Patrick Greene (Museum Victoria): “les visites internet excèdent maintenant les visites réelles des musées australiens”

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Temps de lecture : 7 min

J Patrick Greene est le directeur général du Museum Victoria et le Président du Conseil des Directeurs de Musées d’Australasie (Council of Australasian Museum Directors CAMD). C’est à ce double titre qu’il décrit l’impact du numérique sur les missions des musées australiens et sur l’expérience de leurs visiteurs réels et virtuels.

Jeunes visiteurs construisant une ville virtuelle au Scienceworks du Museum Victoria (Photo: Museum Victoria)
Jeunes visiteurs construisant une ville virtuelle au Scienceworks du Museum Victoria (Photo: Museum Victoria)

Pouvez-vous nous présenter Museum Victoria ?

Museum victoria patrick greene
Patrick Greene Photo: Museum Victoria

Museum Victoria est la principale organisation muséale australienne et est basée à Melbourne. J’ai rejoint cette institution en 2002, après avoir dirigé plusieurs musées en Grande Bretagne.

Les origines de Musée Victoria remontent à 1854, avec la fondation du Musée national de Victoria et la mise en place, en 1870, du Musée industriel et technologique de Victoria (plus tard renommé Musée des sciences de Victoria). Par la proclamation de la Loi sur les musées de 1983, ces deux institutions ont été fusionnées pour former ce qui est connu aujourd’hui comme Museum Victoria, régi par le Conseil des musées de Victoria. En tant que musée de l’Etat de Victoria, nous sommes responsables de la  collecte et de la préservation de près de 17 millions d’objets, documents, photographies et spécimens de l’Etat. Nous gérons 5 lieux: Musée de Melbourne, Musée de l’ImmigrationScienceworks, IMAX Melbourne et Royal Exhibition Building. Nous y organisons des expositions, activité au cœur de nos programmes culturels et scientifique, destinées aux habitants de Victoria et aux visiteurs australiens et étrangers. En 2013/2014, les différents lieux gérés par Museum Victoria ont généré 2.48 millions de visites et l’ensemble de nos sites web ont fait l’objet de 5.48 millions de visites. Les visites virtuelles ont donc représenté 69% du total de nos visites.

Museum Victoria sur facebook, twitter et flickr

Les visites virtuelles ont-elles également dépassé les visites réelles des musées australiens ?

Oui, nous estimons que les visites des sites web des musées australiens dépassent maintenant le nombre de visiteurs qui fréquentent des expositions, des événements ou des programmes réels des musées. Dans l’ensemble des 62 musées qui composent le Conseil Australasiens des Directeurs de Musées (CAMD), nous avons calculé que 70% des 51 millions de visites de l’exercice 2013/14 ont été effectuées en ligne.

Certains craignent une cannibalisation des visites réelles par les visites virtuelles. Qu’en pensez-vous ?

Non pas du tout selon notre étude. Depuis 2008/09, les visiteurs réels franchissant les portes des musées du CAMD ont également augmenté de 13%. Cela nous indique que plus le public découvre ce que les musées offrent via des canaux numériques, plus il souhaite partager l’expérience de visite dans les musées eux-mêmes.

Comment le numérique peut-il transformer la mission des musées en matière de gestion des collections ?

La question est souvent posée par les visiteurs: pourquoi les musées possèdent ces grandes collections mais n’en exposent qu’une si petite proportion ?

Il est important de rappeler que le rôle des musées est de sélectionner, rassembler et conserver des œuvres du monde naturel et humain, et de constituer ainsi une banque massive de connaissances qui peut être accessible de plusieurs façons, maintenant et dans l’avenir. Et c’est précisément là que les technologies numériques et en ligne peuvent jouer un rôle essentiel.

Dans un monde numérique, il est de la responsabilité des musées de continuer à décrire et présenter leurs collections d’une manière qui est utile et compréhensible par le plus grand nombre et de les rendre accessible par le plus grand nombre en utilisant les canaux qui soient les plus pertinents pour chaque public.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples innovants de valorisation numérique des collections dans des musées australiens ?

Oui je peux vous en donner plusieurs:

La page API du site web des collections du Powerhouse Museum (Photo: Powerhouse Museum)
Le site web des collections du Powerhouse Museum (Photo: Powerhouse Museum)

. recueillis depuis plus de 134 années, les objets de la collection du Powerhouse Museum de Sydney sont maintenant accessibles en détail en ligne, et les internautes peuvent également rechercher, personnaliser et créer leurs propres collections. Une API contenant les photos de la collection est même disponible.

. quand le musée du Queensland a lancé son nouveau site web, il comprenait, pour la première fois, un accès direct à plus de 40 000 objets et spécimens de la collection via sa base de données collection.

. consacré à l’histoire et à la technologie, le Musée Victoria a créé son outil Collections Online qui donne accès à des informations et des images de plus de 84 650 objets et leurs contenus contextuels. Ceux-ci seront bientôt rejoints par 700 000 dossiers supplémentaires sur les sciences (zoologie et sciences de la terre) et sur les collections humaines dans un site Web unifié rassemblant toutes les collections du Musée Victoria.

Comment le numérique peut-il également changer l’expérience muséale ? 

Application Field Guide du Museum Victoria (Photo: Museum Victoria)
Application Field Guide du Museum Victoria (Photo: Museum Victoria)

Il n’y a pas que les collections qui sont en ligne et sont transformées par le numérique. Les applications gratuites développées par les musées peuvent maintenant fournir des réponses à des questions comme “Quel est cet animal?” lors d’une randonnée dans un parc ou pendant la visite d’un musée. Une application consacrée à la faune, Field Guide propose ainsi des images, des descriptions et des cartes aux côtés des enregistrements de chants d’oiseaux et de grenouilles. Créée par le Museum Victoria pour sa province, l’application est maintenant disponible pour d’autres États et territoires: ACT , NSW , NT , Queensland , SA , Tas , Vic , WA.

Financée par un organisme dépendant du gouvernement australien, Inspiring Australia, ces applications témoignent de la manière dont les musées utilisent aujourd’hui la technologie numérique pour partager leurs connaissances et leurs collections avec un large public.

Le numérique peut également inciter les musées à accroître leur coopération. 

australia museumexOui, par exemple le CAMD et Museums Australia ont développé la base de données Museumex Museum Exchange metadata. Cet outil sophistiqué permettra d’améliorer l’accès pour les chercheurs à une base de données très riche et extrêmement variée des œuvres des musées d’Australie, la base de données de recherche des musées en Australie. Ce système a nécessité la mise au point et le téléchargement de plus de 1 000 descriptions de collections muséales, des journaux sur la Première Guerre mondiale aux collections sur la mode.

Le numérique peut-il également être déployé par les musées plus petits ?

A côté des grands musées nationaux et provinciaux, l’Australie dispose d’une richesse incroyable de petits musées avec des collections fascinantes, souvent pris en charge par des bénévoles dévoués. Ces derniers souhaitent également ouvrir leurs collections. Un exemple très réussi est le projet collections de l’époque victorienne qui a été récemment lancé.

Site web Victorian Collections
Site web Victorian Collections

australia museumex

Les possibilités d’amélioration d’accès et de diffusion de nos institutions sont nombreuses si l’on accepte la coopération et la mutualisation. Le Musée Victoria a ainsi travaillé avec la branche victorienne des Musées d’Australie pour concevoir un système mutualisé de gestion en ligne des collections de la Communauté, un catalogue en ligne gratuit et facile à utiliser. Quelque 270 petits musées sont maintenant connectés et peuvent partager leurs contenus et collections en ligne.

Les outils numériques impactent également la manière dont les musées organise les expositions et y présentent l’information. Pouvez-vous nous donner des exemples innovants d’expérience numérique muséale in-situ en Australie ?

En effet, la technologie numérique a également un impact majeur sur la façon dont nous présentons l’information et les collections au sein de nos expositions.

L'audioguide mobile du Mona (Photo: Mona)L’audioguide mobile du Mona (Photo: Mona)

Le Musée du Vieux et du Nouveau Art (MONA), en Tasmanie, a ainsi ouvert la voie en offrant aux visiteurs un audioguide mobile développé spécifiquement pour le MONA, qui reçoit des informations via des balises Bluetooth Low Energy BLE. La société basée à Melbourne, Art Processors a aussi inventé la première solution d’interprétation mobile conçue pour remplacer les cartels muraux et les panneaux traditionnels d’information. Cela permet aux visiteurs d’interagir de façon transparente avec un contenu riche concernant les points d’intérêt répartis dans le musée.

Les expositions du musée Victoria offrent également des expériences immersives qui sont fondées sur la technologie numérique. Au Scienceworks par exemple, le design et les technologies de médiation sont combinés pour créer des expériences interactives par lesquelles les visiteurs recherchent, créent et partagent leurs inventions. Les visiteurs peuvent aussi concevoir de manière numérique une voiture, construire une ville durable ou apporter des modifications à leur corps virtuels en utilisant des écrans tactiles et la technologie de body-tracking.

Museum victoria scienceworks car
Fabrication d’une automobile par le public au Scienceworks du Museum Victoria (Photo: Museum Victoria)

Pensez-vous à d’autres innovations technologiques qui pourraient impacter l’expérience muséale ?

Oui, il existe de nombreux autres exemples d’utilisation pionnière de la technologie numérique par les musées de l’Australie, allant des écrans géants en dôme des planétarium et l’amélioration des randonnées à l’aide de terminaux mobiles, ou la technologie de conférence vidéo interactive en temps réel avec les écoles et l’impression 3D des objets et des spécimens des musées.

On le voit donc, toutes les craintes que les visites virtuelles de musées réduiraient l’intérêt et donc le nombre de visites est sans fondementLes visites sur les écrans stimulent l’appétit, mais c’est le plaisir de se plonger et de rencontrer de « vraies »  œuvres ou de « vrais » objets qui continue et continuera à conduire les visiteurs à franchir nos portes.

Présentation de Patrick Greene sur le site du CAMD et sur Wikipedia

Propos recueillis par mail le 29/10/2014

Date de première publication: 3/11/2014

Clic-separateur(A LIRE SUR LE SITE DU CLIC) (3)

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L’application Field Guide du Museum Victoria se décline en 7 applications régionales

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