D.Merabet et M.Charbonneau (La Piscine): “Nous avons choisi le crowdfunding pour que le public s’empare du projet d’agrandissement”

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Temps de lecture : 9 min

«Plus belle piscine de France» hier, 5e musée de France et 7e «Monument préféré des Français» aujourd’hui, telle est la Piscine de Roubaix. Imaginée pour accueillir 60 000 visiteurs par an à son ouverture, ce musée reçoit en réalité de 200 000 à 230 000 visiteurs chaque année. Après 15 ans de fonctionnement et de succès, le Musée s’est engagé dans une démarche d’agrandissement de ses espaces  devenus trop exigus. A cette occasion la Piscine fait appel à toutes les bonnes volontés grâce à un financement participatif. Le musée en profite pour tester également de nouveaux outils numériques. Dounia Merabet, en charge des partenariats, du mécénat et des locations d’espace au musée La Piscine depuis 1997 et Marine Charbonneau en charge de la communication du musée La Piscine depuis l’été 2015, répondent aux questions du CLIC France. Elles reviennent notamment sur les résultats de l’opération de financement populaire et présentent leurs nouveaux projets numériques. 

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Si l’essentiel des travaux est financé par la Ville de Roubaix, l’Etat, la Région, la Métropole Européenne de Lille, le Cercle des Entreprises Mécènes de La Piscine et la Société des Amis du Musée, des financements supplémentaires sont nécessaires pour améliorer l’aménagement de trois espaces spécifiques.

La Piscine invite donc un large public à se mobiliser pour mettre en oeuvre trois projets passionnants : les salles du Groupe de Roubaix, les nouveaux ateliers de pratique artistique pour les jeunes publics et le patio de sculptures. Le montant des travaux d’extension s’élève à 7,8M d’euros. Pour réaliser ce projet à la hauteur de ses ambitions, La Piscine espère réunir au minimum 200 000 euros grâce à la générosité des donateurs.

Teaser Soutenez la Piscine dans son agrandissement !

Trois chantiers à financer

. L’aménagement des salles dédiées au Groupe de Roubaix

Le Groupe de Roubaix, réunissant des artistes roubaisiens et des signatures nationales dans les années 1950-60, a ouvert le Nord-Pas-de-Calais à la création contemporaine. Cette aventure culturelle exceptionnelle désormais très présente dans les collections de La Piscine doit s’affirmer dans un espace permanent dédié. Dans l’agrandissement dessiné par Jean-Paul Philippon, le projet est de réserver les deux anciennes salles d’entrée de la piscine pour y présenter exclusivement cette collection par roulement mais également de construire, pour augmenter l’espace et faciliter la circulation des visiteurs, une aile neuve adjacente, réservée aux sculpteurs du Groupe de Roubaix.

. Le développement des ateliers jeunes publics

Dès son projet de création, La Piscine a toujours mis au centre de son engagement et de sa programmation l’ouverture du musée aux jeunes publics, qui représentent actuellement une fréquentation de plus de 50 000 enfants par an.

La création de nouveaux espaces apparaît désormais essentielle pour satisfaire l’ensemble des demandes. Aménagés dans l’ancien collège Sévigné, jouxtant le musée, ces équipements permettraient d’aborder les apprentissages du modelage, de la taille, de la cuisson, de l’impression et de la muséographie. Un accès direct sur la rue des Champs aiderait également au développementd’ateliers pour adultes, en dehors des heures d’ouverture du musée.

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. La création d’un patio de sculptures

Le lien entre le musée de Roubaix et la sculpture est ancien. Dès sa création, La Piscine place la sculpture au cœur du grand bassin et oriente sa programmation avec des expositions temporaires de grande renommée comme Picasso en 2004, Chagall en 2007, Degas en 2010 et évidemment Claudel en 2014. Au fil des années, le fonds de sculpture n’a cessé de s’enrichir grâce aux différents achats mais aussi grâce aux dons d’artistes, de collectionneurs et d’héritiers. Des œuvres de Jedd Novatt, de Jean Roulland, ou encore d’Henri Bouchard sont venues, par exemple, compléter la collection déjà existante.

L’agrandissement du musée permettra de dévoiler ces œuvres au public. Une nouvelle aile dédiée à la sculpture des XIXe et XXe siècles sera construite dans l’axe du bassin, attenante à la salle d’expositions temporaires actuelle. Cette aile sera complétée par une nouvelle salle d’expositions temporaires et par l’aménagement souhaité d’un patio de sculptures, vitrine à ciel ouvert qui replace dans leur environnement des oeuvres initialement créées pour être vues en extérieur.

Un tableau animé en réalité augmentée

La Piscine accueille également des prototypes des dernières technologies.

Ainsi, pendant la dernière Nuit des Arts le 5 décembre 2015, le tableau du Combat de Coqs en Flandre, pièce maîtresse de La Piscine, a revécu avec une application développée par la start-up Artenpik, incubée à la Plaine Image.


Artenpik anime un tableau de La Piscine grâce à… par lavoixdunord

Dounia Merabet, en charge des partenariats, du mécénat et des locations d’espace au musée La Piscine depuis 1997 et Marine Charbonneau en charge de la communication du musée La Piscine depuis l’été 2015, répondent aux questions du CLIC France. Elles reviennent notamment sur les résultats de l’opération de financement populaire et présentent leurs nouveaux projets numériques. 

Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?

Dounia Merabet, en charge des partenariats, du mécénat et des locations d’espace au musée La Piscine depuis 1997.

Marine Charbonneau en charge de la communication du musée La Piscine depuis l’été 2015.

La Piscine prépare actuellement un grand chantier de réaménagement qui devrait l’étendre de 2 300m2: quelles sont les dimensions / innovations numériques éventuelles de ce chantier ? 

Quelques pistes évoquées : Installation du wifi, de bornes tactiles, parcours numériques dans les salles…

Mais tout ça est actuellement à l’étude et sera mis au point par l’équipe scientifique, le service communication et les services des publics.

Vous faites appel au financement participatif pour rassembler 200 000€, soit 4% du budget global: pourquoi ce choix du crowdfunding ?

Nous avons choisi d’avoir recours au financement participatif, de manière très minoritaire, et en complément du financement des acteurs public, parce que nous pensions que le grand public devait s’emparer du projet ; et montrer ainsi très concrètement son attachement au musée. Cela nous permettait aussi de communiquer sur des aspects spécifiques du projet d’agrandissement qui n’étaient pas forcément visibles dans la communication globale, et qui convenaient parfaitement à une cible grand public.

Visuel Campagne

Pourquoi ce choix de mener la campagne faire sur votre site internet plutôt que sur une plateforme (Ulule, MyMajorCompany, Culture Time…) ?

Trois raisons: car ces structures prennent forcément une rémunération et on estime que le donateur donne pour un projet et non pour payer des frais annexes. Cela nous semblait de plus être un frein pour la collecte par un acteur public.

Parce que ces plateformes sont intéressantes pour des collectes plus petites et pas forcément pour les ordres de grandeur envisagés.

Parce que cela demandait des démarches juridiques obligatoires en qualité de collectivité territoriale et que nous aurions alors été hors délais.

Vous proposez aux donateurs de choisir parmi trois destinations pour leur don: les salles du Groupe de Roubaix, les ateliers jeunes publics et le patio de sculptures; quelle est la destination qui a engrangé le plus de dons jusqu’à présent ?

Nous sommes actuellement à 65% de l’objectif récolté ce qui signifie donc que nous avons passé la barre de 130 000 euros.

Étrangement, les trois espaces ont obtenu exactement les mêmes résultats. Mais 70% ne se sont pas positionnés. Ce qui veut dire que les trois projets sont validés et que le public nous fait confiance pour l’affectation des sommes récoltées ; c’est-à-dire in fine pour le projet d’agrandissement lui-même.

Comment communiquez-vous sur les réseaux sociaux ? Par le biais de votre page Facebook ou celle des amis de la Piscine ?

Le musée communique sur ses comptes Twitter et Instagram mais nous n’avons en effet pas de page officielle pour le musée. Historiquement, la page des Amis est la première à avoir été créée et à avoir réuni une communauté de fans séduite par le ton volontairement moins institutionnel que celui d’une page officielle tout en donnant les informations sur la vie du musée et notre programmation. C’est donc cette page Facebook qui relaie les informations ; ainsi bien sûr que l’ensemble du dispositif social media de la Ville de Roubaix (Facebook, Twitter, Instagram, lien avec les articles sur le site de la ville, campagnes video ad hoc); ce qui nous permet de rappeler que la Piscine est un musée de la Ville de Roubaix…

Vous avez fixé une date de clôture de la campagne, au 31 mars: pourquoi avoir mis une date de clôture alors que vous n’y étiez pas contraints, n’étant pas sur une plateforme de financement participatif ? Allez-vous rembourser les donateurs si l’objectif de collecte n’est pas atteint à temps ?

Plateforme ou pas, nous sommes tenus légalement de donner une date ; et d’autre part il nous paraît important qu’une campagne de crowdfunding soit rythmée dans le temps. Le remboursement ne peut se faire que si le projet était abandonné (ce qui n’est pas envisagé), pas si l’objectif n’était pas atteint. Ce que vous évoquez est le “Tout ou rien”, une pratique de certaines plateformes. Ce n’est pas notre cas car cela ne correspond pas à notre philosophie de l’opération. C’était aussi une des raisons du choix de l’outil interne pour la collecte.

Vous avez en décembre 2015 accueilli un prototype de la startup Artenpik, une application sur tablette qui a animé un tableau du musée grâce à la réalité augmentée: comment avez vous accompagné ce projet ?

L’initiative d’Artenpik, start-up roubaisienne incubée à la Plaine Image venue présenter un prototype lors de la dernière Nuits des Arts, résulte plus d’un heureux concours de circonstances.

Cette start-up a en effet remporté le Grand Prix du Jury et le Prix de la meilleure idée des Happy Hacking Days 2015 en octobre dernier avec ce projet de réalité augmentée. Lors de ce hackathon, le projet n’a pas laissé insensible le Maire de Roubaix qui participait au jury, et Frédéric Minard, son adjoint en charge de la culture, qui les a invités à intervenir pendant la Nuit des Arts.

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Ce fut une très belle opportunité pour le Musée pour montrer au public les réflexions qui ont lieu en coulisses mais également pour la start up qui a pu tester les réactions de nos publics face à ce type d’outils.

Quels ont été les retours des visiteurs ayant pu tester le prototype ?

Les retours ont été étonnamment positifs bien que l’outil développé n’ait été qu’au stade du prototype. Pour beaucoup de visiteurs, ce fut la première “expérience” de réalité augmentée, qui fait toujours son effet ! Des enfants ont même essayé d’attraper les plumes des coqs ! (c’est le fameux tableau Combat de coqs en Flandre de Rémy Cogghe, une des pièces majeures du musée, qui avait été choisie par Artenpik pour support de la réalité augmentée)

Quels ont été les retours des équipes du musée ?

De notre côté, cette expérience a été très enrichissante. Une fois passée l’effet de surprise que provoque l’animation en 3D, elle nous a permis d’affiner nos réflexions sur la mise en place d’un parcours sur lequel nous commençons à travailler. Nous avons réellement été séduits par l’interaction produite entre l’œuvre et le visiteur, et impressionné par l’appétence de ceux-ci pour une telle proposition. La réalité augmentée oblige une présence physique du visiteur dans les salles et c’est ce qui fait, il me semble, sa vraie valeur ajoutée.

Préparez-vous une nouvelle utilisation de cette application ? Sur un nouveau tableau ?

Pour le moment, nous sommes en réflexion sur la manière de prolonger cette expérience. En parallèle, nous nous concentrons sur le moyen terme et sur la définition d’un parcours dans les salles.

Avez-vous des projets numériques en préparation ? Autour de la réalité augmentée ?

Oui en effet, comme évoqué précédemment nous commençons à réfléchir à la mise en place d’un parcours mobile pour les jeunes publics.

Nous ne sommes encore qu’au stade de la détermination du parcours et des réflexions sur l’outil que nous souhaitons développer. La réalité augmentée y prendra très probablement une place mais nous restons également ouverts à tout autre dispositif nous permettant de dévoiler le contenu pédagogique spécifique à chacune des œuvres jalonnant ce parcours.

Il nous semble en effet important de garder en vue les objectifs pédagogiques et de bien concevoir le projet afin que l’interactivité serve réellement notre propos. Si l’animation d’un tableau peut être pertinente pour certaines œuvres, elle ne l’est pas forcément pour toutes. Pour ne pas lasser le visiteur et perdre l’effet de surprise il nous semble important de trouver la technologie qui s’adapte le mieux (réalité virtuelle, mise en volume, animation vidéo…). Voilà en tout cas l’idée, nous verrons prochainement comment elle pourra se concrétiser dans la réalité!

Interview réalisée par mail le 25/02/2016

Sources: La Piscine, La voix du nord

Photos: Canopé Caen

Date de première publication: 03/03/2016

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