G. d’Alançon et A. Vaccaro (HeoH) : “avec nos bornes de collecte, nous souhaitons mêler harmonieusement générosité, relation-client et image”

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Temps de lecture : 9 min

À l’occasion de la mise en place des nouvelles bornes de don sans contact de la société HeoH dans divers sites patrimoniaux, le CLIC France a choisi d’interviewer ses deux fondateurs, Ghislain d’Alançon et Antoine Vaccaro. Ils nous expliquent leur démarche et nous parlent des nouveaux moyens de dons dématérialisés actuellement en cours de développement.

Pouvez-vous vous présenter ? 

A. Vaccaro : Je suis de formation universitaire. J’ai soutenu en 1986 une thèse sur la collecte de fonds pour les causes caritatives qui s’intitulait “La bataille pour la générosité”. Cette thèse était soutenue dans le cadre d’un doctorat en gestion des économies non-marchandes.

G. d’Alançon : J’ai une triple culture : bancaire, associative et marketing. J’ai néanmoins toujours eu un pied dans l’associatif : deux ans de services humanitaires en Afrique, services dans beaucoup d’associations caritatives et culturelles et fondation d’une association de dialogue “Conversations Essentielles”.

Quel sont vos parcours professionnels ?

A. Vaccaro : J’ai eu la chance de commencer mon parcours professionnel en travaillant à la Fondation de France à la fin des années 1970. Après sept années passées à la Fondation, j’ai fait un passage à la Caisse des Dépôts pour travailler sur l’informatique appliqué aux associations, puis j’ai rejoint Médecins du Monde pour prendre la direction du développement de 1985 à 1988.

Les résultats exceptionnels obtenus en collecte de fonds pour cette période pour Médecins du Monde m’ont conduit à créer en 1988 l’agence Excel qui était la première agence spécialisée en collecte de fonds en France. Fort de cette expérience et parce que le secteur demandait de créer un cadre déontologique et éthique, j’ai participé la co-fondation de l’Association française des Fund Raisers dont j’ai été président les deux premières années. En 2001, ayant cédé mes agences au groupe TBWA, j’ai pu développer une activité de communication Non Profit toujours au service de causes d’intérêt général.

Constatant que  les stratégies de collecte de fonds demeuraient trop traditionnelles, j’ai voulu créer en 2011 une agence tournée vers l’innovation qui s’est  traduit par la création d’un incubateur de start-up, le Fundraising Lab. Cet incubateur, qui est en fait un petit fonds d’investissement, prend des participations dans de jeunes pousses et m’a conduit à co-fonder avec Ghislain la société Heoh.

G. d’Alançon : Après avoir été directeur de projets internationaux et technologiques, j’ai rejoint la banque BNP PARIBAS en 2001 pour assumer différentes responsabilités en stratégie, marketing, organisation et systèmes d’information. Directeur-adjoint du programme de la refonte internationale des moyens de paiement, je suis devenu le directeur des projets transversaux et organisationnels de la banque privée du groupe BNP Paribas.

De 2003 à 2012, j’ai aussi été Président-fondateur de Conversations Essentielles, une association internationale organisatrice d’évènements de réflexion publique, accompagnée de festivals artistiques sur les grandes questions d’humanité. Depuis 2014, je suis membre du groupe pilote de l’ONU sur les financements innovants pour le développement.

En 2012, suite à des rencontres régulières avec Antoine Vaccaro, j’ai fondé HeoH afin de distiller dans les moyens de paiement de la générosité et des services, inspirés par des expériences de ce type dans certains pays.

Comment la société HeoH est-elle née ?

G. d’Alançon : La société HeoH est née de l’analyse d’une situation paradoxale : les besoins en ressources des associations augmentent car il y a de plus en plus de besoins à cause du recul de l’État Providence, de l’augmentation de la pauvreté, mais aussi de l’apparition de nouvelles causes dans l’opinion publique telles que la protection de la planète ou des causes humanitaires au loin.

Heureusement, la quête de sens grandissante chez les individus (qu’on analyse au sein de l’association que je dirige) a un impact très fort sur leur mode consommatoire. Ainsi, selon le cabinet Niels, 62% des Français (contre 41% il y a quatre ans) sont prêts à récompenser en choisissant les marques qui s’engagent au détriment de la concurrence ou encore à leur rester fidèles. Cela renvoie directement les marques à des stratégies de responsabilité sociale, d’amélioration de l’impact de leur produit ou de leur services ou encore d’ancrage dans les territoires.

Pour répondre à ces défis, le concept est celui d’une simple “opération pièce jaune sur carte bancaire ou sur tous moyens de paiement” permettant ainsi de mêler harmonieusement générosité, relation-client et image, tout cela en montant des partenariats win-win entre les personnes, les associations et les entreprises.

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Qui en sont les actionnaires et les soutiens ?

A. Vaccaro : Les actionnaires sont au départ des business angels, rejoints très vite par quelques grandes familles industrielles ou du monde du service et de l’industrie. En mars 2016, un fonds d’investissement institutionnel spécialisé Fintech, New Alpha, est entré à notre capital accompagné par une participation de la Fondation Caritas. Nous avons installé HEOH à la Pépinière 27 et sommes membres du Pôle de Compétitivité Finance et Innovation.

G. d’Alançon : Ces 4 millions d’euros levés ont permis de réaliser quatre ans de recherches technologiques, marketing, juridiques et réglementaires, de déposer des brevets sur nos solutions, de construire une plateforme informatique totalement inédite, de réaliser et de tester nos solutions : don sur terminal de paiement, cartes bancaires généreuses, bornes (fixes ou mobiles), crowdfunding et bien d’autres encore. Depuis quelques mois, nous sommes enfin sur le marché et les premiers résultats sont prometteurs.

Pourquoi avoir choisi le créneau du don patrimonial ?

A. Vaccaro : Assez naturellement, l’idée d’installer des bornes de don sans contact, dans des lieux patrimoniaux tels que des monuments,  musées, églises et bientôt peut-être des gares, des aéroports et des salons, est venue assez rapidement.

G. d’Alançon : Les besoins en financement du patrimoine sont immenses. Nos bornes sont là pour être complémentaires des troncs ou autres moyens de collectes traditionnels. De plus, il y a beaucoup  de terminaux de paiement dans les boutiques, billetteries ou restaurants dans les musées, châteaux ou autres monuments.

Beaucoup  de clients des commerçants aux alentours sont heureux de faire un don indolore pour la restauration du monument du quartier. Nous menons ainsi un pilote à Saint-Germain-des-Près qui est prometteur. Enfin, nos partenariats avec deux belles organisations (la Fondation du Patrimoine et le Centre des Monuments Nationaux) nous ont permis de mieux comprendre le secteur et d’adapter en permanence nos solutions à ses enjeux.

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Dans combien de lieux votre borne est-elle maintenant installée ? 

G. d’Alançon : Les bornes sont actuellement installées en format exploratoire dans une vingtaine de lieux.

En quoi consistent les partenariats avec BPCE et Visa ? 

G. d’Alançon : Le Groupe BPCE met à disposition son savoir-faire dans le domaine des moyens de paiement, ainsi que la force de ses réseaux Banque Populaire et Caisse d’Épargne, très ancrés dans les territoires. Pionner du don sans contact et d’Apple Pay, il acquiert et gère les flux bancaires. En tant qu’entreprise mondiale des technologies de paiements, Visa apporte son expertise sur la monétique et facilite les transactions de paiement sécurisés en utilisant la technologie sans contact par carte et par mobile.

HeoH a conçu la borne qui s’appuie sur les technologies mises à sa disposition par ses partenaires et assure une gestion des dons garantie en toute sécurité tout en informant les donateurs de la bonne utilisation des dons par les bénéficiaires. Visa et le groupe BPCE nous soutiennent dans la promotion de cette innovation à fort impact social.

A. Vaccaro : Aussi prestigieux les uns que les autres : Mont-Saint-Michel, Château de Fontainebleau, la Maison de Van Gogh à Auvers-sur-Oise, l’église Saint-Germain-des-Prés, les remparts de Carcassonne, etc…

G. d’Alançon : Nous avons démarré une opération de commercialisation à la mi-septembre, pour l’instant limitée à 200 bornes, afin d’équiper des lieux supplémentaires tels que des lieux patrimoniaux, musées, hôpitaux, universités ou sièges sociaux.

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Avez-vous un premier retour d’usages ?

A. Vaccaro : La remontée des premières collectes est encourageante, mais il est trop tôt pour que les chiffres soient significatifs.  

G. d’Alançon : il est trop tôt pour donner des chiffres car nous manquons de recul. Mais certaines bornes ont généré jusqu’à 200€ par jour, chiffres qui pourra être optimisé. Enfin imaginez que 10% de vos visiteurs fasse un don de 2€.

L’efficacité d’une borne est très liée à différents facteurs :

  • L’endroit où elle est placée : il faut qu’elle soit visible, que les personnes soient proches de cet endroit et qu’elles aient le temps. Ainsi, les entrées des monuments ou les couloirs sont souvent à proscrire. Par contre, les bornes à la sortie ou in situ fonctionnent très bien.
  • La signalétique est aussi importante. Comment prévient-on les touristes de la présence de cette borne ? Comment les conduit-on à sa proximité ? Comment les informe-t-on de la nécessité et de l’impact de leur don ?
  • Même si 30% des Francais font du paiement sans contact – chiffre en forte croissance – il reste à réaliser des efforts pédagogiques à ce sujet.

Dans de bonnes circonstances, certaines bornes peuvent collecter plusieurs centaines d’euros par jour. Quant au don sur terminal de paiement, la GoodTransaction, 50 à 95% des personnes donnent. Il suffit de multiplier le nombre de paiements par carte bancaire dans vos boutiques par ce taux et par 1€ ou 0.5€ pour estimer votre nouveau financement. Cela peut être considérable.

Quels sont vos objectifs ? Combien de bornes seront déployées et dans combien de temps ?

A. Vaccaro : Les objectifs sont très ambitieux puisqu’il s’agit à terme d’installer plusieurs centaines, voire milliers de bornes. Une première opération de déploiement est en cours portant sur 200 bornes d’ici  fin décembre et un millier en 2017.

G. d’Alançon : Plusieurs centaines terminaux de paiement fonctionnent aujourd’hui, alors que nous ne déployons que depuis deux mois. Des petites ou des grandes enseignes sont en train de rejoindre nos premiers commerçants de proximité partenaires.

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Quel est le modèle économique ?

G. d’Alançon : Ces bornes conçues et construites ont un coût ! À l’instar d’un commerçant qui loue son terminal de paiement à sa banque ou à un mainteneur de terminal de paiement, cette borne peut être louée par une association ou une entreprise avec tout compris : appareil, maintenance, transport, coût des transmissions, etc… Certains préfèrent les acheter. 

Le prix de lancement de la gamme actuelle est d’environ 150€/mois sur deux ans. Aussi 8% des dons seront refacturés afin de financer nos sous traitants mais aussi la gestion des dons que Heoh réalise. Ces prix pourront être amenés à évoluer.

Enfin, des entreprises les achètent et les donnent à leurs associations partenaires. Le coût d’achat est de 3300€ maintenance comprise pendant 2 ans. Cette démarche leur permet d’afficher leur logo sur la borne, mais aussi de bénéficier des bénéfices fiscaux liés au mécénat.

Quant à la GoodTransaction, c’est entièrement gratuit pour le commerçant, une commission de collecte très modérée est prélevée à l’association bénéficiaire.

Pourrait-on imaginer une utilisation de la borne de manière évènementielle (pendant un festival, les Journées du Patrimoine, la Nuit des Musées) ?

A. Vaccaro : C’est effectivement un sujet que nous étudions et nous pensons qu’il y a effectivement un réel intérêt à s’adosser à des évènements.

G. d’Alançon : Nous pouvons accompagner des évènements par bornes fixes, très bientôt des bornes mobiles permettant de compléter les solutions de quête et de tronc à billet ou pièce que nous connaissons tous, dons par réseaux sociaux, ou crowdfunding ou en GoodTransaction sur tous les terminaux de paiement présents dans l’évènement ou dans ses partenaires.

Quelle est la durée de déploiement et d’installation d’une borne ?

A. Vaccaro : A partir du moment ou le design est validé et la commande signée il faut compter un délai maximum d’un mois de fabrication et de livraison. Cela dépendra de notre stocks et du volume de commande.

Quelle est la durée de vie d’une borne ?

A. Vaccaro :Pour des événements, ce sera le temps des événements. Pour les monument et lieux de passage comme les gares, stations de métro, aéroports, hôpitaux ou sièges sociaux d’entreprises, elles feront bientôt partie du paysage, espérons-le, pour le plus grand bonheur des passants.

Avez-vous des projets à l’étranger ?

A. Vaccaro : Des projets sont à l’étude sur l’Europe et les États-Unis.

Le don via votre borne est-il aujourd’hui limité aux titulaires d’une carte Visa ?

G. d’Alançon : Absolument pas. Il est possible de faire un don avec une carte Visa, MasterCard et même avec ApplePay.

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Avez-vous d’autres projets en matière de don numérique dans le secteur patrimonial ? Vous intéressez-vous aux dons simplifiés via le téléphone mobile ? 

G. d’Alançon : Absolument ! Aujourd’hui, vous pouvez déjà faire un don sans contact avec mobile sur une borne ou sur un terminal de paiement avec votre smartphone s’il est équipé. Le don sans contact se fait avec sa carte bancaire si elle est équipé du signe ressemblant à une onde de radar. Aujourd’hui 70% des cartes bancaires sont équipées de cette fonctionnalité. Le groupe BPCE a aussi développé la solution APPLE PAY fonctionnant avec toute les cartes du groupe. Il faut bien sur disposer d’un iphone pour pouvoir payer avec son téléphone par cette solution. D’autres groupes bancaires devraient rejoindre cette solution qui sera vraisemblablement complétées par d’autres systèmes dans les prochains mois.

En outre, nous finalisons une étude avec un grand opérateur pour gérer des dons par SMS sur mobile.

Par ailleurs, nous allons sortir en fin d’année la première carte bancaire généreuse tout en gardant son compte dans sa banque. Avec le même niveau de service et de sécurité garanti par Bred-Banque Populaire et Visa, cette carte à débit immédiat ou différé permettra de réaliser des dons à chaque paiement, quel que soit le commerçant, avec un plafond de don mensuel. Imaginez combien les amis du Château de Versailles, de la Villa Médicis ou de l’Abbaye de Saint-Germain ou de tout monument seraient heureux d’afficher sur leur carte bancaire l’objet de leur passion tout en contribuant à chaque paiement, pierre à pierre, au rayonnement de leur lieu favori.

Site internet de HeoH

Photos : HeoH

Propos recueillis par mail le 26/10/2016

Date de première publication : 27/10/2016

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