La BnF abrite l’une des plus riches collections de globes terrestres et célestes au monde. Parmi ceux-ci, cinquante-cinq ont été numérisés en 3D par l’entreprise japonaise Dai Nippon Printing Co., Ltd. (DNP) dans le cadre d’un mécénat de compétence, et avec le mécénat de la Fondation d’entreprise Total. Ce programme a permis l’arrivée de la 3D dans la bibliothèque numérique Gallica, où les globes sont d’ores et déjà accessibles.
Le fruit de cette opération d’envergure sera montré à la BnF sur le site François-Mitterrand, à travers l’exposition de six globes présentés en regard des images numériques développées par DNP, du 5 juillet 2016 au 18 septembre 2016 dans la Galerie des donateurs. A cette occasion, le CLIC France a posé quelques questions à Claire Chemel, conservateur chargée de la numérisation au département des Cartes et plans et co-commissaire de l’exposition “Globes en 3D” à la BnF.
Pouvez-vous présenter votre parcours en quelques lignes ?
Je suis conservateur chargée de coordonner la numérisation au département des Cartes et plans de la BnF. C’est à ce titre là que j’ai été appelée à suivre la numérisation 3D de ces globes.
Comment est née la relation avec DNP ?
Cela fait une dizaine d’années (2006-2013) que DNP effectuait des opérations de mécénat de compétence pour le musée du Louvre (avec Museumlab). Ils cherchaient à étendre cette collaboration avec d’autres institutions en France. De notre côté nous réfléchissions depuis quelques temps à cette question de la numérisation. Les deux réflexions ont fini par se rencontrer.
En quoi consiste le partenariat avec ce groupe japonais ?
Il s’agit d’un mécénat de compétence. DNP a réalisé la numérisation 3D des 55 globes de la BnF. Nous avons aussi collaboré pour la valorisation de ce travail de numérisation pour deux expositions, une à Tokyo et une à Paris.
Lire à ce sujet: [Visite CLIC] La BNF bénéficie du mécénat de Dai Nippon Printing pour numériser en 3D 55 globes anciens
Comment avez-vous sélectionné les 55 globes numérisés ?
La BnF a une collection d’à peu près 200 globes antérieurs au XXème siècle. Nous avons essayé de choisir une sélection représentative de l’histoire et de l’évolution des globes terrestres et célestes. La sélection est majoritairement européenne mais nous avons également des productions du monde arabe. Nous voulions montrer à la fois des pièces rares et exceptionnelles mais aussi des pièces plus courantes du XVIII ou XIXème siècle pour avoir un panorama de l’évolution de ces objets à l’époque moderne.
Globe céleste arabo-coufique Globe terrestre de Martin Behaim
Quelle était la volonté de Dai Nippon Printing derrière ce mécénat ?
Pour eux il s’agissait d’une opportunité de rechercher d’autres développements. DNP est un très grand groupe qui travaille dans la numérisation, l’impression et la diffusion. Travailler sur des objets aussi atypiques que les globes leur permet de développer des techniques qui sont ensuite mises à disposition d’autres institutions culturelles.
La numérisation de ces globes a permis l’arrivée d’un module 3D sur Gallica: combien de modélisations 3D de globes sont aujourd’hui proposées sur gallica ? pensez vous enrichir cette offre ?
Pour le moment seuls les globes sont disponibles dans ce module, la BNF ne produit pas d’oeuvres en 3D par elle même pour le moment. L’extension de l’offre en 3D de Gallica dépendra des propositions qu’on pourrait nous faire. Notre département des globes mais aussi d’autres départements de la BnF sont intéressés mais il faut trouver des prestataires ou des mécènes intéressés.
Quel a été le budget de la numérisation des 55 globes ?
Je ne connais pas le détail du budget, mais DNP a engagé sur l’ensemble du projet la somme de 800 000€ qui doit comprendre la numérisation et les dispositifs numériques des expositions.
Quel est le bilan de l’exposition tokyoïte ?
L’exposition tokyoïte “Globes in motion” avait lieu dans le bâtiment DNP même. Pendant une partie de la semaine, seuls les clients peuvent y assister. Le vendredi, samedi et dimanche étaient ouverts à une jauge limitée de public.
Durant la première période (19 février-22 mai 2016), la jauge a été remplie au maximum chaque jour. Les retours sont excellents. La communication de DNP a visé les blogueurs et influenceurs web avec de très bons retours. Une enquête de satisfaction des publics est en cours de traduction mais les retours des visiteurs sont d’ores et déjà très positifs.
Combien d’outils numériques fixes (écrans, tables tactiles, tablettes) étaient disposés dans le parcours de l’exposition tokyoïte ?
L’exposition était très riche en contenus numérique
- 1 écran audiovisuel classique avec un film d’introduction
- 6 tablettes 4k disposées en vis à vis des 6 globes exposés
- 1 table de projection avec scan de QR code
- 3 grands écrans tactiles
- 3 casques HTC Vive d’immersion
- 1 très grand écran avec un dispositif kinect
- 3 écrans classiques présentant le projet de numérisation, la BNF et DNP.
- 1 film projeté sur grand écran
Film de présentation de l’exposition tokyoïte Globes in Motion par DNP
Quels sont les outils qui ont été adaptés de l’exposition japonaise pour l’exposition française ? Certains outils ont-ils été conçus spécifiquement pour l’exposition française de 6 globes ?
Pour l’exposition de Paris, nous avons adapté les contenus des tablettes qui accompagnaient les globes sur cinq écrans tactiles. Cette transposition a eu lieu pour des questions de coût et de disponibilité de certains matériels en France par rapport au Japon. Nous avons aussi les trois grands écrans de découverte de la collection, deux écrans de diffusion audiovisuels. Nous espérons pour les journées du patrimoine avoir un à deux casques HTC pour faire des expériences immersives.
L’exposition de Tokyo continue en ce moment, ce n’est donc pas le même matériel.
C’est la BnF qui a choisi les outils numériques présents dans l’exposition de Paris en fonction de la taille de l’espace d’exposition. Nous disposons de moins de place que dans les locaux DNP. Les écrans vis à vis des globes étaient indispensables puisqu’ils sont au coeur de l’exposition. Pour ce qui est du reste, le manque de place nous a contraint à faire des choix. Cela aurait été intéressant d’avoir la table QR codes.
Qui a développé ces outils ?
Chaque outil a été développé par le groupe DNP.
Avez-vous été associés à ces développements numériques ?
François Nawrocki et moi même qui sommes les commissaires de l’exposition parisienne avons travaillé pendant plus de six mois en très étroite collaboration avec DNP. Nous avons écrit tous les contenus.
Nous sommes restés en contact en permanence avec DNP, nous avons pu faire des propositions, notamment sur la table avec QR codes. La collaboration s’est très bien passée, nous avons été bluffés par les outils numériques développés par DNP. Ils permettent une redécouverte totale des objets grâce à la numérisation 3D.
Quels contenus sont diffusés sur les écrans ?
Le film d’introduction de l’exposition dure 3 minutes et évoque les globes terrestres et célestes dans l’histoire, leur symbolique, l’histoire de leur production. Il permet au visiteur d’entrer dans le sujet grâce à des visuels provenant de la BNF ou d’autres établissements culturels (peintures, photos…).
Quels contenus sont diffusées sur les tablettes tactiles ?
L’écran des tablettes est divisé en deux, avec une partie faisant les 2/3 de la surface. La plus grande partie de l’écran présente la numérisation 3D du globe. Vous pouvez librement zoomer, tourner l’objet du bout des doigts. Il y a cinq à six POI sur chaque globe.
Sur la petite partie restante, un texte explicatif vient développer les caractéristiques du globe, la technique de fabrication et peut attirer l’attention sur la représentation du continent ou expliquer la cartographie de l’époque. Par exemple certains globes présentent un continent unique réunissant l’Asie et l’Amérique, il est important d’expliquer au visiteur pourquoi cette représentation existait. A chaque fois une image issue le plus souvent de Gallica permet de montrer un contrepoint, une ouverture sur un sujet évoqué.
Nous avons constaté que les visiteurs de l’exposition de Tokyo ont passé beaucoup de temps à lire l’intégralité des contenus d’une tablette.
Pour la conception de la tablette, DNP nous a montré un prototype et nous a demandé nos retours en tant que concepteurs d’exposition. En octobre 2015, François Nawrocki et moi-même sommes allés à Tokyo et nous avons donné nos remarques sur la navigation, l’affichage, les interactions sur l’ensemble des outils numériques de l’exposition. Par la suite, nous avions une visioconférence avec DNP toutes les semaines.
De notre côté nous avons aussi orienté notre réflexion en fonction de leurs propres retours. C’est une coopération qui a très bien fonctionné.
Quel est principe de la table avec reconnaissance des QR codes ?
Le visiteur se tient debout devant une table blanche. Sur sa droite il y a une pile de petits livrets papier en anglais, français et japonais. Il peut prendre un livret et le conserver à la fin de l’exposition, puisqu’il fait un résumé du discours de l’exposition.
Chaque page contient un QR code. Le visiteur doit poser le livret sur une zone de la table qui flashe le QR code et déclenche une animation sur cette table. Il y a notamment une zone sur cette table qui est davantage bombée pour suggérer un globe: cette zone permet de voir la construction du globe. A chaque fois que le visiteur tourne une page du livret cela déclenche une nouvelle étape de l’animation.
Les globes pouvaient être explorés en immersion grâce à des casques HTC Vive durant l’exposition tokyoïte: quel était le principe de l’expérience ?
Les globes célestes sont parfois compliquées à comprendre: un observateur le voit comme s’il était “à l’extérieur du ciel”. Comme si le ciel était une sphère entourant la Terre. Il faudrait retourner le globe pour voir la voûte céleste comme un observateur terrestre. C’est ce que DNP a fait dans les casques HTC. L’utilisateur se retrouve à l’intérieur d’un globe du 18e siècle qui représente le ciel autour de nous, à 360°. Des explications sont données, le regard de l’utilisateur est guidé grâce à des bruits, des mises en surbrillances, afin d’attirer son attention sur des constellations. Les utilisateurs sont sur des sièges pivotants mais sont encouragés à ne pas bouger de leur fauteuil.
L’expérience est impressionnante, et tout particulièrement cette sensation de 360° et d’immersion totale. De tous les dispositifs, c’est le dispositif que les visiteurs apprécient le plus. Nous espérons que DNP nous prêtera les casques de Tokyo puisque leur exposition finira avant celle de Paris.
C’est DNP qui nous a proposé cette expérience, ils avaient eu ces casques avant même leur sortie sur le marché et ils souhaitaient créer un contenu pour eux.
Était-il possible de retrouver cette expérience à domicile pour les gens possédant un tel casque ?
Pour le moment ce n’est pas prévu.
Quels contenus sont diffusés sur les trois écrans tactiles ?
Il y a 3 grands écrans qui présentent le même contenu, c’est à dire l’ensemble de la collection des globes en 3D. Une dizaine de thèmes sont aussi proposés au visiteur avec des petits textes et plusieurs globes en illustration: “Les globes arabes et astronomiques“, “La géographie des Lumières“…
Quels contenus sont proposés sur l’écran de grande taille ?
Il s’agit d’un film documentaire sur l’évolution de la cartographie du Japon par les Européens au travers des globes et cartes de la BnF : diffusé en 4K, ce film d’une dizaine de minutes est le dernier dispositif de l’exposition de Tokyo.
Y-a-t-il une différence entre des visiteurs japonais et des visiteurs français dont il fallait tenir compte pour la préparation des deux expositions ?
Nous nous sommes interrogés sur la présence ou non d’un animateur autour des casques d’immersion: en France les laisser en libre service est impossible, tandis qu’au Japon l’usage est plus discipliné, plus sage. Aussi nous les avons laissé en libre service.
Cette exposition pourrait-elle circuler ailleurs en France ou dans le monde ? Pourrait-elle circuler sans les globes, uniquement avec les outils numériques ?
Pour le moment ce n’est pas prévu. En 2017, il y aura une grande exposition créée par la BnF au Louvre Abu Dhabi. Nous voudrions voir si notre travail peut se retrouver là bas. Je pense qu’il s’agira de nouveaux contenus et non un copier coller. Cela va dépendre des échanges entre DNP et le Louvre.
Il n’est pas prévu de faire voyager uniquement les outils numériques de l’exposition. C’est tout de même particulièrement intéressant d’avoir l’objet et l’outil numérique en même temps. Les globes voyagent déjà par Gallica.
Total a-t-il mécéné le numérique ou l’exposition en général ?
Total a soutenu de manière très généreuse l’exposition de Paris pour permettre une exposition plus poussée que ce dont nous avons l’habitude dans cet espace là.
Avez-vous d’autres projets numériques avec DNP dans le cadre de votre partenariat ? si oui lesquels ?
Nous espérons qu’il y aura des suites à ce travail: nous aimerions bien créer l’année prochaine une exposition virtuelle ou une application mobile pour la retrouver. Nous pensions à un mécénat de la Fondation Total en reprenant et en adaptant les contenus que nous avons créés.
Lundi 11 juillet 2016 (matin): Visite-démo des dispositifs numériques in situ de l’exposition « Globes en 3D, une prouesse technique » à la BnF guidée par Claire Chemel, co-commissaire d’exposition et chargée de numérisation.
Ils sont déjà inscrits: BNP Paribas – Cité de la céramique Sèvres & Limoges – Délégation patrimoine gendarmerie – Musée Albert-Kahn – Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux – Musée de La Poste – Paris Musées – Universcience.
Visite réservée à 15 personnes membres du CLIC. Inscription obligatoire à ateliers@club-innovation-culture.fr
Propos recueillis par téléphone le 22/06/2016
Photos: © DNP Museum Lab
Source: BnF
Date de première publication: 23/06/2016
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