Ph.Rivière (Paris Musées): “Nous allons développer la personnalisation, la réalité virtuelle, l’open content, les visites scénarisées et le participatif”

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Temps de lecture : 11 min

A l’occasion de la rentrée 2016 et du lancement des expositions d’automne, le CLIC France a choisi d’interviewer le directeur numérique de Paris Musées. Plateforme des collections, outils numériques déployés dans le cadre du plan de rénovation des musées, innovations au sein des expositions, collaboration avec des instagrameurs ou des start ups….Philippe Rivière dévoile un premier bilan 2015 et sa stratégie numérique 2016-2017 pour les 14 musées de la ville de Paris.

Pouvez-vous vous présenter ?

Philippe RivièreJe dirige le service numérique de Paris Musées. L’établissement public «Paris Musées » réunit les 14 musées municipaux de Paris (dont le Musée d’art moderne, le Petit Palais, le Palais Galliera, le musée Carnavalet, etc….) et les services mutualisés. Il a pour mission la mise en valeur des collections municipales, la programmation d’expositions, la réalisation de publications de haut niveau, le développement et l’élargissement des publics.

Avec mon équipe, nous concevons et mettons en place la stratégie numérique de l’établissement. Le service est en charge de la communication numérique (sites web et réseaux sociaux), de la médiation in-situ et mobile, des éditions numériques et depuis peu, du marketing digital que nous voulons développer.

Quelle est l’organisation du service numérique que vous dirigez ?

Le service numérique a été créé en même temps que l’établissement public (janvier 2013). Il se compose aujourd’hui de 3 chargés de projet numériques et un apprenti en marketing digital. Nous sommes rattachés à la Direction du développement des publics et de la communication qui regroupe le service des publics, de la communication, du mécénat et du numérique.

En janvier 2014, Paris Musées a lancé « Paris Musées Juniors », une plateforme ludo-éducative dédiée aux activités proposées aux jeunes publics par les musées de la Ville de Paris. Quel bilan avez-vous tiré de cette plateforme trois ans après ? Avez-vous d’autres projets jeunesse ou éducatifs ?

Cette plateforme à destination des enseignants, animateurs, parents et enfants a été créée pour répondre à des besoins lors de la mise en place des nouveaux rythmes scolaires en primaire. Les sites Muséosphère et Mission Zigomar sont toujours très utilisés dans ce cadre à Paris et dans toute la France: en 2015, la plateforme a accueilli plus de 100 000 visiteurs unique. Nous voulons continuer à enrichir ces sites mais le temps nous manque !

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En 2015, la ville de Paris a annoncé un plan de 100 millions d’euros consacré à la rénovation de ses musées d’ici 2020. Quelle sera la place du numérique dans cet ambitieux plan de rénovation ?

Dans cette enveloppe, beaucoup de travaux vont être effectués. De la Maison de Balzac à la rénovation du musée Carnavalet, en passant par le déménagement du Musée Leclerc – Moulin, ou encore une nouvelle sortie et une nouvelle entrée aux Catacombes, l’aménagement des sous-sols du Palais Galliera, etc…

Le numérique est bien sûr présent dans ces réflexions. Que ce soit sous des touches ludiques (installations de cabines photos sur base de morphing) ou plus générale (la médiation numérique des musées Carnavalet et Leclerc-Moulin), le service est sollicité pour penser cette inclusion et ces services dès les premières phases des projets.

Un des chantiers principaux de rénovation des musées de la ville de paris est le musée Carnavalet. Quelle sera la place du numérique dans ce projet ?

Le Musée Carnavalet va avoir la chance d’être rénové. C’est un projet très excitant mais complexe pour lequel nous travaillons avec les équipes sur place. Nous sommes encore au stade de l’élaboration des grands principes techniques (Wifi, interfaçage avec le portail des collections, etc..) et de médiations.

Dans un avenir plus proche, la refonte du site Web actuel a débuté et le nouveau site totalement repensé sera mis en ligne au printemps 2017. En parallèle nous travaillons sur des outils numériques pour les activités hors les murs qui seront mises en place dans Paris pendant la fermeture.

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L’année 2015 a été riche en développements numériques dans les lieux gérés par Paris Musées. Pouvez-vous partager un premier bilan des outils mis en place tels que la table multitouch d’accueil au musée Cernuschi, le cabinet d’arts graphiques virtuel et le dispositif d’iPad nomades au musée Zakdine…

Oui très riche, comme le fut 2014 et comme l’est 2016. Ces projets (Cernuschi et Zadkine) ont été des tests importants pour nous. Je retiens tout particulièrement la table multitouch permettant une personnalisation de sa visite dès l’accueil du musée et les tablettes offrant une visite très particulière presque en contact avec Ossip Zadkine redécouvrant les lieux comme ils l’étaient de son vivant. Premier point très important, ces deux produits ont reçus un excellent accueil de la part des agents des musées. Grâce à ce soutien fort, ils ont pu ensuite rencontrer leur public. Nous pensons maintenant reprendre ces principes pour d’autres musées.

Lire sur le site du CLIC: Des iPads et un cabinet virtuel pour découvrir le fond iconographique du musée Zakdine

Depuis janvier 2016, les musées de Paris ont débarqué sur les réseaux sociaux chinois Weibo et Wechat. Quel premier bilan en tirez-vous ?

Paris Musées a voulu expérimenter ces réseaux. Les comptes Weibo et WeChat comptent à la date du 28 septembre 2016 6028 et 454 abonnés et suivent une croissance très intéressantes. Nous postons très régulièrement des photos de nos œuvres suivant le calendrier des fêtes locales.

Mi-septembre, pour la fête de la lune, nous avons fait une visite live du Petit Palais sur Weibo. Ce fut la première visite d’un musée hors de Chine. La vidéo a été visionnée plus de 1 7000 fois. Nous pensons réitérer l’opération dans d’autres de nos musées.

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Tablettes au musée Zakdine

De mai à juillet 2016, Paris Musées a proposé à 10 instagrameurs de détourner des oeuvres de ses collections et a exposé leurs créations dans la gare Saint-Lazare. Quels ont été les retours de l’opération sur les réseaux sociaux ?

L’opération baptisée « Parallèles par Paris Musées » nous a permis de travailler avec des instagrameurs influents qui ont réinterprétés 10 de nos chefs d’oeuvres à l’occasion de la mise en ligne de notre site des collections. Cette opération s’est prolongée à la gare Saint Lazare sous forme d’une exposition physique. Les retombées furent très bonnes, au-delà de ce que nous espérions : télé nationale, articles dans la presse nationale généraliste et spécialisée dans le numérique, article en Angleterre et aux États-Unis.

Nous voulons (et allons) rapidement réitérer ce genre d’opération sur d’autres sujets.

Lire sur le site du CLIC: Dans le cadre de l’opération Parallèles, 10 instagrameurs réinterprètent 10 oeuvres des musées de la ville de Paris

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En mai 2016, Paris Musées a lancé une plateforme de ses collections à destination des chercheurs et du grand public: parismuseescollections.paris.fr. Cinq mois après, avez-vous un premier bilan de la plateforme à partager ?

Le premier bilan est positif. La fréquentation, le nombre de comptes crées sont bons et les retours sont positifs en interne à l’établissement comme à l’extérieur. Mais le travail n’est pas fini ! Depuis mai 2016, plus de 25 000 notices ont été rajoutées et nous avons lancé la phase 2 de cet immense chantier. Nous reviendrons vers vous avec un bilan chiffré début 2017.

Dès le début du mois d’octobre 2016, l’interface sera traduite en anglais et des expositions virtuelles seront proposées. Le développement de l’API a débuté pour permettre de publier leurs collections sur les sites de chaque musée. Aussi, la réflexion sur l’open content (sur certains corpus) a été initiée (avec l’aide de la Direction des Affaires Juridiques de la Ville de Paris).

Lire sur le site du CLIC: Paris Musées lance une nouvelle plateforme de découverte et de valorisation des collections des musées de la Ville de Paris

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La rentrée et l’automne 2016 sont également riches en innovations numériques. Pouvez-vous nous présenter les principaux outils que vous allez déployer de manière permanente ou temporaire dans les 3 prochains mois ?

Les projets sont nombreux. Je vais donc parler de deux projets seulement :

Pour l’exposition Oscar Wilde qui se tient au Petit Palais, nous sortons une double application, développée par smArtapps, avec un outil de visite de l’exposition et une édition numérique que nous avons intitulé : Carnet de découverte (partie payante) dans lequel vous pourrez trouver les grands textes d’Oscar Wilde (lus par deux acteurs, dont le célèbre francophile Rupert Everett), des anecdotes et commentaires des commissaires, à travers le récit intimiste de son petit-fils, et l’expertise du conservateur spécialisé en objets d’art et livres des XIXe et XXe siècles, des images d’archives issues de collections particulières et des entretiens filmés de Merlin Holland, petit-fils d’Oscar Wilde, sur le mythe et la postérité de l’artiste, et de Robert Badinter, auteur de la pièce C.3.3. , consacrée au procès et à l’incarcération d’Oscar Wilde.

Pour l’exposition « La Pente de la Rêverie » à la Maison de Victor Hugo qui tente l’expérience ambitieuse d’exposer le poème « La Pente de la rêverie », nous finalisons une édition numérique réalisée en partenariat avec le Master « Création et Edition Numériques » (CEN) du programme IDEFI CréaTIC de Paris 8. Pour la première fois, cette édition numérique prend la place du catalogue d’exposition pour présenter au mieux l’exposition et les œuvres d’art et poèmes crées spécifiquement pour l’occasion.

Pouvez-vous nous parler du projet Ludomuse ? Quel est son avancement ?

Ludomuse est un projet porté par Erasme dont nous sommes les premiers partenaires avec le Château des Ducs de Bretagne à Nantes. Le concept est simple : réaliser des parcours scénarisés dans les musées sur deux tablettes pouvant échanger les informations pour résoudre des énigmes par exemple. Nous testons Ludomuse au Musée Cernuschi et avons créé un parcours avec un scénario enfants (explorateur en Chine) et parents (collectionneur en Chine). Les dernières journées d’expérimentations ont eu lieu en juillet et nous espérons pouvoir proposer le jeu au public avant la fin de l’année, toujours au Musée Cernuschi.

Dans la sphère muséale, les projets et idées ne manquent pas mais les budgets ont tendances à se tarir. Quel est aujourd’hui le budget annuel numérique de Paris Musées ? Faites-vous appel à des partenaires, des mécènes ? Mutualisez-vous les outils entre les 14 musées de la ville de Paris ? 

Le budget alloué au numérique à Paris Musées est stable. Il couvre les dépenses de tous les produits numériques des 14 musées (médiation in-situ et mobile pour les collections permanentes et expositions, sites Web, portail des collections, création de contenu, etc….) ainsi que l’achat du matériel dédié.

Nous avons la chance que ce soit un axe fort du développement de l’établissement. Ça n’est pas pour autant que nous pouvons réaliser tout ce que nous souhaiterions. Nous avançons en pensant au réseau donc forcément, la mutualisation des outils et des pratiques est très importantes pour nous.

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Le meilleur exemple est le portail des collections qui rassemble toutes les œuvres des collections des 14 musées avant de les rendre disponible sur les sites de chacun via une API. Ce processus sera le même pour les parcours thématiques et les expositions virtuelles (saisis sur ce portail) qui seront bientôt accessibles sur les sites des musées. Ce sera ensuite le cas pour les expositions, les éditons et les activités culturelles, avec une saisie depuis l’interface du portail, pour nourrir un flux redirigé vers chaque musée, ou d’autres sites d’information.

En plus de rationaliser les saisies de contenu et mutualiser les outils, nous gérons au mieux les coûts de développements des sites DRUPAL de l’écosystème de Paris Musées qui compte 19 sites.

La France est riche de ses start ups notamment dans le domaine du numérique patrimonial: comment travaillez-vous avec ces structures ? 

Nous travaillons avec des start-up sur des projets bien définis (expérimentation des abribus Decaux, livres d’or numérique) mais ça n’est jamais très évident pour un établissement public administratif. Le résultat vaut souvent tous les soucis administratifs rencontrés lors d’un tel projet. Il ne faut pas se décourager !

Avez-vous des coopérations numériques avec des musées étrangers ?

Paris Musées, en tant que jeune établissement culturel travaille à être connue à l’international. Les itinérances sont un axe important pour cela tout comme le numérique en étant présent et en échangeant dans des conférences internationales. Nous avons déjà fait des partenariats internationaux comme par exemple avec une université coréenne pour tester la technologie de géolocalisation indoor basée sur les sons haute fréquence.

Actuellement, nous avançons sur plusieurs projets avec des musées américains. Nous réfléchissons à la mise en place de cartels numériques sur liseuse et à un site de description d’images de collections pour des déficients visuels.

En matière de numérique, les musées des beaux-arts ne devraient-ils pas mieux et plus travailler ensemble ?

Le travail en réseau est la base de Paris Musées avec ses 14 musées. Il y a beaucoup d’avantages : une rationalisation des coûts, une mise en avant de l’expertise en interne, des partages facilités de bonnes (ou mauvaises) pratiques, etc… Cette approche peut être intéressante pour tous, les musées de beaux-arts, d’histoire, etc…

On parle beaucoup de réalité augmentée et de réalité virtuelle appliquée au patrimoine; travaillez-vous sur des projets ?

Nous travaillons sur deux projets de réalité virtuelle. Un sur Ipad, l’autre avec des lunettes immersives. Les deux sont en cours de lancement. Ils sont très différents l’un de l’autre même si le but est de proposer une médiation permettant de découvrir différemment un lieu ou des objets. Les coûts de tels projets restent importants. C’est pourquoi notre phase d’étude est plus longue.

Quels sont vos prochains projets innovants dans les 14 musées?

Nous travaillons sur différents projets que nous soumettons à l’appel à projets du Ministère de la Culture. Nous attendons donc pour les divulguer.

Début 2017, nous allons développer la première application de visite de collections permanentes pour l’un de nos musées. Cette application proposera de la géolocalisation dans tout le bâtiment, des services de personnalisation de visite et sera interfacée avec le portail des collections.

Quels sont pour vous les axes forts de développement en matière de numérique muséal et patrimonial ?

Il y en a beaucoup ! J’ai déjà cité dans cette interview : la personnalisation, la réalité virtuelle, open content, les visites scénarisées. On peut y rajouter : le participatif. Paris Musées le traitera en ligne avec un lien fort à ses collections à travers du crowdsourcing sur des fonds spécifiques et nous l’avons expérimenté in-situ lors de l’exposition « Dans l’atelier » qui s’est tenue au Petit Palais d’avril à juillet 2016 et dans laquelle nous invitons les visiteurs à voter et commenter des photos pour qu’elles fassent l’objet d’une exposition virtuelle à la fin de l’exposition physique. L’exposition a accueilli 30 651 visiteurs physiques qui ont déposé quelque 2 000 votes.

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Le Petit Palais accueillera le 11 octobre une première journée d’études consacrée à « l’innovation et au numérique dans les musées des beaux-arts », organisée par Paris Musées et le CLIC France. Quelles ont été les réalisations numériques récentes du Petit Palais ? 

Pour cette rentrée très chargée au Petit Palais, nous avons parlé de la double application pour l’exposition Oscar Wilde à laquelle nous pouvons rajouter :

  • La mise en ligne du nouveau site Web (mis en ligne le 22 septembre) avec un nouveau graphisme et ergonomie plus dynamique et des fonctionnalités au gout du jour.
  • Les dispositifs pédagogiques réalisés pour l’exposition « Art de la Paix » pour expliquer efficacement des traités et des cartes (3 dispositifs avec 3 modules chacun). Ils ont été conçus par Arte Studio.

Pour l’année prochaine, nous travaillons sur des dispositifs numériques pour la nouvelle salle des icônes qui ouvrira en été 2017 et pour l’exposition « Le Baroque des lumières » qui présentera des peintures grands formats des églises parisiennes.

Site internet de Paris Musées

Réseaux sociaux de Paris Musées : FacebookTwitter – Instagram – Weibo

Propos recueillis par mail le 26/09/2016

Date de première publication: 29/09/2016

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