Depuis le 5 avril 2018, la Philharmonie de Paris présente un nouvel habillage sonore qui fait écho à l’identité et à l’architecture du lieu. Issu d’une collaboration avec l’agence Sixième Son, spécialisée dans le design sonore, ce projet, inédit en France, permet de repenser la communication de cet établissement culturel dédié à la musique.
Dans une interview, Michel Boumendil, musicien, compositeur et fondateur de l’agence Sixième Son, revient sur cette belle et originale aventure.
Après un an de travail et de nombreuses réflexions, la philharmonie de Paris, a choisi un nouveau design sonore en harmonie avec les 380 000 oiseaux en aluminium qui ornent le bâtiment pensé par Jean Nouvel. Pour la réalisation de ce projet original, l’institution a fait appel à l’agence Sixième Son, spécialisée dans l’identité sonore et le design musical, qui a entre autre conçu l’identité sonore de la SNCF.
Un univers sonore foisonnant
Pour coller à l’image de ce lieu de culture musicale, la première piste vers laquelle s’est orientée l’agence est celle d’une identité musicale. Mais l’équipe de Sixième Son a réalisé en cours de route qu’il était préférable de tendre vers un geste sonore et non pas musical. Les concepteurs ont alors eu l’idée d’appuyer ce nouveau design sonore sur l‘accord des instruments pour “symboliser le moment de la première rencontre avec le public”. S’ajoutent à cette base des voix enregistrées, celles des collaborateurs de la Philharmonie – sélectionnés via un casting interne –, ou celle d’un enfant recueillie dans l’une des nombreuses manifestations dédiées à la jeunesse.
Pour capter l’attention, l’agence a ensuite ajouté une percussion. La séquence se poursuit avec des applaudissements qui se transforment en un envol d’oiseaux, en référence à l’architecture allégorique du lieu.
“Une triple référence à la Philharmonie, d’une part avec l’allusion au public, d’autre part avec la présence historique d’oiseaux dans la musique, mais aussi avec la référence à notre architecture » décrit Hugues de Saint Simon, secrétaire général de la philharmonie de Paris.
Cette signature sonore retranscrit à la fois “la puissance du bâtiment, son caractère inspirant et majestueux mais aussi sa vocation culturelle : un lieu dédié à l’éclectisme musical pour tous les publics”.
Un design sonore sur le thème de l’envol
C’est l’architecture si particulière du bâtiment qui a inspiré l’idée de terminer la séquence sonore par un envol d’oiseaux. La multitude d’oiseaux qui habillent la façade de la philharmonie est une métaphore de l’envol qui domine la création artistique.
L’équipe de Sixième Son a choisi le parc de la Pitié-Salpêtrière pour enregistrer les bruits d’oiseaux. Situé loin des axes routiers, l’endroit à permis un enregistrement non pollué par les bruits de voitures.
Contrairement aux autres design sonores qu’elle a produits, plus axés sur la compréhension du public, Sixième Son a voulu, dans ce projet, laisser plus de liberté aux auditeurs et faire appel à leur imagination.
4 QUESTIONS A …. Michel Boumendil, musicien, compositeur et fondateur de l’agence Sixième Son.
- Quelles ont été les sources d’inspiration de cette identité sonore, une première pour la Philharmonie ?
Créer l’identité sonore d’un lieu si fort avec une si formidable vocation, c’est forcément ne pas manquer de sources d’inspiration. L’architecture, sa beauté, sa puissance, l’éclectisme de la programmation et la diversité des publics nous donnaient largement de quoi nourrir notre démarche. À cela s’ajoutait la volonté de créer non pas un son, non pas une musique, mais un signe aussi iconique que cet endroit, un geste sonore en quelque sorte.
Pour beaucoup, c’est l’architecture si particulière du bâtiment, dont un des premiers signes repérables est tout simplement l’envol, qui domine notre création. La multitude d’oiseaux qu’on aperçoit sur le bâtiment représente à la fois l’élévation, le foisonnement, et d’une certaine façon Paris. Pourtant, il y a autre chose : le caractère incroyablement riche de ce qui se passe en coulisse, de tous les talents qui s’exercent dans les couloirs et derrière les portes de cette immense maison. Je souhaitais que cela s’entende.
- Quels sont les éléments qui constituent la nouvelle identité sonore de la Philharmonie ?
En premier lieu et assez rapidement, la volonté de mettre en scène un foisonnement sonore s’est imposée. C’est un foisonnement atypique, mélange d’enregistrements de sons naturels et d’instruments, un foisonnement de textures musicales qui se chevauchent.
Ensuite, bien sûr, il y ces sonorités d’envol d’oiseaux. C’est un élément qui a été bien plus complexe à mettre au point qu’on ne l’aurait imaginé. Il y a eu une sorte de magie quand le son juste s’est révélé. Cette sorte de fondu enchaîné entre les applaudissements et le bruit de l’envol des oiseaux est pour moi un bonheur à entendre. Il raconte tellement de choses en quelques secondes.
- Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Il fallait trouver une radicalité riche en imaginaire et performante en matière sonore, en matière acoustique. Nous voulions développer une syntaxe musicale qui fasse le lien entre l’éclectisme et l’envol, qui sont finalement les deux bouts de l’histoire. Il a fallu un peu de temps pour trouver le bon équilibre dans la mise en forme de ce matériau sonore.
La principale difficulté reste malgré tout l’adaptation des sons aux différentes situations. Le lieu lui-même par exemple rend la diffusion d’un son électroacoustique très délicate à travers un système de sonorisation standard. Il faut donc choisir, filtrer, corriger minutieusement chaque source pour obtenir un résultat élégant et fidèle au rendu souhaité.
- Cela a-t-il été très différent du travail pour d’autres marques ?
Pour la Philharmonie, il y avait quelque chose de très spécifique qui, sans doute, a créé une difficulté inhabituelle. D’habitude, nous veillons à davantage guider la compréhension, nous tenons la main – et l’oreille – de celui qui écoute. Ici, nous voulions laisser plus de liberté, pour que l’oreille et l’esprit s’accrochent à ce qu’ils veulent – et peut-être à quelque chose de différent à chaque écoute. Nous ne voulions pas brider l’imaginaire, nous voulions lui donner matière à jouer et à se faire plaisir.
Il y a aussi une spécificité à créer l’identité sonore d’une institution qui est un lieu de vie autant qu’une œuvre d’art. Certains entendront cette identité sonore, d’autres l’écouteront, mais nous voulions que, pour tous, ce geste sonore enrichisse l’expérience de vie au cœur de la Philharmonie. Si chacun y trouve un petit complément à la magie du lieu, si nous pouvons amplifier le souvenir pour qu’il n’en soit qu’un peu plus beau, nous en serions très heureux.
Propos issus du site web de la Philharmonie de Paris
Sources: philharmonie de Paris, Stratégies
Date de première publication: 27/04/2018
La Philharmonie de Paris est membre du CLIC France.
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