Ils sont de plus en plus nombreux les visiteurs qui utilisent ce fameux bras télescopique, aussi appelé “selfie stick”, au bout duquel on place son smartphone afin de pouvoir prendre des photos de groupe avec un angle plus large grâce à une télécommande. Face à ce succès envahissant, de plus en plus de musées ont décidé de reprendre le contrôle de la situation. Après la Smithsonian Institution ou le Met de NY, les musées français choisissent à leur tour l’interdiction. Le 11 mars 2015, le Château de Versailles a pris cette mesure radicale.
Les précédents anglo-saxons
Cette interdiction est déjà largement répandue aux Etats-Unis. Le 3 mars dernier, la Smithsonian, institution qui gère les 19 musées nationaux de Washington annonçait sur son site Internet et sur les réseaux sociaux que l’accessoire y était désormais banni. Une interdiction considérée comme une « mesure préventive pour protéger les visiteurs et les collections, notamment quand il y a un fort afflux de visiteurs » rapporte Le Monde. Le terme selfie stick a d’ailleurs été inséré spécifiquement dans le règlement des musées.
A New York, le Metropolitan Museum of Art a également bannis l’usage du bras télescopique, et avant lui le Dia:Beacon, le MoMA, le Guggenheim, ainsi que le Cooper-Hewitt, Smithsonian Design Museum. Le Musée des beaux-arts de Boston a fait de même. L’interdiction est aussi en vigueur dans plusieurs musées australiens comme la National Gallery à Camberra. Tout récemment, la National Gallery de Londres a également suivi le pas.
La décision n’a pas toujours été prise de manière unanime. Ainsi, au Canada, la National Gallery et le nouveau musée des droits de l’homme l’interdisent tandis que le musée canadien de la nature d’Ottawa a décidé de l’autoriser.
Deux arguments justifient l’interdiction des perches à selfies. D’une part, la sécurité des œuvres, qui pourraient être heurtées par l’objet télescopique. D’autre part, la fluidité de la circulation dans les musées qui peut être entravée par les visiteurs les utilisant, surtout si leur usage se multiplie encore.
Le château de Versailles décide avant la haute saison
Le château de Versailles explique avoir décidé à son tour d’interdire les perches à selfie «en prévention de l’approche de la haute saison». Toutefois, comme au J. Paul Getty Museum de Los Angeles, l’interdiction ne concerne que l’intérieur des bâtiments et l’outil reste toléré à l’extérieur. Une signalisation a été mise en place proscrivant l’utilisation des perches en question en attendant que le règlement soit modifié lors d’un prochain conseil d’administration.
La direction de Versailles fait valoir la spécificité du château, qui accueille 1.000 à 1.500 visiteurs par jour et présente des objets sans la protection d’une vitrine. Les accès de certaines salles sont aussi très étroits.
«Le risque, c’est d’abîmer par mégarde des œuvres mais aussi de blesser d’autres visiteurs dans les pièces étroites, précise-t-on au Château de Versailles. Nous n’avons relevé aucun incident causé par une perche à selfie, nous faisons de la prévention ».
Le sort de ces instruments rejoint donc celui des trépieds de photographie ou de caméra qui sont déjà interdits dans de nombreux musées. Leur utilisation requiert en effet une autorisation spéciale accordée préalablement pour pouvoir s’en servir. Par ailleurs, Plusieurs objets «à risque» sont déjà bannis des grands musées français. Le Louvre interdit également les parapluies non pliants, les casques de moto et les gros sacs à dos.
Reportage d’Euronews:
Quel impact sur la visite des musées ?
Il n’existe pas de chiffres officiels recensant le nombre de perches à selfies vendues dans le monde, mais selon le New York Times, plusieurs centaines de milliers d’objets auraient été vendus rien qu’aux Etats-Unis depuis l’été dernier.
Ce dispositif, inventé en 2005 par un Canadien, a d’abord massivement séduit l’Asie, notamment la Corée du Sud, qui a du en réglementer l’usage dès 2014.
Selon le Monde, les deux musées parisiens les plus touchés par ce phénomène sont le château de Versailles et le Louvre, justement très fréquentés par les touristes asiatiques. Au Louvre, le phénomène aurait surtout lieu «en extérieur, autour de la pyramide». À l’intérieur, les selfie sticks «ne sont pas interdits à condition que leur usage respecte le règlement de visite». Le Centre Pompidou quant à lui affirme que « le phénomène est pris en considération, mais il n’y pas encore de décision prise dans le sens d’une interdiction ».
Interdire la perche tout en favorisant la photographie
Comme le souligne Le Monde, ce mouvement d’interdiction en France entrerait en contradiction avec la charte « Tous photographes », publiée par le ministère de la culture en juillet dernier. Celle-ci vise en effet à favoriser «la pratique photographique et filmique dans les musées et les monuments, devenue un phénomène courant qui trouve souvent son prolongement sur les réseaux sociaux», tout en la conciliant avec le respect des musées.
Le New York Times lui, rappelait à la mi-février que lors de la grande rétrospective Jeff Koons au Whitney Museum of American Art, à New York, des cartons enjoignaient les visiteurs à se prendre en photo dans l’exposition et à poster leurs photos sur les réseaux sociaux, avec un message très incitatif : «Koons Is Great for Selfies !». Dans les musées de Washington, l’interdiction se double d’ailleurs d’une invitation à poursuivre la prise de photos, tout en rappelant aux visiteurs de «laisser leur perche à selfie dans leurs sacs». Un paradoxe résumé par un lieu culturel parisien.
“La perche à selfie a un rapport avec les réseaux sociaux, tout simplement parce que les gens diffusent leurs photographies du palais de Tokyo sur les réseaux sociaux, que ce soit Instagram, Facebook ou Twitter et cela a une réelle influence, je pense, sur la fréquentation du lieu. Ça donne envie à d’autres personnes de venir visiter les expositions”, explique à Euronews Simon Bruneel, Chargé de médiation culturelle au palais de Tokyo.
Bien que soucieux de protéger leurs œuvres en bannissant les perches à selfie de leurs murs, les musées comptent bien continuer à autoriser voire à inciter la prise de photos, qui en plus d’offrir de beaux souvenirs aux visiteurs, leur permet de jouir d’une publicité mondiale gratuite sur les réseaux sociaux.
SOURCES: fr.euronews.com, Le Monde, kulturegeek.fr, clubic.com
Date de première publication: 18/03/2015
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