Gr ce à  la numérisation et impression 3D, des artistes « restituent » à  l’Egypte le buste de Néfertiti

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Temps de lecture : 5 min

L’emblématique buste de Néfertiti, l’un des plus grands trésors de l’Egypte actuellement intégré à  la collection du  Musée égyptien de Berlin, a été « restitué »  à  sa terre natale grace à  la technologie 3D. Les artistes Egyptiens  Nora Al-Badri et Jan Nikolai Nelles  ont scanné le buste de la souveraine égyptienne et publié  en ligne les données pour que chacun puisse en réaliser une impression 3D.

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Les artistes ont choisi d’exposer une impression 3D du buste de Néfertiti  à  l’Université du Caire, une façon de revendiquer le retour des antiquités dans leurs pays d’origine. « La tête de Néfertiti représente tous les autres millions d’objets volés et pillés partout dans le monde et ce qui se passe actuellement, par exemple, en Syrie, en Irak et en Egypte » a  expliqué  Nora Al-Badri.

Nora al-Badri et Jan Nikolai Nelles devant une impression 3D du buste de la Reine Nefertiti au Caire (c) Jan Nikolai Nelles
Nora al-Badri et Jan Nikolai Nelles devant une impression 3D du buste de la Reine Nefertiti au Caire (c) Jan Nikolai Nelles

Le buste de Néfertiti a été découvert en 1912 à  Tell el-Amarna, la capitale du royaume d’Akhénaton, par une équipe archéologique allemande dirigée par Ludwig Borchardt. L’Allemagne a attendu jusqu’en 1924 pour présenter publiquement le buste, et les Egyptiens ont immédiatement commencé à  demander  son retour.

La 3D pour protester

Pour ses auteurs, l’action de numériser et de mettre à  disposition libre ces données est une action de protestation  destinée à  dire leur colère contre  le Neues Museum,  Musée égyptien de Berlin  dans lequel  est exposé le buste de Néfertiti (1370-1333 av. J.-C., célébrissime souveraine d’Egypte et épouse du pharaon Akhénaton). Les  artistes germano-irakienne Nora Al-Badri et allemand Jan Nikolai Nelles estiment que cette précieuse  relique n’a pas sa place en Allemagne : elle devrait retourner en Egypte. Ou, tout au moins, le musée devrait donner un accès libre au buste ainsi qu’aux résultats des recherches effectuées dessus. Ce qui n’est pas le cas. D’o๠ le  projet intitulé The other Nefertiti.

« Le musée de Berlin monopolise le buste et poursuit ainsi une pratique impériale, au lieu de permettre un accès ouvert à  Nefertiti, en particulier pour les Egyptiens », a déclaré Nelles au journal Times.

Pour protester contre cette situation, les artistes Nora Al-Badri  et Jan Nikolai Nelles  ont clandestinement scanné le buste et mis à  disposition les fichiers qui permettent d’en réaliser une copie en impression 3D.

Pour scanner le buste de Néfertiti, les artistes ont utilisé une caméra kinect 360, le  capteur de mouvements ultra précis développé par Microsoft pour ses consoles de jeu. Dissimulé sous une écharpe, l’appareil a permis de réaliser des prises de vue sous tous les angles du buste, dont le musée interdit la moindre photographie. Ce scan  a eu lieu en octobre 2015, durant 5 à  6 heures.  « Le public du musée était  tellement concentré sur le buste … que personne n’a remarqué ou réalisé ce que nous faisions là « , a déclaré Al-Badri au site news.artnet.com.

La vidéo ci-dessous  montre la manière dont ce scan a pà» être réalisé:

museumshack from jnn on Vimeo.

Les données communiquées pendant un congrès de hackers

Trois mois plus tard, lors d’un congrès du Chaos Computer Club, le plus grand rassemblement de hackers d’Europe, le duo a  divulgué le résultat de leur travail. Le jeu de données 3D  a été mis en ligne et rendu téléchargeable gratuitement pour permettre voire favoriser l’impression  en 3D une réplique du buste.

Quelques jours après, une centaine de téléchargements étaient déjà  dénombrés et les artistes ont reçu des sollicitations de la part d’universités et même d’entreprises souhaitant commercialiser la réplique du buste.

Scan à  360 ° du buste:

Début mars 2016,  les autorités des musées allemands ont réagi publiquement pour la première fois.  Birgit Jà¶bstl, un porte-parole de la Fondation du patrimoine culturel, qui supervise le système de musée national en Allemagne, a mis en doute la qualité et l’authenticité de l’analyse, en affirmant  dans un communiqué  que « le musée avait remarqué l’intervention artistique sur le buste de  Nefertiti, mais ne voit pas la nécessité de réagir.  Des mesures juridiques ne sont pas actuellement étudiées d’autant plus que le scan  semble être de qualité mineure. Une comparaison détaillée avec les données 3D  du musée n’a pas encore été faite.« 

A ce jour, « aucun musée égyptien n’a souhaité montrer la pièce en 3D », a déclaré Al-Badri. En attendant,  le duo prévoit de présenter une impression 3D à  l’Université américaine du Caire en mai 2016.

Al-Badri a également révélé qu’ils  « ont enterré une impression 3D du buste dans le désert, comme un contre-acte poétique à  l’excavation ». Ils ne vont pas en révéler l’emplacement.

(c) Jan Nikolai Nelles
(c) Jan Nikolai Nelles

Quel statut pour les répliques 3D d’oeuvres d’art ?

Le scan et la libre impressioçn 3D d’oeuvres d’art rendus de plus en plus facile par la démocratisatioà n des imprimantes commencent à  susciter des problèmes juridiques. En janvier 2015,  l’Université de  Sioux Falls, Dakota du Sud, a obtenu que le fichier d’un scan téléchargeable de leur copie du Moise de Michel-Ange soit  retiré de la plateforme d’impression 3D    Thingiverse, alors même que l’oeuvre se trouve  dans le domaine public. En juin 2014, le  fichier de la modélisation du  jeu d’échecs  de  Marcel Duchamp a été rétiré de la même plateforme  à  la demande  de la succession de l’artiste. (explications très précises de l’affaires sur le site Kildall.com).

« En ce moment , il y a un  boom de la numérisation 3D pour reproduire le patrimoine culturel », a déclaré au NY Times  Morehshin Allahyari, un artiste d’origine iranienne qui utilise les technologies de numérisation pour recréer des objets détruits par ISIS. « Mais peu de gens savent réellement à   qui apartiennent ces images. »

Sans règler ces questions juridiques, certaines institutions muséales ont adopté une approche relativement ouverte à  l’égard de la technologie 3D. L’Art Institute de Chicago et le Met encouragent ainsi les visiteurs à  scaner  les objets de  leurs collections. Le British Museum a même organisé un « scanathon » pour lequel on a demandé à  des geeks d’utiliser des dispositifs de balayage sur  smartphones pour créer une archive numérique de certaines oeuvres. Le même musée propose désormais des fichiers 3D de certaines de ses statues pour un téléchargement gratuit en vue d’une impression. (Lire l’article du CLIC France  Le public peut maintenant imprimer chez lui en 3D et gratuitement des oeuvres de la collection du British Museum). Sur la plateforme Sketchfab, la RMN propose également plus de 100 modélisations 3D téléchargeables dans le cadre du projet France Collections.

Le Neues Museum a produit ses propres scan 3D  de haute qualité à  des fins de conservation, de reproduction et de recherche sans rendre les données accessibles au public.  La Fondation du patrimoine culturel prussien a déclaré au NY Times qu’elle « n’a pas encore décidé de sa  politique sur la numérisation ». L’ année dernière, la fondation a produit une édition limitée de 100 reproductions 3D du buste de Néfertiti qui ont été  vendues au prix de 8.900 euros.

SOURCES:  nefertitihack.alloversky.com,  news.artnet.com,  nytimes.com

Date de première publication: 5/03/2016

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