Philippe Adnot (Sénateur et Pdt du Conseil départemental de l’Aube) : “Nous souhaitions des outils numériques faciles d’accès”

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Dans une interview exclusive au Clic France, Monsieur Philippe ADNOT, Sénateur de l’Aube et Président du Conseil départemental de l’Aube présente les réalisations numériques liées aux commémorations du 900ème anniversaire de l’abbaye de Clairvaux. Les manifestations – colloques, circuits de randonnées, concerts, expositions…- sont articulées autour d’un dispositif transmédia ambitieux. Ainsi, arès avoir en 2012 opéré une “gamification” de ses archives en ligne et reconstitué une commanderie de Templiers en 3D, le département de l’Aube a lancé le site internet clairvaux-2015.fr qui propose une reconstitution 3D de l’abbaye tandis qu’une exposition, une maquette interactive, une bande dessinée parue chez Glénat et la mise en ligne des archives numérisées de l’abbaye mettent en valeur ce patrimoine quasi-millénaire.

D’après quelles sources la reconstitution 3D a-t-elle été élaboré ?

La reconstitution de l’abbaye en 3D (film et maquette) a été réalisée avec l’appui d’un comité scientifique composé d’historiens et d’historiens de l’art (Gilles Vilain, Jean-François Leroux, Martine Plouvier, Pierre Gandil et Arnaud Baudin), de M. Eric Pallot, architecte en chef des Monuments historiques en charge de la restauration des bâtiments de l’ancienne abbaye, et de Cédric Roms, responsable d’opération à l’I.N.R.A.P.

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Le Comité a rassemblé l’ensemble de la documentation dont les uns et les autres avaient connaissance. Des sources d’archives principalement, des sources iconographiques aussi à l’image des gravures réalisées par dom Milley avant la destruction de l’abbaye médiévale au début du XVIIIe siècle, des sources archéologiques enfin grâce aux différents sondages réalisés depuis 2003 sur le site. En parallèle, un travail important de relevés a été réalisé par la société Art graphique et patrimoine sur l’ensemble des bâtiments de l’abbaye, ainsi que sur plusieurs autres abbayes cisterciennes (Fontenay, Pontigny) proches chronologiquement et stylistiquement de Clairvaux.

Où sera projeté ce film ?

Le film 3D retrace, en une dizaine de minutes, les différents états architecturaux de l’abbaye entre le XIIe et le XVIIIe siècle. Sous-titré en français et en anglais, il est projeté dans l’exposition à Troyes, dans ses versions itinérantes (notamment à l’abbaye de Clairvaux durant toute la saison), ainsi que sur le site officiel de l’événement Clairvaux 2015. Son utilisation se veut à la fois pédagogique et scientifique puisqu’il constitue également une première proposition mise à disposition de la communauté des chercheurs travaillant sur l’architecture cistercienne.

Film 3D de Clairvaux:

Une maquette interactive de l’abbaye a aussi été réalisée. Quel est son fonctionnement et comment la consulter ?

La maquette interactive est pour l’instant disponible sur écran tactile dans l’exposition et le sera à son tour sur Internet dans le courant de l’été et pourra donc être visionnée sur tablettes et smartphones. Elle permet au visiteur de déambuler dans 22 bâtiments de l’abbaye du XVIIIe siècle sous forme vidéo, bâtiments présentés par des notices descriptives rassemblant les objets qui les composaient autrefois.

Quelles entreprise sont à l’origine de ces outils numériques ? Quelles étaient vos attentes pour ceux-ci ?

Le groupement Art graphique et patrimoine, Aloest et Polymorph a été retenu en 2013 après appel d’offres pour réaliser ce projet. Ces entreprises arrivaient avec des références importantes dans le domaine de la modélisation 3D et de la réalité augmentée comme le château de Versailles, la cité antique d’Arles ou l’abbaye de Jumièges. Nous souhaitions des outils faciles d’accès et qui répondent à un cahier des charges extrêmement précis d’un point de vue scientifique. Le résultat est à la hauteur de nos espérances car le film est très apprécié dans l’exposition et depuis qu’il est disponible sur Internet. Les retours du grand public comme de la communauté des chercheurs sont très bons.

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Les archives de l’abbaye, soit 67 000 pages, sont numérisées peu à peu depuis 2011. De quel type de documents s’agit-il ? Pourquoi les avoir séparé de la bibliothèque de Clairvaux ?

Comme partout en France, les chartriers monastiques ont été séparés des bibliothèques monastiques dès la Révolution pour être confiés aux Archives départementales créées en octobre 1796 pour accueillir tout spécialement les archives d’Ancien Régime confisquées. Aujourd’hui encore, archives et bibliothèque de Clairvaux, tous deux fonds d’État, sont conservés aux Archives départementales de l’Aube et à la Médiathèque du Grand Troyes.

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Dès 1997, les Archives de l’Aube avait procédé à la numérisation et à la mise en ligne des 230 chartes scellées des XIIe et XIIIe siècles du fonds de Clairvaux. En 2011, l’opération fut poursuivie par la numérisation et la mise en ligne de l’ensemble des inventaires et cartulaires de l’abbaye (60 cotes représentant 6 000 vues). Enfin, la campagne de numérisation de 2014 fut consacrée à la numérisation des rapports de l’abbaye avec l’ordre de Cîteaux, les correspondances d’abbés, les dignités, la spiritualité (inventaires du Trésor notamment), les locaux et le mobilier, le domaine de l’abbaye ou encore la justice, soit 788 cotes équivalant à près de 60 000 vues. Cette partie du fonds a été mise en ligne au début du mois de juin 2015.

Comment avez-vous financé ces deux opérations de numérisation ?

Le Ministère de la Culture et de la Communication, par l’intermédiaire de la DRAC Champagne-Ardenne, a soutenu l’opération de numérisation des archives de l’abbaye de Clairvaux à hauteur de 31 000 € entre 2011 et 2014.

Une bande dessinée historique vient également de paraître sur Clairvaux. S’agit-il d’un partenariat avec Glénat ou bien d’une commande ? Comment s’est déroulée la collaboration avec les auteurs ?

Cette bande dessinée est effectivement une commande du Département qui souhaitait s’inscrire dans l’esprit de la collection que Glénat a initiée il y a quelques années avec le Centre des Monuments nationaux afin de valoriser par le Neuvième Art des hauts lieux de l’Histoire de France (Versailles, l’abbaye de Cluny, les Chemins de Compostelle, l’Arc de Triomphe, etc.).

501 ABBAYE DE CLAIRVAUX[BD].inddGlénat nous a tout de suite proposé de travailler avec Didier Convard, scénariste à succès qui avait déjà « sévi » dans la région depuis 2000 avec la série à succès Le Triangle secret et ses suites (I.N.R.I., Les Gardiens du Sang et Hertz) qui ont pour décor Troyes et la Forêt d’Orient. Didier a travaillé au scénario avec son ami Eric Adam, tandis que les dessins étaient réalisés par un jeune auteur nantais extrêmement talentueux, Denis Béchu, auteur entre 2011 et 2013 des deux tomes de la série In nomine qui se déroulait déjà au Moyen Âge. Bien que le scénario de L’abbaye de Clairvaux. Le corps et l’âme soit une fiction autour de la vie de saint Bernard, il fallait assurer un cadre historique, conseiller ou corriger les scénaristes sur certains événements de la vie de Bernard de Clairvaux, accompagner le dessinateur dans ses reconstitutions de l’abbaye, des monuments, des paysages, des costumes, etc. Arnaud Baudin, directeur adjoint des Archives et du Patrimoine de l’Aube et commissaire scientifique de l’exposition, a donc joué ce rôle de conseiller historique.

Depuis 2009, le conseil général de l’Aube propose une thématique culturelle chaque année pour valoriser le patrimoine du département. Pouvez-vous nous parler de la démarche et de ses temps forts ?

Effectivement, ce fut l’exposition Le Beau XVIe siècle en 2009 autour de la statuaire de la Renaissance en Champagne qui a amorcé cette tendance, suivie de l’exposition Templiers. Une histoire, notre trésor en 2012, de l’ouverture de l’espace de préfiguration de la Cité du vitrail en 2013 et de l’exposition La C(h)ampagne de Napoléon en 2014. Il s’agit à chaque fois de commémorer une époque, un homme ou un lieu en fonction des anniversaires en s’entourant des meilleurs spécialistes de la question, en s’appuyant sur des partenaires reconnus (Le Louvre en 2009, les Archives nationales en 2012, la Fondation Napoléon en 2014, association « Renaissance de l’abbaye de Clairvaux » en 2015) ou/et en collaboration avec nos partenaires institutionnels, notamment le Ministère de la Culture/DRAC Champagne-Ardenne.

L’objectif de la démarche est double : permettre aux Aubois, aux Champenois, de s’approprier leur histoire et leur patrimoine, faire qu’ils ressentent une certaine fierté du passé du territoire dans lequel ils vivent, un sentiment d’appartenance à ce territoire où il fait bon vivre et dans lequel on a envie de rester ; faire de cette histoire et de ce patrimoine un atout touristique dans un département qui n’a ni la mer ni la montagne mais qui voit transiter chaque année des milliers de Français, de Britanniques, de Belges et de Néerlandais.

Ces thématiques ont elles été l’occasion de construire ou de restaurer des bâtiments ? Ont-elles été accompagnées d’outils numériques ?

En effet. Le projet de Cité du vitrail et de l’exposition Clairvaux. L’aventure cistercienne ont été l’occasion pour le Conseil départemental de débuter une deuxième phase de travaux de restauration de l’Hôtel-Dieu-le-Comte, l’ancien hôpital de Troyes fondé au XIIe siècle par les comtes de Champagne, rebâti au XVIIIe siècle, en plein cœur de la Cité, à deux pas de la cathédrale et du pôle muséal de la Ville de Troyes. En 2012-2013, la grange de l’Hôtel-Dieu a été restaurée en vue de l’ouverture de l’espace de préfiguration de la Cité du vitrail. En 2014-2015, le Département a agrandi et mis aux normes de sécurité des Musées de France 350 m² d’espaces d’exposition dans le corps principal du bâtiment afin de pouvoir accueillir des expositions d’envergure nationale et internationale organisées par le Direction des Archives et du Patrimoine issue de la fusion en 2012 des Archives départementales de l’Aube et de la direction du Développement culturel du Département. À partir de 2016, ce sont plus de 12 millions d’euros de travaux qui seront engagés pour restaurer l’ensemble de l’Hôtel-Dieu (chapelle et trois niveaux du corps principal et de l’aile est) et permettre l’ouverture de la Cité du vitrail (bureaux, espaces d’exposition, centre de documentation, espaces pédagogiques, etc.).

Ces projets ne sont donc pas des « coups » ponctuels et sans lendemains. Ils sont mûris longtemps en amont et se poursuivent bien au-delà de l’année de commémoration par l’édition d’actes de colloques (L’économie templière en 2013, La Campagne de France en 2015, les trois colloques sur l’histoire de Clairvaux en 2016), des campagnes d’inventaires comme celles menées actuellement autour de la Sainterie de Vendeuvre-sur-Barse ou des vitraux des XIXe, XXe et XXIe siècles dans l’Aube, la restauration programmée du logis de la commanderie templière et hospitalière d’Avalleur, près de Bar-sur-Seine, propriété du Département et la mise en place d’une signalétique et de circuits touristiques à l’image du circuit des Templiers en forêt d’Orient.

Les outils numériques perdurent. Ainsi en est-il pour les projets 3D que nous avons réalisés en 2012 pour la reconstitution de la commanderie de Payns ou cette année pour Clairvaux, en 2009 pour la reconstitution du retable de Larrivour dans l’exposition Beau XVIe siècle ou la frise interactive du vitrail à la Cité en 2013.

Film 3D de la Commanderie de Payns

Ces actions se limitent elles aux lieux patrimoniaux publics ou bien sont elles étendues aux lieux privés ?

Elles se limitent essentiellement aux lieux publics même si, dans le cas du vitrail par exemple, ces actions sont l’occasion de faire prendre conscience aux particuliers que l’art du vitrail n’est pas seulement un art patrimonial mais aussi quelque chose de très vivant, de très contemporain, et que le Département dispose de maîtres-verriers renommés capables de réaliser des créations pour leurs intérieurs.

Quels sont les résultats connus – et chiffrés ?

Les résultats de l’ensemble de ces manifestations sont globalement satisfaisants voire très satisfaisants pour les expositions Beau XVIe siècle (71 000 visiteurs entre le 18 avril et le 25 octobre 2009) et Templiers. Une histoire, notre trésor (57 500 du 15 juin au 31 octobre 2012). La Cité du vitrail a réuni 70 000 personnes depuis son ouverture à la fin du mois de juin 2013. Le bilan de La C(h)ampagne de Napoléon nous a surpris et déçu avec seulement 25 600 visiteurs entre le 16 mai et le 2 octobre 2014. Le personnage souffre d’un a priori négatif dans une grande partie de l’opinion et nos concitoyens ne sont semble-t-il pas encore prêt à prendre le recul nécessaire pour s’intéresser à cette période de notre histoire en faisant abstraction des aspects passionnels…

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Quelle est la programmation de Clairvaux 2015 ?  A quelle fréquentation vous attendez-vous ?

Les partenaires de Clairvaux 2015 (État, Département, association « Renaissance de l’abbaye de Clairvaux ») ont souhaité une programmation variée et tous publics pour cette année culturelle : à l’abbaye elle-même, de nouveaux lieux ont été restaurés ; différentes expositions sont également proposées,une grande exposition à Troyes consacrée à l’histoire de l’abbaye de sa fondation à la Révolution jusqu’au 15 novembre (150 œuvres d’art et manuscrits provenant de toute l’Europe), ainsi qu’une exposition photographique de Lucien Hervé à Clairvaux ; un cycle d’une dizaine de conférences toute l’année à Paris, Troyes, Châlons-en-Champagne, Cîteaux, etc. ; trois colloques internationaux à Troyes et Clairvaux abordant l’histoire de Clairvaux, l’industrie cistercienne et l’écrit cistercien ; des randonnées, concerts, lectures, le festival « Ombres et Lumières » en septembre, etc. L’intégralité du programme est disponible en ligne.

Comme toujours en pareil cas, il est difficile de s’adonner au jeu des pronostics. Une année « normale » à Clairvaux réunit 20 000 visiteurs. Avec un total de 70 000 visiteurs cumulés à Clairvaux et dans l’exposition troyenne le pari serait gagné même si cette année n’est qu’une étape vers une meilleure connaissance de l’histoire de l’abbaye.

 Le Département a-t-il d’autres projets numériques en matière de patrimoine ?

Dans l’immédiat, rien n’est véritablement programmé mais sans doute les projets autour de la Cité du vitrail, de la Sainterie de Vendeuvre-sur-Barse ou de la commanderie d’Avalleur seront-ils l’occasion de développer de nouveaux outils numériques.

Propos recueillis par mail le 17/07/2015

Date de première publication: 19/07/2015

Photos: Clairvaux-2015.fr, Glénat

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