation de la visite, de repérage dans l’espace complexe du musée mais aussi de fourniture de contenus enrichis pour ceux qui veulent en savoir plus sur les œuvres. L’application a été développée par Dévocité avec le soutien de Pictanovo.

© PBA LIlle
© PBA LIlle

. Quel est le budget de cette première phase ? Comment l’avez-vous financée ?

Le budget de la phase 1 atteint 704 000€. Nous avons bien sûr le soutien de la Ville de Lille puisque le musée est un musée de la Ville mais aussi de l’Etat et de la Région. Heureusement, nous sommes également soutenus par des mécènes privés (principalement la Fondation du Crédit Mutuel Nord Europe) mais aussi des mécènes de compétence, Orange en premier lieu, et des partenaires d’innovation.

. Cette phase 1 associe plusieurs entreprises, ces partenariats avec le privé sont-ils indispensables pour mener un tel projet ?

Oui. C’est une nécessité économique mais cela oblige aussi à une élasticité intellectuelle et organisationnelle. Il est plus difficile de chercher à faire coïncider les besoins d’un musée avec les envies et les compétences d’un mécène technologique que de disposer uniquement de fonds publics. L’échange avec des entreprises et associations est enrichissant et fait naître des solutions que nous n’aurions pas imaginées seuls, à l’image du projet Wikimuseum porté avec Wikimédia France. En outre, le soutien de Pictanovo a été décisif dans le développement de l’articulation « web-appli-personnalisation des parcours » réalisé par Dévocité dans le cadre d’un appel à projet innovant.

. En la matière, quelles contraintes avez-vous rencontrées  ?

Comme je viens de l’expliquer, cela demande beaucoup de plasticité et de réactivité pour faire converger des partenaires privés différents. Nous avons par ailleurs les contraintes habituelles des marchés publics, qui sont parfois difficilement compatibles avec des délais courts et des montages juridiquement complexes. On y arrive toutefois, la preuve ! Je salue à ce propos le travail et l’engagement des équipes du musée sur ce projet.

. Plus particulièrement, pour la première phase du projet, avez-vous dû abandonner une idée, un dispositif, trop coûteux/trop difficile à mettre en place ?

Oui, mais finalement, il y a eu assez peu de renoncements une fois que les choix ont été faits. On doit toujours ajuster nos souhaits avec la réalité budgétaire. On aurait aimé ainsi plus d’images en gigapixels. À nous de concevoir une collection à enrichir d’année en année.

© PBA Lille
© PBA Lille

. Quelles sont les prochaines étapes du PSC ?

La prochaine étape sera la remise en valeur des extraordinaires plans reliefs confiés par l’Etat. Puis le département Moyen-Âge et Renaissance, une partie du premier étage et enfin la création d’une grande galerie dédiée à l’Antiquité, tout cela jusqu’en 2022.

. Avez-vous déjà une partie du financement de ces étapes suivantes ?

Une partie seulement à ce jour. Nous recherchons toujours des partenaires et des financeurs.

. Quels sont les opportunités et les risques du déploiement d’outils/expériences innovant(e) dans le musée ?

Tout changement suscite des enthousiasmes et des réticences, selon que l’on aime ou pas l’introduction de la technologie dans nos pratiques. Certains métiers sont en effet en train d’apparaître et certains s’en saisissent. Il faut essayer d’accompagner le changement et de faire comprendre en quoi il est nous est utile.

© Buzzing Light

. Le PSC prévoit-il des expériences innovantes hors les murs ?

C’est un souhait fort. Nous avons des idées mais pas encore l’assurance de pouvoir les mettre en œuvre.

. Le numérique et le PSC vont-ils fournir l’occasion au musée de développer des partenariats avec d’autres institutions culturelles en France et à l’étranger ?

Ce n’est pas encore le cas mais nous souhaitons que certains dispositifs puissent être partagés. Il y a un début de curiosité de la part des professionnels.

. En 2016, vous avez participé à la mission Musée XXIe siècle, à titre personnel, quelles leçons avez-vous retenues ?

Je ne sais quel usage en sera fait mais j’invite les professionnels des musées et plus largement de la culture à lire le rapport de la mission. Il illustre l’étonnante vitalité des musées et la diversité des propositions pour renouveler les pratiques, élargir les publics, notamment dans les musées de région. C’est aussi un catalogue stimulant de propositions.

Interview par mail le 20/06/2017

Mise en ligne le 22/06/2017

Le Palais des Beaux-Arts de Lille est membre du CLIC France. Orange est membre associé du CLIC France.

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