O.Tréfeu (Canopé Caen): “Vivre au temps des châteaux forts est un serious game en 3D et un site pédagogique conçu avec le musée de Normandie”

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Temps de lecture : 8 min

Depuis deux ans, Canopé Caen, développe, en partenariat avec le Musée de Normandie, une application 3D interactive immergeant, en temps réel, l’utilisateur dans un environnement réaliste du XIIe siècle en Normandie. Des centaines d’objets modélisés, trente-six vidéos et cinq univers thématiques sont proposés dans cette ressource transmédia. 

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Grâce à la réalité virtuelle, l’utilisateur est immergé dans un château fort du XIIème siècle. Il peut cliquer sur de nombreux objets pour prendre connaissance sous forme vidéo du mode de vie de l’époque. Des centaines d’objets ont été modélisés pour créer cet environnement réaliste.

L’application propose deux modes : un mode visite et un mode jeu. L’utilisateur devra répondre à des quiz, récupérer des pièces de puzzles et les remettre en place pour accéder au niveau supérieur. Il évoluera ainsi dans cinq niveaux pour atteindre le trésor caché dans le donjon du château.

Ce scénario ludique permet de valider les connaissances de l’utilisateur. Cette ressource gratuite est proposée sous forme d’application téléchargeable sur ordinateur et prochainement sur tablette.

En partenariat avec le Musée de Normandie

Jean-Marie Levesque, conservateur en chef et directeur du Musée de Normandie, partenaire de Canopé sur ce projet, explique au CLIC France l’apport du Musée dans ce projet. 

Le Musée de Normandie et Canopé travaillent ensemble depuis longtemps.L’accueil des publics scolaire est une mission centrale du Musée (25 000 élèves reçus chaque année) et cette mission rencontre celle de Canopé (ex. CRDP, centre régional de documentation pédagogique) pour la “formation des formateurs” : fournir aux enseignants les outils de leurs projets pédagogiques. Olivier Tréfeu avait d’abord contacté le musée pour proposer ce concept autour de la modélisation 3D. La démarche du musée s’adresse à tous les publics, et c’est l’originalité de la proposition de Canopé de s’emparer de ce contexte pour proposer un outil pédagogique qui utilise les éléments historiques et archéologiques avérés sur le site, tout en en faisant un modèle pour un discours plus large sur la vie dans le château médiéval.

Comment les équipes du Musée de Normandie ont été impliquées dans la conception du serious game ?

Le défi tel qu’il était posé était de refuser la facilité de construire un château théorique, synthèse de plusieurs modèles attestés mais finalement irréels. La décision a été prise très tôt dans la conception d’être au plus près des données archéologiques connues. Mais immédiatement après surgissait un autre défi : combler les lacunes de la connaissance archéologique pour proposer une visite réaliste du château dans son état du XIIème siècle. L’équipe du Musée a pu fournir toutes les données de terrain (topographie, relevés archéologiques…) mais il faut se souvenir que la reconstruction part d’une étude du sol dont il ne reste que les murs de fondation.

Il a fallu près de deux ans de recherches documentaires pour proposer des solutions à partir de données avérées dans des châteaux de même période et organiser la construction du dossier documentaire de façon à éviter à “l’architecte virtuel” qui allait construire le modèle … de refaire des heures et des heures de programmation chaque fois qu’une idée nouvelle était apportée ou qu’une solution proposée ne passait pas le test de la modélisation

Comment le Musée de Normandie utilise-t-il aujourd’hui le serious game ? 

Des videos 3D ont été réalisées à partir de scénarios de visite (monter dans le donjon, visiter la salle de l’Echiquier où se tient la cour du roi, entrer dans l’église paroissiale dans son état du XIIe s.). Ces séquences “fixées” dans des fichiers video sont diffusées sur des supports didactiques (tablettes numériques) dans le centre d’interprétation du château. L’utilisateur les consulte, mais ne peux interagir avec elles.

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Un projet collaboratif et transmédia

Pour concevoir le gameplay, des élèves de cinquième ont collaboré à l’écriture du scénario. À travers cette démarche collaborative, il s’agissait d’utiliser les connaissances et compétences de jeunes joueurs.

L’application s’intègre dans un écosystème comprenant un blog et un site pédagogique. Le blog propose de suivre la genèse et l’évolution du projet ainsi que de nombreux objets 3D. Sur le site pédagogique dix vidéos thématiques complétées par des exercices d’auto-évaluation permettent aux élèves de tester leurs connaissances sur le monde médiéval.

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Le CLIC France a également posé quelques questions à Olivier Tréfeu, Chef de projet au Canopé de Normandie et du serious game “Vivre au temps des châteaux forts”

olivPouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Olivier Tréfeu et je suis réalisateur multimédia au Canopé de Normandie. Le réseau Canopé édite des ressources pédagogiques transmédias (imprimées, numériques, mobiles, TV), répondant aux besoins de la communauté éducative.

Avez-vous mené des projets numériques avant ce serious game ? 

De nombreux projets numériques sont produits par le réseau mais notre centre s’est spécialisé dans les ressources immersives avec un développement de productions en réalité virtuelle.

Nous avons en particulier mené deux projets similaires. Le premier, lancé en 2010, s’intitulait “Vivre à Berlin-Est au coeur de la guerre froide”. Le dispositif était déjà dans ce principe d’immersion. L’utilisateur est plongé dans un appartement de la ville de Berlin-Est à la fin des années 1970 et peut cliquer sur une vingtaine d’objets pour avoir des informations sur la vie quotidienne des Berlinois sous le régime communiste. C’était une ressource purement pédagogique, l’aspect ludique est encore peu développé.

Le second, “Vivre en Normandie pendant la Seconde Guerre Mondiale”, lancé en octobre 2011, reposait sur des mécanismes un peu plus ambitieux. Un quartier entier d’une petite ville de la Manche sous occupation allemande était recréé, ainsi que les lieux caractéristiques de l’époque:  l’abri anti-aérien, le bureau de placement allemand, la boulangerie, l’imprimerie clandestine…

Ces deux projets sont également sortis dans des versions compatibles avec les tablettes android. Nous les avons réalisé en partenariat avec le Mémorial de Caen. Nous avons ensuite voulu être plus ambitieux dans notre démarche et accentuer le côté ludique.

Comment est né ce projet de serious game ?

Ce projet est né d’une volonté de mettre en valeur un patrimoine parfois disparu comme le donjon du château ducal de Caen. La réalité virtuelle permet de se déplacer dans ces lieux historiques, d’être un visiteur du XIIe siècle. La thématique du Moyen âge ayant une forte présence dans les programmes scolaires du cycle 6 et des classes de 5e, cette ressource était très attendue par les enseignants pour aborder ce point du programme de façon plus ludique.

Sur quels supports peut-on utiliser ce serious game ? 

Sur ordinateur (pc et mac) et nous finalisons les versions tablette et smartphone. Ce n’est plus qu’une question de semaines avant que le serious game ne soit disponible sur android et iOs.

Le serious game est le fruit d’une collaboration avec une classe de collégiens: à quelles étapes sont-ils intervenus, et comment ?

Pour concevoir le gameplay, des élèves de cinquième du collège Jacques Monod de Caen ont collaboré à l’écriture du scénario.

À travers cette démarche collaborative, il s’agissait d’utiliser les connaissances et compétences de jeunes joueurs.

 Combien de temps dure le scénario du jeu ?

C’est difficile d’évaluer la durée car le joueur doit chercher les 36 vidéos pour avoir les réponses aux quiz. 5 niveaux se succèdent. On peut évaluer tout de même à 2h la durée du jeu.

Le serious game propose 36 vidéos: quels sont les thèmes abordés ?

Cette ressource pédagogique permet d’aborder de nombreux thèmes du programme d’histoire et d’histoire des arts des classes de CM1 et de 5e (L’occident féodal, XIe – XVe siècle): les seigneurs, les chevaliers, l’art de la guerre, l’architecture militaire, les paysans, les bâtisseurs, l’Église au Moyen Âge, l’architecture religieuse, la musique médiévale, l’art du livre…

Quel a été le budget de la numérisation du Château et du serious game ?

Le budget du serious game est autour de 40 000 euros. C’est difficile à estimer car une bonne partie du coût s’évalue en temps-homme. La DRAC de Basse-Normandie nous a aidé à hauteur de 5 000€, le département du Calvados à hauteur de 4 000€, et nous devrions recevoir une aide de la Région. Le Musée de Normandie (situé au coeur du Château de Caen) nous a apporté son expertise scientifique.

La numérisation du château, le poste de dépense le plus important, a été financé par Canopé. Les vidéos ont également été produites en interne.

Avez-vous prévu de réutiliser autrement cette numérisation ?

Pas pour le moment. Ce projet nous a pris 2 ans et nous sommes passés à autre chose.

Un site pédagogique complète le jeu : les exercices ludiques qu’on trouve dessus sont-ils issus du jeu ou sont-ils complémentaires ?

Les 36 vidéos ont été remontés en 10 films thématiques et des exercices interactifs sont proposés. Ce site est complémentaire du jeu. Les enseignants n’ont pas toujours l’envie ni le temps de se lancer dans un serious game. Ce site reprend le contenu du jeu de façon plus classique et abordable.

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Ces exercices sont-ils pensés pour être utilisés en commun en classe ou bien par l’élève individuellement ?

Toutes les modalités sont possibles. On peut imaginer que l’enseignant propose ces exercices après sa leçon comme une validation des acquis. Ou avant sa leçon pour préparer les élèves et aller plus loin en classe avec des questions qui émergeront plus facilement. On peut aussi imaginer que ces exercices soient faits en classe tous ensemble avec l’enseignant sous forme de challenge.

Avez-vous déjà des statistiques d’utilisation ?

Nous avons déjà obtenu 10.000 téléchargements pour Vivre au temps des châteaux forts. Nous sommes nous-mêmes surpris par ces bons résultats.

Avez-vous déjà eu des retours d’élèves ou d’enseignants sur le serious game ou le site pédagogique ?

Beaucoup de retours très positifs. Quelques problèmes techniques dus à la vétusté du matériel des enseignants.

Nous avons cependant eu quelques retours d’expérience de professeurs nous expliquant que le serious game est une ressource trop lourde pour être utilisée en classe: il prend trop de temps, et le jeu est trop “clef en main”. Les enseignants souhaitent des outils qu’ils peuvent utiliser en soutien au cours. De ce fait nous revenons sur des projets moins ambitieux mais qui seront plus facilement utilisables avec une classe.

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Nous sommes en train de concevoir une immersion dans une chambre d’adolescent américain en 1969, en partenariat avec le Mémorial de Caen mais également une vue 3D dans une salle de classe française avant et pendant la 1ère Guerre Mondiale, en partenariat avec le Musée de l’Education à Rouen.

Nous allons ensuite travailler sur une immersion dans le cabinet de Flaubert, en partenariat avec la maison Flaubert, puis un projet autour de la maison de Marguerite Duras, en partenariat avec l’Institut Mémoires de l’Edition Contemporaine (IMEC). Le Ministère de la Culture et de la Communication est notre partenaire financier et désire de ce fait des contenus plus culturels et des partenariats avec des institutions culturelles locales.

Interview réalisée par mail le 22/02/2016

Photos: Canopé Caen

Date de première publication: 26/02/2016

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