Après le Palais Garnier en 1875 et l’Opéra Bastille en 1989, c’est sur internet que l’Opéra national de Paris a choisi de monter sa troisième scène. Une plateforme internet judicieusement nommée “3ème scène” se dévoile ce 15 septembre 2015 pour offrir aux internautes passionnés de danse ou de musique des créations de plasticiens, cinéastes, compositeurs, photographes ou écrivains.
La “virage numérique” souhaité par Stéphane Lissner, Directeur de l’Opéra national de Paris, se concrétise sous la forme d’une plateforme web accueillant des créations inédites autour de la danse, de la musique, du patrimoine, de l’opéra et du chant mais aussi plus largement sur tous les métiers de l’opéra national de Paris. «3e scène» est une plateforme digitale de création, destinée à héberger des œuvres (et non des captures) commandées par l’Opéra aux plus grands noms des arts visuels et du cinéma. Le projet (dont le budget est estimé par le site culturebox à 2 millions d’euros) est majoritairement financé par le mécénat.
Une initiative ambitieuse et unique de la part d’une institution culturelle française qui va permettre à l’opéra de se constituer une collection d’œuvres d’art inédites tout en accroissant son rayonnement mondial.
Découvrez le site de 3ème Scène.
Treize films d’une durée de deux à quinze minutes, trois ensembles photographiques, deux séries, une installation et une fresque picturale de neuf mètres composeront le premier ensemble d’œuvres mis en ligne lors du lancement de 3ème Scène.
Les créateurs sont réalisateurs, photographe, chorégraphe, sociologue…Il s’agit de Mathieu Amalric (réalisateur et acteur), Carine Brancowitz (dessinatrice), UVA (studio d’art visuel londonien : United Visual Artists), Manuela Dalle (sociologue et réalisatrice), Loren Denis (réalisatrice, photographe et mannequin), Denis Darzacq (photographe), Pierre Even (photographe), Glen Keane (animateur légendaire de Disney), Benjamin Millepied (Directeur de la Danse), Wendy Morgan (réalisatrice), Alex Prager (photographe et réalisatrice), Julien Prévieux (artiste contemporain, distingué par le prix Marcel Duchamp), Jacob Sutton (photographe et réalisateur), Arnaud Uyttenhove (réalisateur), Xavier Veilhan (artiste contemporain), Karim Zeriahen (réalisateur) et de Rebecca Zlotowski (réalisatrice et scénariste). Productions en cours : celles du réalisateur Bertrand Bonello et de l’écrivain Eric Reinhardt.
Comme l’expliquait Stéphane Lissner,en février 2015 , “si l’on veut parler aux nouvelles générations et les convaincre, il faut le faire avec les interlocuteurs avec qui elles sont déjà en contact”.
CINQ QUESTIONS A….Dimitri Chamblas, directeur artistique de 3ème Scène, Opéra de Paris
Danseur de formation, producteur de films sur Xavier Veilhan, conférencier sur le skateboard, ou styliste, Dimitri Chamblas a également créé une société de production de films (Same Production, qui a entre autres réalisé des spots publicitaires pour Nike) afin de financer une petite antenne artistique (Same Art). A Los Angeles, il s’est associé à son ami Benjamin Millepied pour produire ses films (notamment ceux avec le danseur Lil Buck). En 2014, le nouveau directeur de l’Opéra de Paris, Stéphane Lissneret et son directeur de la danse Benjamin Millepied lui confient la réflexion autour son projet de “3ème scène” et il en devient le directeur artistique.
Comment est née l’idée de cette plateforme ?
La 3e scene s’inscrit dans un projet global digital de l’Opéra, qui s’est déjà manifesté avec la mise en ligne il y a quelques jours d’une refonte globale de son site internet et la création d’un magazine en ligne qui va relayer l’actualité, donner de petits contenus inédits, des archives. Cette 3e scène, comme son nom l’indique, après celles de Garnier et Bastille, a la même exigence d’être un endroit de création et pas un simple relais de l’actualité des autres scènes. C’est un endroit qui crée, qui produit, qui innove et qui commande des œuvres.
L’idée du projet global vient de la nouvelle direction, Stéphane Lissner et Benjamin Millepied (respectivement directeur de l’Opéra de Paris et directeur de la danse), et j’ai pris mes fonctions au mois de mars pour la direction artistique de 3ème Scène.
Quels sont les objectifs du site ?
Les objectifs sont tout d’abord de proposer au public déjà acquis à l’opéra de le surprendre et de lui proposer d’autres types d’objets artistiques, d’autres types de collaborateurs.
Deuxièmement, l’objectif est d’ouvrir à un public plus large. Grâce au digital, qui épouse le globe entier, l’idée c’est de pouvoir aller toucher et rencontrer le monde entier, mais aussi à travers des artistes ou des œuvres toucher un public plus large et plus jeune
Quelle est la ligne éditoriale du site ?
La première ligne éditoriale, qui est la plus importante, c’est que par rapport au panorama digital global de l’Opéra on ne relaie pas les choses qui se passent mais on les crée.
Si on entre dans l’aspect artistique, qui on invite et pourquoi, vous verrez qu’il y a des objets artistiques très différents. Il y a des grands artistes contemporains dont on voulait le regard sur notre institution, que ce soit sur sur la danse, l’architecture, les métiers. On voulait qu’ils viennent, s’inspirent et nous fassent des propositions.
Pour la 1ère année nous souhaitions un lien avec l’opéra national de Paris. Ce lien peut être très étroit (venir travailler ou tourner sur les lieux même (scène, coulisse…), ou bien comme ce fut le cas pour le studio londonnien UVA se documenter sur l’Opéra et échanger à distance pour finir par demander la présence d’une danseuse pendant une journée à Londres pour un tournage. Les films que le public verra ne sont pas que dans les lieux de l’opéra, on sort, on va dans les rues, dans les autres pays, mais deux liens existent toujours avec l’opéra de Paris, la danse et la musique et ça suffit pour nous relier.
La 1ère année on a souhaité un lien plus direct avec l’opéra parce qu’on avait envie que les artistes s’en emparent. Plus ça va aller, plus on va devenir une plateforme référente de création de musique et de danse. Par exemple Matthieu Amalric, réalisateur français, pour son œuvre C’est presque au bout du monde a suivi pendant ses tournées de l’été la chanteuse Barbara Hannigan, l’a filmé et a fait un travail sur la voix. Ce film n’est pas un film de promotion de l’opéra de Paris mais un film sur la voix.
3ème Scène n’a pas vocation à promouvoir l’opéra de Paris comme un outil de communication mais comme un outil de création. On essaye de diversifier pour avoir des créations plus ou moins accessibles. Ainsi si on travaille avec Glen Keane, le pape de l’animation chez disney (Petite sirène, Tarzan), son film sera plus accessible que celui de Julien Prévieux, prix Marcel Duchamp 2014 et qui sera à Beaubourg fin septembre 2015. On aime cette diversité, on veut que différents artistes viennent et s’emparent de ce qu’on est et nous surprennent. On veut des objets singuliers, forts et surprenants.
Comment sont choisis les artistes ?
Les artistes sont choisis de manière méthodique : on veut couvrir divers champs artistiques : on veut des réalisateurs, des écrivains, des photographes, des dessinateurs. C’est une 1ère architecture. Ensuite, à l’intérieur de chaque discipline on s’interroge sur qui faire venir et pourquoi. On a vocation à ouvrir les bras et accueillir un public le plus large possible.
En toute liberté on invite un artiste parce que son travail nous fascine et qu’imaginer son projet sur l’opéra nous enthousiasme. Par exemple, Bertrand Bonello, réalisateur d’Yves Saint-Laurent, passionné de musique et musicien lui-même, on l’invite car son rapport à la musique nous plaît et qu’on se dit qu’il va nous proposer quelque chose qui potentiellement peut être fort.
Les artistes peuvent venir et être en immersion avec les musiciens ou le chef d’orchestre, ou bien ne pas venir pour ne pas être “impressionné” par l’Opéra et seulement se documenter et réfléchir. Par exemple Pierre Even, grand photographe, s’est beaucoup documenté sur l’opéra et a découvert la salle dite du Foyer de la danse où avaient lieu les répétitions au moment de la création de Garnier. Les grands mécènes pouvaient y venir quand ils voulaient pour regarder les répétitions, ce qui, petit à petit, est devenu un prétexte pour admirer les jeunes filles et les jeunes hommes transpirer et l’accès à ce lieu à été interdit. Pierre Even a souhaité photographier uniquement dans ce lieu, il ne s’est pas du tout immergé dans le lieu pour trouver son idée.
Quelles sont les modalités de collaboration avec les artistes ?
Grosso modo ils sont libres : on réfléchit beaucoup à qui on invite, une fois que la personne est là et que l’idée est bonne, on le laisse faire. On s’adresse quand même à de grands artistes, ce qui nous intéresse c’est leur regard, on ne veut pas le transformer ou l’adoucir. Mais, on a déjà fait 18 projets, il est aussi de notre responsabilité de montrer à un artiste invité ce qui a déjà été fait pour ne pas qu’il avance sur une idée déjà faite. Qu’il sache ce qui a déjà existé et qu’il se positionne librement en fonction de ça. On veut des objets ultra singuliers, ça induit une grande liberté.
Par exemple, un réalisateur voit les toits magnifiques de l’opéra Garnier puis les danseurs et danseuses, les meilleurs du monde, il se demande comment conjuguer les deux. C’est à nous de lui dire qu’on a déjà trois projets semblables. Les idées sont toutes bonnes, mais pour éviter les redites il faut qu’ils sachent ce qui a déjà été fait.
Les œuvres créées pour 3ème scène seront-elles réservées au site internet de l’Opéra ?
On s’est aperçu en faisant cette plateforme que les œuvres crées pour 3ème Scène et vues en exclusivité sur le site, commencent à être demandées dans des lieux physiques. Le film de julien Prévieux va ressortir de la plateforme et aller dans son exposition à Beaubourg. Le film de Matthieu Amalric pour 3ème Scène sort et va à la Cinémathèque qui fait une rétrospective sur son travail. Le film d’Alex Prager, artiste américaine, va être exposé à la galerie des galeries au mois de novembre.
On fait le chemin inverse du chemin habituel, on va du numérique au physique.
SOURCES: Opéra de Paris
Photos : Opéra de Paris
Propos recueillis par téléphone le 11/09/2015
Date de première publication: 15/09/2015
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