Martijn Pronk (Rijksmuseum / Amsterdam): “premier bilan du dispositif Rijksstudio”

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Temps de lecture : 6 min

Martijn Pronk, Head Publications Dept. au Rijksmuseum (Amsterdam),: “premier bilan du dispositif Rijksstudio”

Intervention lors des 4ème Rencontres Nationales Culture & Innovation(s) – 1er février 2013

Synthèse par  Marie Van Cranenbroeck, Doctorante en communication

Intro en vidéo

Le Rijksmuseum (site web) rouvrira ses portes le 13 avril 2013. C’est dans les locaux rénovés et vides du musée qu’a été inauguré le dispositif Rijksstudio, le 30 octobre 2012. Martijn Pronk en a dressé un premier bilan.

Comment est né le Rijksstudio ?

Il s’agissait d’abord de profiter de l’essor des tablettes numériques, qui modifient l’usage d’internet. On peut désormais déplacer, zoomer, toucher des images, ce qui crée une nouvelle intimité, modifie la relation du visiteur aux objets/images. On remarque aussi au niveau des statistiques de visite que les caractéristiques de visite depuis un ordinateur fixe ne sont pas les mêmes que depuis une tablette numérique.

Le Rijksstudio part de l’expérience de Pinterest, site qui permet de mettre de l’ordre parmi les milliards de photos présentes sur le web.

Le Rijksstudio prend aussi le parti de proposer des contenus réellement libres (Creative Commons). Peu de musées proposent des contenus libres… Pourtant, la première mission des musées, c’est de mettre les collections à disposition des visiteurs. Le projet Rijksstudio va encore plus loin puisqu’il permet aux usagers de retravailler les images (dans la lignée des FabLabs ou de Photoshop).

Ensuite, l’influence des apps. Les apps permettent une ou deux fonctionnalités, sont très simples et faciles à utiliser… mais leur durabilité est faible, elles sont éphémères et il faut prévoir une version pour les différents systèmes (iTunes, Android). Contrairement aux sites web qu’il ne faut pas installer.

L’usage d’internet d’aujourd’hui est très différent de celui d’hier. Les demandes de l’usager changent, parfois au moment même, selon l’outil qu’il emploie (mobile, ordinateur portable, ordinateur fixe, tablette, smartphone…).

La place des experts diminue, les gens se créent des savoirs (on pourrait même imaginer que bientôt, les gens se guériront eux-mêmes grâce à internet, par ex.). Suite aux retours très enthousiastes de Google Art Project, le Rijksmuseum a pris la décision de prolonger l’expérience en mettant à disposition tout le musée et des infos sur les objets via Google Street View. Le Rijksstudio permet d’aller encore plus loin.

E-stratégie et site web du Rijksmuseum

Dix ans auparavant, le site web du Rijksmuseum était une grande base de données, utile pour peu de gens mais accessible à tous. Le site web était construit comme le musée in situ, seuls les habitués s’y retrouvaient. Nouveau musée = nouvelle e-stratégie.

Médias propres = site web

Externe = page Wikipédia

Acquis = avis sur Twitter, blogs, etc. ; plus grande influence mais il faut travailler pour les conquérir, il faut des contenus suffisamment attractifs pour que les gens aient envie de s’en emparer.

Le modèle de Forrester permet aussi de bien voir ce que les gens vont chercher ailleurs et ce qu’il n’est peut-être pas nécessaire, par exemple, de mettre sur le site web (cf. infos qui se trouvent naturellement sur une page Wikipédia). Ce modèle a permis au Rijksmuseum de faire des choix pour rendre le site plus simple et plus ergonomique. La clé est d’utiliser les bases de données du musée pour créer des apps commerciales et non-commerciales.

E-stratégie : simplicité, conception responsive, partager, surprendre, séduire.

Dès le début, la conception du nouveau site web du Rijksmuseum a été axée sur:

– l’utilisation d’une tablette numérique (nombre limité d’options, boutons,…), l’ergonomie est ainsi pensée comme une apps, le site se regarde idéalement avec une tablette, c’est une autre manière d’être proche du visiteur (zoomer, déplacer, voir un détail ou un objet dans sa globalité) ;

– une conception responsive : quelque soit l’outil utilisé par le visiteur (ordinateur portable, ordinateur fixe, tablette, smartphone), la navigation s’adapte à l’écran (vertical, horizontal) ; avoir un site web mobile, c’est aussi la possibilité d’être joignable partout, à 100 % ;

– des images : elles inspirent et séduisent, les fonctionnalités superflues ont été abandonnées, les contenus ont été choisis en fonction de ce que les gens veulent en général ; ceux qui veulent plus d’informations doivent faire un effort de plus pour y accéder (ex : la plupart des gens ne veulent pas savoir le nom de l’imprimeur d’une gravure), les images deviennent plus proches des visiteurs ;

– le module « découvrez les collections », qui permet de découvrir les collections selon des thématiques (vues comme des rampes d’accès) et il y a toujours un moteur de recherche qui permet de répondre aux demandes spécifiques.

Premier bilan du dispositif Rijksstudio

Le projet Rijksstudio permet une interaction avec les collections, c’est le petit-frère tapageur du site web, pour ouvrir les portes du musée aux Néerlandais mais aussi et surtout au monde, libérer totalement les collections.

Rijkstudio en chiffres :

– 125 000 images libres (usage personnel), « ne pas à toucher s’il-vous-plaît », dont la qualité est encore meilleure que celles de Google Art Project, « Le musée au bout des doigts ».

– chaque visiteur est le propre directeur de son musée, il décide de ce qui est important pour lui (ex : musée avec seulement du vert, seulement les objets qu’il préfère…) ; s’il n’a pas envie de choisir, il y a aussi un mode ‘games’ où il peut se laisser guider par le musée (mais aucune obligation) ;

– le visiteur peut sauvegarder ses œuvres choisies, retravailler des détails, constituer sa propre collection, un « Rijksstudio personnel » (une sorte de Pinterest, couplé à Twitter, Facebook et Pinterest) ;

– tous les Rijksstudio sont visibles, et il y a une grande popularité du projet en milieu scolaire, les profs constituent des collections pour leurs élèves, etc. ;

– fonctionnalités d’impression des images (sur papier, affiches, plexi, alu…) parce que sur internet, on trouve des milliers de sites pour imprimer des objets à partir de collections, fonctionnalité « pour mettre un peu de Rijkssmuseum dans sa vie » ;

– partager sa collection avec ses amis et ses proches via les réseaux sociaux ;

– bientôt la possibilité de télécharger des images personnelles au sein de son Rijkstudio.

Le succès du Rijksstudio n’aurait jamais été possible avec seulement quelques images, c’est l’abondance qui rend les collections plus proches, il y a toujours quelque chose qui va parler aux visiteurs, même les demandes les plus rares ! Ce qui amène de nouveaux publics, puisqu’il n’y a plus seulement les habitués mais aussi des publics spécifiques, comme ceux qui cherchent des objets en rapport à leur village d’origine ou des passionnés de chats, par ex.

Un premier bilan chiffré depuis le 30 octobre 2012 :

– 1 million+ de visiteurs

– 32 000+ Rijksstudios

– 50 000+ collections

– 100 000+ images téléchargées

– 25 % viennent d’un appareil mobile (la moitié d’un iPad)

– durée moyenne de visite : 10-15 min.

– Facebook connect : 30 %

Le Rijksstudio a été développé en une année et a coûté 1 115 000 euros (site + marketing), financé en grande partie grâce au mécénat de la BankGiroLoterij (qui est aussi un des mécènes principaux du Rijkmuseum).

Le site est à la pointe de ce qui se fait aujourd’hui sur le web mais la plus belle réussite, ce sont les interactions des visiteurs avec les collections, qui permettent de découvrir des détails invisibles, d’emporter chez soi de belles choses.

2012 : 1 million de visiteurs du musée, 3 millions de visiteurs du site web et 1 million de visiteurs du Rijksstudio… mais pas d’objectifs à atteindre !

Quelques questions du public 

Question 1 : Comment la numérisation des 125000 œuvres a-t-elle été possible ?

Les dix ans de rénovation du musée ont permis de numériser les objets, une masse d’infos autour de laquelle le site a pu se construire. Le site a coûté environ 700000 euros et 500000 euros ont été consacrés au marketing et à la communication.

Question 2 : Quels sont les enseignements retenus de l’expérience de Google Art Project ?

Ce qu’ils ont appris : les gens ne vont pas seulement sur les sites des musées mais plus encore sur Google Art Project. Le côté négatif de Google Art Project, c’est la mauvaise qualité des images… Mais Google Art Project permet de toucher de nouveaux publics (le musée sera complètement numérisé avec Google Art Project, voir supra).

Question 3 : Comment se situent les conservateurs par rapport aux images, aux contenus, au projet Rijksstudio ?

Il y a ceux qui aiment et ceux qui n’aiment pas, changer fait toujours peur, c’est difficile de travailler avec les gens qui ne veulent pas changer (et ce n’est pas une question de génération). Ne pas écouter ceux qui sont contre mais espérer les embarquer en cours de route.

Question 4 : Qui s’est occupé du design ?

L’agence Q42 (http://q42.com/#/banner) et le designer du musée.

Synthèse rédigée par Marie Van Cranenbroeck, Doctorante en communication, Université Catholique de Louvain, Belgique (marie.vancranenbroeck@uclouvain.be)

Février 2013

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