Pour sa première exposition consacrée à Rubens et à son héritage, le Bozar de Bruxelles a réuni 160 œuvres et propose une offre numérique associant visioguide, réalité augmentée et création multimédia.
L‘exposition “Sensation et Sensualité” (jusqu’au 4 janvier 2015) explore l’héritage de Rubens sur la peinture, de van Dyck à Kokoschka, en passant par Gainsborough et Delacroix. Peter Paul Rubens (1577-1640) a en effet inspiré de nombreux peintres tels que Rembrandt, Murillo, Watteau, Fragonard, Gainsborough, Reynolds, Delacroix, Cézanne, Renoir, Kokoschka et bien d’autres.
160 œuvres d’art, 6 thèmes
L’exposition Sensation et Sensualité présente plus de 160 œuvres d’art, articulées autour de six thèmes parlant à l’imagination – dans l’univers artistique comme dans le monde réel – : la violence, le pouvoir, la luxure, la compassion, l’élégance et la poésie. Dans chacun de ces thèmes, les relations entre des chefs-d’œuvre de Rubens et les peintres qui lui ont succédé sont explorées. “La Chasse au tigre” issue du Musée des Beaux-Arts de Rennes côtoie ainsi “La Chasse aux lions” de Delacroix, de Stockholm ; aux côtés du voluptueux Pan et Syrinx de la Gemäldegalerie de Cassel figure l’œuvre homonyme de Boucher, de la National Gallery de Londres. Le Portrait de la Marquise Catherine Grimaldi et son nain, de Kingston Lacy, est proposé en combinaison avec une Femme de la noblesse génoise et son fils (Washington), une peinture de van Dyck, élève célèbre de Rubens s’il en est. Autre exemple, la Bacchanale des Andriens, du Musée national de Stockholm, figure à côté de ce pastiche de Manet qu’est La Pêche, exposé au Metropolitan Museum de New York.
Les 20 peintures, 6 esquisses à l’huile, 8 dessins et 10 gravures de Rubens entrent donc en dialogue avec des œuvres des artistes héritiers du peintre, tels Böcklin, Carpeaux, Constable, Corinth, Coypel, Daumier, Delacroix, Fragonard, Gainsborough, Géricault, Jordaens, Klimt, Kokoschka, Le Brun, Makart, Murillo, Picasso, Rembrandt, Renoir, Reynolds, Sandrart, Turner, Watteau…
Teaser de l’exposition:
Des prêts prestigieux
C’est à titre tout à fait exceptionnel que le Jardin de l’amour de Rubens, l’une des pièces majeures du Prado (Madrid) a fait le voyage jusqu’à Bruxelles. Il figure aux côtés de deux esquisses préparatoires conservées au musée d’Amsterdam et de deux dessins d’après modèle qu’a réalisés Rubens en vue d’une superbe gravure (Metropolitan Museum, New York). La réunion de ces œuvres révèle la maturation de l’idée jusqu’à sa réalisation finale dans la célèbre composition du peintre. Outre les musées étrangers réputés évoqués ci-dessus, l’exposition bénéficie d’autres prêts exceptionnels de, notamment, la Tate Britain (Londres), la Neue Pinakothek (Munich), la Nasjonalgalleriet (Oslo), la collection de la Reine Élisabeth II, ainsi que de collections privées.
Sensation et Sensualité est une exposition organisée par le Musée Royal des Beaux-Arts Anvers (KMSKA), la Royal Academy of Arts de Londres et BOZAR (Palais des Beaux-Arts), Bruxelles. Après le Palais des Beaux-Arts, l’exposition s’installera à la Royal Academy of Arts de Londres (23.01 > 10.04.2015).
Un vidéoguide intégrant la réalité augmentée
Pour l’exposition, BOZAR a conçu avec Audiovisit un guide vidéo interactif innovant, intégrant pour la première fois en Belgique la fonctionnalité réalité augmentée. Le visiteur pourra ainsi découvrir de manière ludique des informations approfondies sur les six thèmes de l’exposition et sur quelques chefs-d’œuvre.
Plusieurs applications ont été développées pour l’utilisation de ce guide vidéo. Le visiteur peut consulter des extraits sonores, des films audio et des animations.
Avec l’application interactive de réalité augmentée, quand l’appareil est orienté vers une œuvre d’art, il reconnaît l’image et le tableau entre alors en vie. Ainsi, si le visiteur dirige le guide vidéo vers le triptyque «Le Christ sur la croix», il pourra découvrir les volets se refermer et dévoiler la face cachée du retable. S’il passe le doigt sur «Le jardin d’amour», il verra apparaître les esquisses préparatoires du tableau. Sur «Le couronnement de Marie de Médicis» apparaissent plusieurs personnages que le guide vidéo est capable de reconnaître et d’identifier.
Ce vidéoguide, non téléchargeable, est diffusé sur une tablette android de dimension 4,3 pouces (11 cm) proposée à la location au prix de 3 € (2 pour 5 €).
Le nouvel audiokids
Pour l’expo Rubens, BOZAR, associé à Audiovisit, lance également l’audiokids, un vidéo-guide “qui va donner une nouvelle dimension à la visite du musée”. Outre la partie audio dans laquelle Max-le-chien fait visiter l’expo aux jeunes visiteurs de manière ludique, l’audiokids propose également des fonctions de réalité augmentée. Lorsque le jeune utilisateur pointe son audiokids sur un tableau, l’application reconnaît l’image et la voit sous un nouvel angle. Des éléments des tableaux peuvent être expliqués ou agrandis au point que les œuvres prennent littéralement vie sur l’écran.
L’audiokids est proposé gratuitement avec le billet d’entrée enfant (€2).
Art numérique
Cet automne, BOZAR rend hommage à Rubens par un programme multidisciplinaire associant musique, literature et art numérique. BOZAR MUSIC et Ricercar (Outhere) co-éditent le CD Rubens and the music of his time, un aperçu des principaux types de musiques que Rubens a pu découvrir pendant ses voyages en Europe. BOZAR LITERATURE invite six écrivains – David Bosch, Annemarie Estor, Lydia Flem, Peter Holvoet-Hanssen, Pjeroo Roobjee et Jean-Philippe Toussaint – à se laisser inspirer par une oeuvre de Rubens. Le résultat figurera dans le guide du visiteur et pourra également être écouté sur le video-guide.
Le visiteur pourra également découvrir deux installations multimédias au cours de la BOZAR NIGHT et du BEAF. Ingrid Van Wantoch Rekowski présentera son installation vidéo Rubens-Metamorfoses à l’occasion de la BOZAR NIGHT (10.11.2014), et le vidéaste Quayola proposera lors du BEAF (25 > 27.09.2014) une installation intitulée Strata #4, dont l’objectif est d’approfondir littéralement les grands retables de Rubens et van Dyck via des images en haute résolution.
6 QUESTIONS A ... Nicolas Van Peteghem (Communications – Webmaster du Palais des Beaux-Arts / Bozar Bruxelles) et Guillaume Ducongé (Directeur des contenus et des études Audiovisit)
Clic France : Quelles sont les spécificités de ce vidéoguide en terme de contenus ?
Nicolas Van Peteghem : L’exposition Sensation et Sensualité : Rubens et son héritage tisse des liens entre les œuvres de Rubens et celles d’autres peintres qui s’en sont inspirés. Le vidéoguide a été conçu pour rendre ces liens beaucoup plus parlants. Car c’est une chose de voir deux œuvres face à soi, c’en est une autre d’y déceler les influences et les points communs. Grâce à l’écran du vidéoguide, nous avons pu vraiment mettre en avant ces liens, notamment grâce à des techniques comme le morphing ou le zoom sur des détails intéressants. Le but de cet outil est de guider le regard du visiteur et lui faire apparaître des choses sur lesquelles son attention ne se porterait pas naturellement. Cela rend la visite beaucoup plus riche.
Guillaume Ducongé : Votre question me permet de préciser que, de notre côté, nous préférons parler de «visioguide» ; c’est d’ailleurs une marque que nous avons déposé en mai 2006 à l’INPI. A l’époque on parlait déjà de vidéoguides qui commençaient à émerger et nous constations que les contenus se limitaient soit à ceux d’un audioguide classique, soit étaient enrichis à grand renfort de vidéo ce qui, en terme de médiation, était souvent inapproprié. Je me souviens par exemple d’un vidéoguide au Colisée à Rome qui proposait essentiellement des extraits de péplums. Le visiteur se retrouvait alors à devoir choisir entre une posture de spectateur de cinéma ou de visiteur. Personnellement ces films m’avaient gâché la visite ! Pendant trop longtemps le vidéoguide a été un outil qui détournait le regard des œuvres. C’est d’ailleurs pour cela que nombre de conservateurs ont longtemps été contre cette évolution de l’audioguide. On peut dire que les choses ont commencé à changer à partir de 2010.
Même si nous avons réalisé 19 visioguides avant celui-ci, on peut considérer que le visioguide proposé pour l’exposition de Bozar est l’un des premiers visioguides qui exploite toutes les possibilités offertes par les nouveaux écrans : des interviews audio ou vidéo, des notices sonores classiques, des animations, des audiofilms (à la manière de feu l’émission “Palettes”) et des séquences en réalité augmentée. Sans oublier quelques extraits musicaux et des lectures de proses d’écrivains commandées pour l’exposition. Tous les contenus sont courts, afin de pouvoir être consultés en station debout, car il ne faut jamais oublier qu’on est en situation de visite !
Clic France : Est-ce votre premier vidéoguide pour Bozar ?
Guillaume Ducongé : Oui. C’est aussi notre premier projet d’audioguide à l’étranger après plus de 300 projets en France. C’est d’ailleurs très intéressant de constater qu’alors que nous sommes habitués à des projets multilingues, nous sommes ici dans un projet qui dépasse ce stade puisqu’il est véritablement multiculturel ; cela implique, par exemple, que le visioguide a deux langues “maternelles” (le français et le flamand). Il est par ailleurs également proposé aux visiteurs en anglais et allemand.
Clic France : Vous y avez intégré la fonction réalité augmentée. Qu’apporte t-elle à la médiation numérique ?
Guillaume Ducongé : Nous observons depuis un certain temps ce qui se fait. Le risque de ce genre d’innovation est trop souvent de tomber dans un effet «wow» qui se limite à la technologie, au détriment du fond. Un phénomène qui est surtout dû au fait, sans vouloir les vexer, que les ingénieurs sont rarement des professionnels du contenu et des usages. Une fois passé ce stade, l’innovation disparaît d’elle-même ou les professionnels des usages se l’approprient et elle devient un standard.
Lorsque nous avons eu l’opportunité de travailler pour Bozar, nous nous sommes vite rendus comptes que nous partagions le même point de vue sur la réalité augmentée : si la réalité augmentée se doit d’être ludique, elle se doit tout autant d’enrichir la visite. Elle doit être un moyen et non une fin en soi. C’est pour cela que pour chaque œuvre concernée par un bonus multimedia, nous avons systématiquement arbitré entre animation classique, audiofilm et réalité augmentée afin de servir au mieux le propos. L’idée n’était pas de faire de la réalité augmentée à tout prix.
Nicolas Van Peteghem : D’ailleurs, au fil de l’avancée du projet, nous n’avons pas hésité à laisser tomber certaines des interactions prévues car elles trouvaient mieux leur place en tant que film ou commentaire audio. Le véritable critère de choix est le suivant : le visiteur peut-il interagir ? Est-il acteur ou spectateur ? Lorsque cette interaction apporte vraiment quelque chose, la réalité augmentée trouve sa place.
La réalité augmentée permet presque littéralement de toucher les œuvres, de les triturer pour mieux les découvrir. Le visiteur entretient une relation beaucoup plus personnelle avec l’œuvre. Dans le cas de cette exposition, la réalité augmentée nous a permis de montrer de manière directe les influences entre Rubens et ses héritiers.
En passant son doigt sur l’écran, le visiteur peut, par exemple, faire apparaitre les dessins préparatoires d’une œuvre par un principe de superposition. C’est beaucoup plus parlant que de simplement voir l’œuvre finale et le dessin préparatoire côte à côte. La réalité augmentée permet au visiteur d’entrevoir des choses qui lui sont normalement cachées, comme pour ce retable présenté ouvert dans l’exposition qui se referme à l’écran afin de révéler les peintures qui se cachent au dos de ses volets.
Enfin, il ne faut pas négliger l’aspect ludique de la réalité augmentée, qui rend l’utilisation du vidéoguide plus engageante. Au lieu d’être simple spectateur passif de l’information, le visiteur devient acteur et participe à cette transmission des savoirs. “J’entends et j’oublie, je fais et je retiens” dit le diction, nous en voyons ici l’application directe.
Quelques extraits des animations en réalité augmentée:
Le visioguide de l’exposition Rubens / exemples de réalité augmentée from guillaume Ducongé on Vimeo.
Clic France : Quelles ont été les principales difficultés en matière de production de contenus en RA ?
Nicolas Van Peteghem : Pour nous, la réalité augmentée était une grande première. Nous n’avions donc pas beaucoup d’expérience en la matière et nous avions peur que cette fonctionnalité soit perçue comme un simple “gadget” et pas comme un outil d’apprentissage. Nous avons eu une longue phase de recherches (presque un an) et nous nous sommes associés à l’équipe française d’Audiovisit pour essayer de tirer le meilleur profit de ce que peut apporter la réalité augmentée.
Guillaume Ducongé : Lorsque nous avons démarré le projet, nous avons tout de suite pris conscience qu’une partie importante de l’équipe de Bozar (commissaire de l’exposition compris) allait être impliquée dans celui-ci et que c’était une chance qu’ils aient réfléchi de longue date à ce projet. Ils avaient une vision claire de ce qu’ils souhaitaient en terme d’objectifs et de moyens. Ils ont été extrêmement impliqués dans toutes les étapes du projet. Par ailleurs, le commissaire de l’exposition avait déjà conçu un certain nombre de synopsis sur une sélection d’œuvres afin d’aiguiller notre travail de création et de conception. Cette base là nous a permis de faire un certain nombre de propositions que l’équipe de Bozar a retenues ou non. En parallèle, nous avons conçu et réalisé les autres contenus plus classiques, sous leur autorité.
Si nous avons réalisé l’application, les contenus audio et l’ensemble des animations, notre développeur maison a travaillé en étroite collaboration avec notre partenaire, la société Vidinoti, sur le développement des réalités augmentées.
Nicolas Van Peteghem : S’il faut parler de difficultés ou de contraintes, je crois qu’il faut préciser que pour ce vidéoguide nous avions besoin de beaucoup d’images “source” en HD. Ce n’est que lorsque nous avons été sûrs de pouvoir obtenir un scan de qualité d’une œuvre que nous avons pu la traiter en réalité augmentée. L’aspect technologique, même s’il nous a limité quelque fois, n’a pas été aussi contraignant que ce que l’on craignait au départ.
Guillaume Ducongé : Nicolas parlait de la problématique des besoins en iconographie – qui peuvent s’avérer très coûteux – mais j’ajouterai aussi, pour les musées intéressés, qu’un projet de ce type est forcément plus long qu’un projet d’audioguide classique d’exposition. Nous avons mis 4 mois à réaliser ce projet, ce qui, entre nous, relève de l’exploit !
Clic France : Pourquoi le vidéoguide n’est-il pas téléchargeable sous la forme d’une application ?
Nicolas Van Peteghem : Pour deux raisons. D’abord les œuvres de cette exposition nous étaient données en prêt par différents musées européens, avec un contrôle strict des droits à l’image. Les copyrights ne nous étaient accordés que dans un cadre très strict, et nous ne pouvions pas permettre à un public externe de télécharger l’application avec les images.
Ensuite l’application n’a de sens que face aux œuvres. La réalité augmentée ne se déclenche automatiquement que si elle reconnait l’œuvre. L’application n’a donc pas de sens en dehors de l’exposition.
Clic France : Vous avez également développé un vidéoguide pour enfants. Quels sont ses contenus ?
Guillaume Ducongé : La visite est scénarisée et adaptée afin de convenir aux 8-12 ans qui est la cible sur laquelle nous travaillons le plus souvent. Nous avons également créé des liens, en fin de séquences, avec la version adulte afin que l’enfant interpelle ses parents. Le but est que la visite devienne une visite en famille, même si chacun a son propre contenu. Pour ce qui est des animations et réalités augmentées, certaines ont été adaptées, tandis que d’autres fonctionnaient aussi bien pour les enfants que pour les parents.
Interviews réalisées par mail le jeudi 9 octobre 2014
SOURCE: BOZAR, AUDIOVISIT
Date de première publication: 7/10/2014
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