Au Musée Fabre et au Musée d’Orsay, une table interactive permet de découvrir une œuvre disparue de Frédéric Bazille

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Le Musée Fabre de Montpellier, en collaboration avec le Musée d’Orsay de Paris et la National Gallery of Art de Washington, organise une exposition rétrospective internationale consacrée au peintre impressionniste Frédéric Bazille. À cette occasion, une application narrative interactive a été conçue pour présenter les résultats d’études et de recherches scientifiques et faire découvrir aux visiteurs des créations inédites du peintre.

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En novembre 1866, le peintre Frédéric Bazille a participé au Salon, la grande exposition annuelle de peinture qui représente l’une des rares opportunités de présenter et de faire connaître son travail à Paris. Il y a exposé un tableau décrit ainsi : « C’est un sujet fort simple et qui attirera fort peu les regards s’il est reçu : une jeune fille joue du piano et un jeune homme l’écoute ». Aujourd’hui, ce tableau est réputé disparu.

L’exposition “Frédéric Bazille, la jeunesse de l’Impressionisme” s’articule autour de l’histoire de ce tableau en réunissant un nombre important d’œuvres de Bazille, ainsi que les travaux de quelques peintres contemporains (Monet, Renoir, Delacroix, Courbet ou Sisley).

Du 25 juin au 16 octobre 2016, l’exposition du Musée Fabre a ainsi invité les visiteurs à “rechercher” la toile disparue tout en découvrant les secrets, les anecdotes et l’histoire des travaux de Bazille. Avec une table interactive, résultat d’une collaboration entre le Musée Fabre, le Musée d’Orsay et la National Gallery of Art de Washington, les visiteurs ont pu se lancer “À la recherche du tableau perdu”.

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Du 15 novembre 2016 au 5 mars 2017, l’exposition s’installe au Musée d’Orsay et met également la table et son application à la disposition du public.

Pour concevoir ce projet, les conservateurs des institutions partenaires ont du “trouver l’angle d’écriture des contenus, établir la quantité d’informations à transmettre et s’assurer de leur véracité”. En matière technique, les équipes des services multimédias des deux musées ont travaillé ensemble pour définir les besoins spécifiques du projet et le développer avec la société Fleur de Papier.

Le CLIC France a posé quelques questions à Anne Le Cabec, du Musée Fabre, qui a joué le rôle de chef de projet.

Anne Le Cabec. En quoi consiste l’expérience proposée aux visiteurs sur la table interactive ?

À l’occasion de l’exposition “Frédéric Bazille, la jeunesse de l’Impressionnisme”, les trois institutions partenaires (Musée Fabre, Musée d’Orsay et National Gallery of Art de Washington) ont mené conjointement une campagne de restauration et d’imagerie scientifique inédite.

Le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF) et des laboratoires de la National Gallery of Art de Washington ont réalisé des prises de vue ultraviolettes, infrarouges et des radiographies nous permettant de plonger au cœur de la technique de Bazille. Ces dernières ont révélé qu’il réemployait régulièrement des toiles déjà peintes pour les recouvrir par une nouvelle composition. Ainsi, pour la première fois, nous découvrons l’existence de tableaux connus par le biais de la correspondance de l’artiste et considérés comme disparus.

Le dispositif numérique propose une plongée dans le détail de l’œuvre de Bazille à la recherche du tableau Une jeune fille joue du piano et un jeune homme l’écoute. Il s’agit de la première composition ambitieuse que Bazille présente au Jury du Salon en 1866. Elle était jusqu’ici réputée perdue… La recherche du tableau est une occasion inédite d’explorer la technique picturale de Bazille, dévoiler les compositions sous-jacentes et découvrir ses liens d’amitié et de travail avec les futurs impressionnistes.

. De quoi se compose son contenu ?

Le dispositif présente des reproductions d’œuvres de Bazille et d’autres artistes (essentiellement des œuvres présentées dans l’exposition), des radiographies réalisées par le C2RMF au cours de l’examen approfondi de quelques-unes de ces œuvres, des extraits de la correspondance croisée de Bazille et d’autres artistes (notamment Claude Monet).

La trame se compose d’une alternance de séquences narratives animées et de phases interactives durant lesquelles les visiteurs deviennent acteurs (trouver “les tableaux dans le tableau”, dévoiler, en promenant le doigt sur la toile, la composition sous-jacente…).

. Le projet associe donc recherche et expérience grand public ?

En effet, le contenu et les interactions proposés par la table tactile permettent de communiquer des découvertes scientifiques auprès d’un public élargi, apportant une véritable plus-value à l’expérience de visite.

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 . Comment est né ce projet d’expérience table?

Le projet a vu le jour dans le cadre de l’exposition “Frédéric Bazille, la jeunesse de l’Impressionnisme”, lancée à l’initiative du Musée Fabre.

À cette occasion, ce dernier a souhaité concevoir un outil de médiation permettant, en complément des œuvres présentées dans l’exposition, de faire découvrir et de valoriser des découvertes scientifiques permises par le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF) et des laboratoires de la National Gallery of Art de Washington.

. Comment est né le partenariat ?

Cette rétrospective est co-produite par les trois musées disposant des plus importants fonds de l’artiste : le Musée Fabre, le Musée d’Orsay et la National Gallery of Art de Washington. Le Musée Fabre, qui disposait déjà d’une table tactile, a proposé au Musée d’Orsay de s’associer dès la genèse du projet. Ensemble, ils ont choisi le prestataire, Fleur de papier, et construit le contenu autour des découvertes permises par l’imagerie scientifique.

. Comment ont été répartis les rôles dans le processus de production ?

Un tel projet a pu voir le jour grâce aux partages des compétence entre les deux musées. Les contenus ont été sélectionnés et les textes rédigés spécifiquement par les responsables scientifiques, conservateurs et commissaires d’exposition des deux établissements.

Les interactions et les animations ont été co-construites par les équipes des deux musées et le prestataire. Le Musée Fabre, à l’initiative du projet, a assuré la coordination entre les deux musées et le prestataire. Au sein de chaque musée, les différentes équipes concernées (service des exposition, service des publics) ont été associées à la réflexion par le service multimédia.

 . Quel a été le budget du projet ?

Le coût de l’application s’élève à 15 000 euros, auxquels il faut ajouter les photographies des tableaux en très haute définition et les droits d’utilisation, pour les tableaux ne relevant pas des deux institutions partenaires.

Les coût additionnés ont été divisés par deux. Le Musée Fabre a fait l’avance des frais. La table tactile, dont le musée est propriétaire, a été prêtée au Musée d’Orsay pour la durée de l’exposition.

 . Quels types de contrats avez-vous entre les partenaires et le prestataire ?

Un contrat de partenariat, spécifiquement dédié au dispositif, a été établi entre les deux institutions, dans le cadre de la convention liée à l’exposition.

. Qui détient les droits ? Pouvez-vous adapter la mécanique et le développement à un autre tableau ?

Les deux institutions partenaires disposent des droits sur l’application. Les droits relatifs à la reproduction des tableaux ne relevant pas des deux musées associés, doivent être reconduits chaque année, dans l’hypothèse où le Musée Fabre conserverait la table dans ses collections permanentes.

La trame et les interactions proposées par l’application restent liées à un sujet très spécifique. En revanche, la démarche d’immersion dans la technique picturale d’un artiste pourrait être transposable à d’autres contenus.

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. Quels ont été les retours des visiteurs ?

L’outil de statistique intégré à la table indique, pour le Musée Fabre, une consultation sur plus de 90% du temps d’ouverture de l’exposition et un temps de consultation de 8 minutes en moyenne, c’est-à-dire la quasi totalité de l’animation. L’expérience fédère généralement des groupes de personnes d’horizons différentes et un public transgénérationnel .

. Après Montpellier, l’exposition s’installe à Orsay. La table suit-elle également ?

En effet, la table tactile a été prêtée au Musée d’Orsay pour la durée de l’exposition.

 . La table suivra-t-elle également l’exposition à Washington ?

Pour des raisons d’ordre pratique, la table ne voyagera pas à Washington. En revanche, l’équipe de la National Gallery réfléchit, en lien avec le prestataire Fleur de Papier, à adapter et développer le contenu de l’application sur le web.

. Ce projet vous a-t-il donné envie de faire d’autres projets communs et mutualisés avec d’autres institutions muséales ?

La conception mutualisée de la table tactile est née d’une exposition co-produite : un contexte particulièrement favorable pour une telle réalisation, initiée par les commissaires de deux des musées partenaires. La répartition des tâches, l’organisation de la coordination et la réactivité du prestataire ont permis des échanges fluides et efficaces et le respect du calendrier.

Actuellement, nous avons deux projets en cours impliquant des partenariats avec des musées et des centres de recherches :

  • Une galerie tactile, en partenariat avec le Musée du Louvre : “L’art et la matière-Galerie de sculptures à toucher” (du 10 décembre 2016 au 28 mai 2017) qui associe des moulages de sculptures provenant des collections du musée et du fonds du Musée du Louvre. Nous préparons, dans le cadre de la galerie tactile, un mapping “indoor” appliqué à un moulage d’une de nos statues monumentales : le Jacques Cœur du Préault. Le projet pédagogique consiste à animer le moulage grâce à un son et lumière, afin qu’il raconte son histoire et présente ses techniques de fabrication. Il est destiné à demeurer de manière pérenne dans nos collections. Nous n’avons pas eu l’occasion de développer de dispositif numérique commun dans le cadre de cet évènement.
  • Une étude scientifique inédite d’un panneau de bois du XVIème siècle, sous les yeux du public, en partenariat avec le CNRS et les Universités de Montpellier, Poitiers et Florence, et indirectement, le Rijksmuseum d’Amsterdam, le Ministère néerlandais à la culture (RCE) et les Universités Techniques de Eindhoven et de Delft. Ce projet se couronnera, en 2018, par une exposition dédiée aux  techniques et aux problématiques de restauration. Nous avons l’intention de développer un dispositif numérique pour valoriser et communiquer cette démarche scientifique.

Forts de cette première expérience autour de Bazille, nous envisagerons désormais ce type de partenariat numérique dans le cadre de nos futurs projets mutualisés.

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. Quels sont les prochains projets ou chantiers numériques du Musée Fabre ?

Nous installons actuellement un livre d’or numérique dédié à nos collections permanentes et à nos expositions. Nous préparons également une application dédiée au jeune public pour notre future exposition d’été.  À plus long terme, nous envisageons un dispositif numérique polymorphe destiné à valoriser nos collections permanentes.

Sources : Musée Fabre, Fleur de Papier

Photos : Musée Fabre, Fleur de Papier

Propos recueillis par mail le 15/11/2016

Date de première publication : 16/11/2016

Le Musée Fabre, le musée d’Orsay et Fleur de Papier sont membres du Clic France

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