Avec 1,9 million de documents numérisés, les Pays-Bas racontent leur histoire de l’esclavage

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Le 23 avril 2021, la ministre néerlandaise de la Culture, de l’Éducation et de la Science, Ingrid van Engelshoven, a annoncé l’ouverture d’une collection numérique inédite, et d’ampleur unique. 1,9 million de documents d’archives ont été numérisés et sont désormais accessibles en ligne, pour reconstituer une histoire de l’esclavage et de la traite des esclaves.

Le nouveau espace thématique du portail des Archives nationales nationaalarchief.nl/en/slavery rassemble des documents d’archives consacrés à l’implication des Pays-Bas dans l’histoire de l’esclavage. Ces 1,9 million d’articles numérisés incluent notamment des scans de la West-Indische Compagnie (West Indian Company), de la Middelburgse Commercie Compagnie (Middelburg Commercial Company) et de la Sociëteit van Suriname ‘société du Suriname), ainsi que des journaux de bord, des listes de plantations et des lettres.

 

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Une grande partie de ce matériel n’avait jamais été étudiée auparavant. 

  • Sources uniques sur l’esclavage et la traite des esclaves

Le lancement de ces archives numériques a eu lieu lors d’un colloque intitulé “Bronnen over slavernij en slavenhandel” (Sources sur l’esclavage et la traite des esclaves), organisé par le Rijksmuseum, les Archives nationales des Pays-Bas et la KB, la bibliothèque nationale des Pays-Bas.

La mise en ligne de ces archives historiques est le résultat final d’un projet à grande échelle du programme Metamorfoze (programme national des Pays-Bas pour la préservation du patrimoine papier) en association avec les Archives nationales des Pays-Bas et la KB (bibliothèque nationale des Pays-Bas).

Depuis 2013, ces partenaires ont travaillé aux côtés de neuf autres organisations patrimoniales des Pays-Bas, d’Angleterre, de Guyane et du Suriname pour numériser 1,9 million d’archives.

Après huit ans de travaux de préservation et de numérisation, l’espace web thématique permet donc désormais à toute personne intéressée par le sujet d’étudier librement ces archives.

  • De nouvelles opportunités de recherche

Le lancement de cette page Web thématique fournira un accès en ligne à une multitude de sources d’informations importantes pour la recherche sur l’implication néerlandaise dans l’esclavage et l’histoire des plantations.

L’historien et écrivain Leo Balai est ravi des nouvelles opportunités de recherche que cet accès offre: “le projet Metamorfoze est crucial pour la recherche, car il fournit un chemin relativement facile vers des sources pertinentes. Il vous permet de trouver, lire, découvrir et raconter autant d’informations.”

  • Héritage du monde

La collection comprend du matériel provenant des archives de la West-Indische Compagnie, de la société de traite des esclaves Middelburgse Commercie Compagnie, de la Sociëteit van Berbice, de la Sociëteit van Suriname et des archives du conseil d’administration de la Nederlandse Bezittingen ter Kuste van Guinea.

Même les archives laissées en Guyane ont été amenées aux Pays-Bas pour être préservées et numérisées.

Carte de la Gold Coast en Guinée, 17e siècle. Image Archives nationales
Carte de la Gold Coast en Guinée, au 17e siècle. Image: Archives nationales

L’UNESCO a d’ailleurs inscrit les archives de la West-Indische Compagnie et de la Middelburgse Commercie Compagnie au patrimoine mondial, et elles sont actuellement conservées respectivement aux Archives nationales et Zeeuws.

  • Des documents inédits

Le matériel d’archives numérisé se compose également de documents inédits, comme les journaux de bord des navires, les rapports des expéditions, les factures, les listes de plantations et les lettres reçues ou envoyées par des individus de tous les niveaux de la société.

Il comprend également des archives que l’on supposait auparavant perdues, et qui “réapparaissent” grace à la coopération entre les Pays-Bas et l’Angleterre. On peut ainsi découvrir une partie des archives de Fort Elmina sur la Gold Coast néerlandaise (sur la côte de l’actuel Ghana) qui était à l’époque une plaque tournante du commerce des esclaves africains. Ces archives ont été découvertes au cours de ce programme. Elles font partie des célèbres Prize Papers, des dizaines de milliers de documents volés par des corsaires anglais, entre autres, sur des navires hollandais entre 1652 et 1815, et qui ont été cnservé à Londres.

Le château d'Elmina, 17e siècle. Image Archives nationales
Le château d’Elmina, au 17e siècle. Image: Archives nationales

Une grande partie de ces archives révélées pour la première fois donne une idée précise de la traite des esclaves et de la vie quotidienne dans les différentes colonies.

  • Un processus inachevé

Ces archives exceptionnelles devraient encore pouvoir s’enrichir puisque le processus de collecte et numérisation va se poursuivre.

L’historien Leo Balai explique ainsi que le programme de recherche va maintenant s’intéresser aux îles antillaises ainsi qu’aux éléments qu’abrite la ville de Rotterdam.

  • Google traduction

La plupart des archives numérisées étant rédigées en néerlandais, la plupart des inventaires et des documents numérisés ne sont également disponibles qu’en néerlandais. Mais il est possible de traduire une partie de ce contenu à l’aide de l’outil Google Traduction intégré à la page du site web.

Le site précise que “les archives et leurs inventaires contiennent une terminologie offensante et dépassée”. Dans la mesure du possible, cette terminologie a été modifiée dans les inventaires. Cependant, aucune modification n’a été apportée aux scans des documents historiques originaux.

Des liens vers des numérisations des collections d’autres institutions sont également inclus: Métamorfoze, Archives nationales du Suriname, Zeeuws Nationaal, Zeeuwse Bibliotheek, Musée militaire national, Collections royales des Pays-Bas et Huygens ING.

En août 2020, les Archives nationales avaient déjà publié les noms de 21.000 personnes ayant été esclaves dans l’ancienne colonie du Curaçao. Cette publication devait permettre aux descendants de rétablir une généalogie de leurs ancêtres.

Avec cette initiative numérique, les Pays-Bas  jouent ainsi un rôle pionnier parmi les pays au lourd passé colonial et esclavagiste. La valorisation des archives pour favoriser le travail de mémoire … un exemple à suivre !

nationaalarchief.nl/en/slavery

SOURCES: Archives Nationales des Pays Bas (CP), The Volkskrant

PHOTOS: nationaalarchief.nl/en/slavery

PHOTO du carousel:”Vue d’Elmina, dessinée avec une perspective légèrement déformée”, 1706, Archives nationales, domaine public

Date de première publication: 26/04/2021

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