Julien de Casabianca :”Quand on colle dans la rue, c’est s’exposer. C’est faire un acte engagé qui ressoude des gens séparés.”

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Lancé en juin 2014, le projet Outings invite l’art dans la rue. En effet amateurs comme artistes professionnels sont encouragés à choisir un personnage d’une toile dans un musée de leur ville, de le photographier et de l’imprimer sur une affiche de grande taille. Celle-ci est collée sur un mur délabré et se transforme alors en une nouvelle oeuvre. Une manière originale d’associer art et photographie et de faire passer des peintures moins célèbres des galeries à la rue. Dans l’interview ci-dessous Julien de Casabianca, l’initiateur de Outings, nous présente le projet, les raisons de son succès et ses projets pour l’avenir.

A lire sur le site du CLIC France : Le projet outings affiche également les peintures des musées sur les murs de Genève

Comment est née cette idée ? Quand l’avez-vous lancé ?

Outings est né en août 2014 d’une pulsion de prince charmant. Nous étions au Louvre, avec la plasticienne Maïlys Lamotte-Paulet, des Beaux-Arts de Paris, et nous sommes tombés amoureux de Mademoiselle Caroline Rivière, un tableau que le flux des visiteurs regarde peu, magnétisés qu’ils sont par les blockbusters jocondiens ou médusants. Caroline est belle et tragique, morte à 13 ans  après avoir posé pour Ingres. Nous avons eu envie de la libérer du château, de lui montrer la vie moderne parisienne urbaine. Une sorte de pulsion poétique et second degrés assez proche de celle des ahuris qui libéraient les nains de jardins il y a quelques années. Puis c’est dans le geste de le faire, dans l’acte du collage dans la rue, que nous est apparu la force de la démarche, et sa simplicité.

Pourquoi un tel nom ?

Projet international, nom anglais. Outings c’est une promenade. Plus que ride ou excursionoutings, porte l’analogie au coming out, connotation particulièrement déterminée et assumée. Faire un outing est un acte engagé. C’est s’exposer. Quand on colle dans la rue, c’est s’exposer. C’est faire un acte engagé qui ressoude des gens séparésL’art bourgeois et l’art du peuple se mêlent.

Des réalisations en France, Espagne, Etats-unis d’amérique, Paraguay, Brésil, Italie et des projets au Pakistan, en Ouganda, en Australie… Outings s’exporte sur les cinq continents; combien de réalisations avez vous recensées pour le moment ? Ces réalisations sont elles le fait d’artistes ou bien de particuliers tentés par la démarche ?

En six mois, Outings s’est installé dans douze villesDix-huit projets se sont initiés, certains dans des villes qui ne connaissent pas le street art, comme Islamabad au Pakistan. Et dans ces villes, il n’y a qu’une seule artiste… En Tasmanie, à Kingston, le projet est porté par une jeune femme qui travaillait dans un grand magasin profite d’un mois de chômage pour réaliser Outings. À Bello Horizonte au Brésil, c’est une charpentière navale. À Dunstable, en Angleterre, ce sont les enfants de l’école primaire qui investissent leur façade avec la complicité du musée municipal.

Comment expliquez-vous un tel buzz mondial ?

Probablement parce que l’idée est simple, que le geste qui crée l’œuvre –un découpage et collage dans la rue- est à la portée de chacun. Tellement de monde aime à se projeter comme artiste, sentir qu’il pourrait le faire, c’est même une rengaine entendue mille fois face à un certain type d’œuvres dans l’art contemporain. Mais là c’est assumé d’emblée : vous aussi vous pouvez le faire, rejoignez-nous !

Vous entamez bientôt une tournée aux USA. Qu’allez-vous y faire exactement ?

Nous allons coller dans les rues de Dallas des œuvres du Dallas Museum of Art, à Chicago des œuvres du Art Institute, à la Nouvelle Orléans des œuvres du Noma, à Los Angeles du Getty Museum, à San Francisco du Fine Art Museum, à New York du Met, et nous avons quelques rendez-vous avec des acteurs importants de l’art contemporain et du street art à LA et New-York qui nous ont sollicités.

Aujourd’hui des musées (Museo del romanticismo à Madrid ou le musée Dunstable de Londres) ou des institutions éducatives (Maison des pratiques artistiques amateurs de Paris) s’associent à votre démarche ; comment ont eu lieu ces collaborations jusqu’ici ? Souhaiteriez-vous leur donner une direction particulière ? Avez-vous des projets de partenariats avec des musées en France ?

A Madrid, le musée nous inclut dans son programme pour les jeunes, et nous invite à venir mener l’action. A Paris, la maire du XXe nous propose des murs, la MPAA de la Ville de Paris nous présente des jeunes et nous rapproche de Paris Musées. Avec Outings, j’ai l’impression qu’on a rarement réussi à concerner les ados de cette manière. Quand on vit dans les quartiers, on n’a pas l’impression que l’institution nous invite à titre personnel, que ce qu’elle offre peut nous toucher, parce que la visite au musée c’est avec l’école, encadré par l’autorité. Qui en garde une émotion artistique ?

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Outings c’est aussi emmener des ados dans les musées et les laisser se promener pour choisir d’eux mêmes leurs propres émotions et les emmener avec eux dans la rue en se les réappropriant dans leur propre vocabulaire urbain. C’est ramener dans les quartiers populaires multicolores une œuvre conservée dans les quartiers riches et monochromes. Dans une période où nous avons tous compris que nous devions nous reprocher individuellement la césure qui s’est effectuée, Outings est un lien à la fois simplissime à mettre en œuvre et puissant à vivre. Les gamins des quartiers n’ont absolument aucune idée du nombre de rebeus qu’on trouve sur des toiles du musée d’Orsay ou de la représentation de l’Afrique au Louvre, ils sont persuadés que c’est limité à nos ancêtres les gaulois. Avec Outings on tricote un lien vif dans le vécu d’un ado et dans son lien à son histoire.

Qui sont vos partenaires dans ce projet ? En cherchez-vous ?

Réseau Bureautique, distributeur Canon, nous a suivi dans le projet en nous équipant d’un traceur nous offrant les impressions à prix coûtant. C’est un premier pasLe centre de la démarche Outings, c’est l’implication des musées pour développer des actions, peu coûteuses, et qui créént un lien d’une qualité rare entre les jeunes et un patrimoine qu’ils ignorent.

Avez-vous d’autres projets culturels en tête ?

Le cœur de ma démarche artistique est de déveloper des projets participatifs. Je m’occupe en ce moment de préparer la tournée 2015 en Afrique (Ghana, Togo, Bénin, Éthiopie) et Asie (Inde, Népal, Birmanie, Laos) de mon long métrage Passing by (www.passing-by.org), mis à disposition de n’importe quel musicien dans le monde qui souhaite en faire la B.O. en live, en ciné concert, comme Limousine à l’Aéronef de Lille ou David Aknin au 104 ou Lack the Low à Melbourne. Cette tournée fera jouer des petits groupes locaux dans les villages et nous emportons le dispositif de projection.

Propos recueillis par mail le 4/03/2015

Mise en ligne le 15/03/2015

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