Benjamin Brillaud (Nota Bene): “ma coopération avec Le Louvre a ouvert les portes des institutions aux vidéastes du net”

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Benjamin Brillaud, Nota Bene, “l’homme qui raconte l’Histoire en version 2.0” comme l’appelle Télérama, a moins de 30 ans. Mais il compte déjà plus de 600 000 amis sur les réseaux sociaux et ses vidéos ont généré 34 millions de vues sur sa chaine de vulgarisation historique hébergée sur la plateforme Youtube. Sa coopération avec le musée du Louvre en 2016 lui “a ouvert les portes des institutions” et lui permet aujourd’hui de produire des contenus avec le CNC, des départements et des offices du Tourisme. Dans une interview exclusive au CLIC France, il explique sa démarche, revient sur certaines de ses récentes réalisations et dévoile ses nouveaux projets.

Nota Bene est l’un des invités du Forum Régional du CLIC France à Nantes, le lundi 18 septembre 2017, en partenariat avec le Musée d’Histoire de Nantes, dans le cadre de la Nantes Digital Week 2017. Il interviendra aux côtés de Virginie D’Allens (RMN-GP), Anne-Lise Guinchard) (RMN-GP), Niko Melissano (musée du Louvre), Estelle Merceron (Musée de l’Homme), Emeline Parent (Musée de l’Homme), Florence Raymond  (Palais des Beaux-Arts de Lille).

montbazon 2017

Comment est née votre passion pour l’histoire ?

J’ai exploré la voie de l’histoire après mon bac d’électronique en m’inscrivant en fac d’histoire.

Cela m’a beaucoup plu mais j’ai arrêté la fac au bout de 6 mois car j’ai eu la chance de rejoindre une boite de production audiovisuelle « première image ». Et celle-ci m’a donné la chance de reprendre des études, cette fois audiovisuelle. J’ai ainsi pu faire un BTS audiovisuel en alternance et je suis resté 6 ans dans cette société en tant que cadreur, monteur puis réalisateur.

Cependant, l’histoire n’était jamais très loin mais reléguée au second plan.

Comment avez-vous replongé dans l’histoire ?  

En 2015, j’ai perdu mon emploi et je me suis retrouvé sans activités. Un copain m’a montré des programmes de vulgarisation scientifique sur Youtube. J’ai cherché une émission du même type mais sur l’histoire et je n’en ai pas trouvé. Ainsi est née l’idée de monter un programme de vulgarisation historique sur YouTube.

Pensiez-vous connaitre un tel succès ?

Non, à l’origine, j’ai créé cette chronique hebdomadaire histoire pour me faire une vitrine que je pourrais montrer à un futur employeur. Et ainsi montrer mes compétences et me passion. C’était un projet provisoire avant de trouver un nouveau travail.

Heureusement pour moi, l’audience de l’émission a très vite explosée et m’a permis d’en vivre. Et on a fêté les 3 ans de la chaine Youtube le 24 août 2017.

Bande-annonce de la chaine Nota Bene:

Quelle est l’audience moyenne de la chaine ?

Ma chaine Youtube génère environ 1.5 millions de vues par mois. Et depuis sa création : 34 millions de vues  et 259 millions de minutes regardées cumulées.

530 000 abonnés me suivent sur Youtube, 70 000 sur Facebook et 45 000 sur twitter.

Les 3 films les plus visionnés sont: “Les 4 fails militaires – Nota Bene #11” (avec 893 152 visionnages), “Les 4 villes en avance sur leur temps – Nota Bene #7” (avec 822 075 v.) et “Le mensonge du Moyen Age – Question Histoire Adulte #5” (819 173 v.).

Quel type d’audience avez-vous sur Youtube ?

Sur Youtube, l’audience est la suivante: 42% de 25-34 ans, 37% de 18-24 ans, 11% de 33-44 ans. 79% des vidéonautes proviennent de France, 6.3% de Belgique, 3.1% de Suisse, 3% du Canada suivi par l’Algérie, le Royaume-Uni, le Maroc et l’Allemagne.

Cette chaine est-elle aujourd’hui votre activité principale ?

Oui, toute mon activité tourne autour de la chaine et plus largement de mon image.

Je continue à produire mes propres chroniques mais je réalise de plus en plus de partenariats avec des offices du tourisme, des musées, des collectivités locales ou autres organisations.

Vous avez même commencé à vous diversifier sur d’autres supports et médias.

Oui, j’ai publié un livre en 2016 chez Robert Laffont sur les 15 pires batailles de l’histoire, du 5ème siècle avant notre ère jusqu’à nos jours. La bataille sert de prétexte à explorer et expliquer le contexte historique. Aux dernières nouvelles, le livre s’est vendu à 13 000 exemplaires, ce qui est plutôt bien pour un premier livre. J’envisage d’en écrire un second.

nota bene livre robert laffont

Je vais également commencer en octobre 2017 une chronique dans le magazine historia.

ben templier

Quels sont vos centres d’intérêts principaux ?

L’année dernière je me suis beaucoup concentré sur la 1ère guerre mondiale. Mais cette année j’ai envie de travailler sur des sujets plus variés.

Et je n’ai pas vraiment de centre d’intérêt. Toute l’histoire m’intéresse à priori.

Comment se répartissent les contenus entre vos chroniques et les vidéos produites en partenariat?

Je mets en ligne entre 2 et 4 vidéos par mois. Sur 3 ans, j’ai publié sur la chaîne environ 105 vidéos, dont 20 à 25 en partenariat.

Les vidéos en partenariat restent donc minoritaires dans ma programmation.

Comment évitez-vous le sentiment de confusion entre les deux types de contenus ?

Les deux types de programmes sont mélangés sur la chaine mais je souhaite être clair avec le public donc on ajoute un logo ou on indique toujours l’existence d’un partenariat par souci de transparence. Mon public sait ainsi toujours quand il y a une commande par un tiers.

Votre coopération avec Le Louvre a été très médiatisée. Quel bilan en avez-vous tiré ?

Il y a clairement un avant et un après le Louvre. Autant pour moi même que pour des collègues, cette première coopération a ouvert les portes des institutions, qui jusque-là ne savaient pas trop comment se comporter avec les vidéastes du net. D’un coup, tous les musées et toutes les institutions se sont dit “Si le Louvre le fait, on doit le faire aussi !”.

Vidéo “Histoire du musée du Louvre par Nota Bene”

Depuis cette coopération, j’ai beaucoup de demandes et mon agenda se remplit un an à l’avance.

Avez-vous été contacté par d’autres musées français ou étrangers ?

J’ai été contacté par quelques musées mais nous n’avons pas réussi à concrétiser de projets faute de planning ou de cohérence entre les moyens de production et les budgets disponibles.

Vous avez récemment coopéré avec le CNC et le département de l’Aisne. Pouvez-vous expliquer ces deux partenariats ?

Le cnc m’a contacté pour une opération de communication sur leur chaine CNC talents sur laquelle ils ont invité plusieurs vidéastes. Suite à ce premier projet, je leur ai proposé de créer une série et l’idée leur a plu.

J’ai ainsi produit 10 episodes sur la grande guerre à laquelle j’ai associé 4 autres vidéastes (sur l’écriture, le montage, les archives). Chaque épisode a généré de 80 000 à 150 000 visionnages.

Episode “La bataille de Verdun” de La première guerre mondiale avec le CNC

Avec le département de l’Aisne, j’ai produit 3 vidéos sur le débarquement des américains à Château Thierry, la vie des civils à St Quentin et sur le chemin des dames. (Chaque épisode a généré de 157 000 à 203 000 visionnages).

Vidéo “Face au Dragon – Le Chemin des Dames”

Les vidéos en partenariat sont diffusées sur quels réseaux ?

Sur ma chaine Youtube, sont diffusés les 3 épisodes avec le département de l’Aisne et les 10 films avec le CNC. Mais également, 1 film sur l’histoire du Berry avec 2 offices du tourisme et 1 film avec le Louvre sur les 4 expéditions.

Vidéo “4 expéditions au Musée du Louvre – Nota Bene #19”

En dehors de ma chaine, les vidéonautes peuvent regarder 3 épisodes avec l’Ina sur la propagande dans l’histoire (2nd GM, Algérie et mai 68) en association avec un autre vidéaste diffusés sur Ina histoire, 1 film avec le louvre sur l’histoire du louvre diffusé sur la chaine Youtube du louvre.

En  2016, j’ai également produit avec la Cité médiévale de loches 3 tutos sur la cuisine médiévale (entrée, plat et dessert) qui sont diffusés sur leur chaine.

Vidéo “Tuto de Cuisine Médiévale #1 avec Nota Bene : Le Pasté de Char”

Combien coûte un film produit par Nota Bene ?

Tout dépend des films mais globalement mon tarif se situe entre 8 et 10 000 euros HT par film avec tarif dégressif si plusieurs sont commandés (3 films pour environ 20 000 euros HT).

A chaque fois, Je constitue et je fais travailler une équipe pour le tournage, le montage et la postproduction.

Cela inclut la préparation, la conception (script), le tournage, le montage et la postproduction et la diffusion sur la chaine Nota Bene et le marketing sur les réseaux sociaux (70 000 fans facebook et 45 000 twitter).

Ce tarif inclut la diffusion du film sur ma chaîne et donc le fait de pouvoir toucher mon audience. On ne duplique jamais la même vidéo sur deux chaines Youtube. Mais le partenaire peut intégrer mon lien vidéo sur ses réseaux sociaux.  Il peut également intégrer la vidéo directement sur son site web.

Quelle est la durée de production d’un film ?

Les 3 films du département de l’Aisne ont demandé 1 an de travail entre le début des discussions –parfois très longues avec les partenaires- et la diffusion. La série sur le Berry a été produite en 3 mois (après le feu vert) et celle sur St quentin en 1 mois.

La phase d’écriture peut être raccourcie si les partenaires me fournissent un corpus plus complet de textes et documents pour écrire le scénario.

1 à 4 jours de tournages sont nécessaires par film, c’est ainsi le cas pour pour la série sur le Berry et Le Vaucluse

Les épisodes durent autour de 8 à 15 minutes mais la durée n’est pas fixée au départ. Cela dépend de l’écriture.

Vidéo “L’histoire du Berry”

Quel est le plus difficile dans le travail avec les partenaires ?

Je viens du film institutionnel donc je connais la relation avec un commanditaire et je peux anticiper les besoins et les réactions.

Parfois, le plus difficile est de gérer les crédits et le générique, et les susceptibilités qui vont avec. Cela me fait parfois rire.

Sur des questions de fonds, il peut y avoir des demandes spéciales sur lesquelles je ne cède pas. L’objectif des vidéos est de donner envie il ne faut donc pas alourdir le discours pour ne pas neutraliser le message. Je fais alors de la pédagogie avec les équipes de mes partenaires.

Quels sont vos prochains projets ?

En septembre 2017, je vais travailler avec le département du Vaucluse pour une diffusion en octobre. Ma compagne a co-écrit l’épisode. Comme pour les vidéos sur le Berry,  l’histoire du Vaucluse va nous permettre de faire découvrir des lieux du département.

Je vais sans doute retravailler avec le Louvre et St Quentin.

Je préparer également un autre projet pour mettre en valeur un produit via son histoire, pour le compte d’une coopérative qui promeut la culture du maïs en France.

Vous allez également retourner à l’Université …

Oui mais de manière différente !

J’ai déjà la chance de donner des conférences et je vais avoir le privilège de pouvoir intervenir également à l’université. En licence à Angers et en master à Paris Est Creteil.

Image4

Avez-vous un rêve ?  

J’aimerais participer à une grande reconstitution historique genre débarquement et le filmer avec du matériel professionnel.

Je n’ai pas vraiment de rêve sur un lieu.

Tout ce que je fais est déjà inespéré et je m’éclate vraiment dans ce que je fais. Quand j’ai été contacté par le Berry, je ne connaissais pas le lieu j’ai voulu faire le film pour le faire découvrir et j’ai visité des endroits magiques que j’ai voulu faire partager ….

Vous êtes également organisateur d’un festival ?

Oui, j’organise depuis 3 ans au cœur de la Forteresse de Montbazon un événement autour de l’histoire et de la vidéo Youtube, “Les Historiques”.

A l’origine, c’était pour inviter et rencontrer mes followers. Mais en 2017, le festival a réuni 2 500 personnes sur un weekend, de France, du Canada, de Belgique et de Suisse.

J’ai invité une trentaine de videastes Youtube pour échanger sur le thème de la la vulgarisation scientifique et historique et nous avons proposé des projections, rencontres, conférences, visites, ateliers etc Et en même temps, on met en valeur un site de patrimoine.

Cette initiative me passionne et je compte bien développer ce festival.

Pourquoi avez-vous accepté d’intervenir au Forum régional du CLIC France, le 18 septembre 2017 à Nantes ?

J’ai accepté d’intervenir parce que d’une part je connais déjà Clic France, et d’autre part je suis intéressé par le public qui sera présent au Forum. Cela peut être aussi l’occasion de faire évoluer les mentalités pour débloquer le dernier verrou institutionnel qui bloque encore parfois les projets : la rémunération et les budgets.

Interview recueillie par mail le 4/09/2017

Date de première publication: 06/09/2017

A LIRE SUR LE WEB

Benjamin Brillaud, l’homme qui raconte l’Histoire en version 2.0 (Télérama, 11/10/2016)

. Un youtubeur célèbre cartonne grâce à sa vidéo sur le Berry (France Bleu, 22/02/2017)

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Histoire : un Youtubeur traite l’arrivée des Américains dans l’Aisne sur sa chaîne (France Infos, 20/08/2017)

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