G.Maréchal et A.Delbono: “Avec ce livre, il était indispensable de montrer que le crowdfunding ne s’improvise pas mais s’anticipe”

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Temps de lecture : 7 min

Anaïs Del Bono et  Guillaume Maréchal, deux professionnels du mécénat ayant notamment travaillé au musée Guimet et au musée d’Orsay, ont publié le 1er avril 2016 le premier livre dédié au financement participatif culturel. Un guide pratique indispensable pour les porteurs de projets culturels. Conçu comme un livre collaboratif, il est enrichi des témoignages de quinze experts œuvrant dans le domaine du crowdfunding, du mécénat, du management culturel et de la communication. Le CLIC France a pu poser quelques questions aux deux co-auteurs.

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MISE A JOUR: Le 2 mai 2016, le livre atteignait les 1 300 téléchargements

Anais guillaume

Pourquoi avez-vous décidé d’écrire un livre sur le financement participatif ? D’ou vient votre collaboration ?

 Nous nous sommes rencontrés à l’époque où nous occupions respectivement la fonction de responsable mécénat au sein du musée national des arts asiatiques Guimet pour Anaïs et du musée d’Orsay et de l’Orangerie pour Guillaume. Très vite, nous avons échangé sur les enjeux du mécénat culturel afin d’être créatifs et de trouver des solutions concrètes aux questionnements que nous avions dans notre pratique. De ces échanges est née une belle amitié professionnelle.

Nous partageons également une passion pour le digital et le financement participatif. A ce titre, nous avons chacun mené une opération de crowdfunding. Anaïs a lancé la première campagne de financement participatif de l’établissement pour la restauration d’un moulage du temple d’Angkor Vat présenté lors de l’exposition « Angkor, la naissance d’un mythe, Louis Delaporte et le Cambodge ». Guillaume a mené la première campagne de financement participatif du musée d’Orsay pour la restauration de l’Atelier du peintre de Gustave Courbet.

Lire les articles du CLIC:

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Le musée d’Orsay lance une souscription populaire pour restaurer « L’Atelier » de Courbet

Aux vues des nombreuses sollicitations que nous avons reçues de la part de porteurs de projet qui souhaitaient à leur tour se lancer, nous avons eu l’idée de mettre par écrit ces échanges et réflexions et d’en faire bénéficier la communauté.

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A qui s’adresse principalement ce livre ?

A l’ère de l’individualisme supposée, la philanthropie voit émerger une nouvelle forme de mécénat individuel reposant sur le collectif. Le crowdfunding a ses dynamiques propres et s’il peut être une formidable aventure pour tout porteur de projet culturel, monter une opération ne s’improvise pas et c’est l’objet de notre livre. Il s’adresse en premier lieu à nos homologues. Lors de nos expériences respectives, nous aurions aimé bénéficier de conseils, de retour d’expériences, de mises en relation ou bien encore d’éclairages juridiques. Ce livre est un peu celui que nous aurions aimé pouvoir lire à l’époque !

Ce guide pratique est également destiné aux représentants des institutions culturelles au sens large du terme. Avoir recours aux financements privés et mobiliser sa communauté de donateurs potentiels est source d’intérêt pour toute structure culturelle qui souhaite diversifier ses financements. La réflexion que suscite le lancement de telles campagnes est un vrai cercle vertueux car il place l’humain au cœur du dispositif. Enfin, il s’adresse à tous les amateurs, étudiants, professionnels qui souhaitent mieux comprendre les mécanismes que sous-tendent ces opérations.

Quelles sont les principales thématiques évoquées ?

1Nous nous sommes appuyés sur les fondamentaux du marketing appliqués au domaine culturel avec le modèle des 4P. Quitte à se répéter, il était indispensable de montrer que le crowdfunding ne s’improvise pas mais s’anticipe. Nous avons choisi dix étapes clés pour aborder une campagne de crowdfunding : identification d’un projet, constitution de son équipe, compréhension de sa communauté, élaboration des contreparties offertes, choix de la plateforme ou encore actions de communication spécifiques. 

Chaque chapitre est enrichi d’exemples de campagnes, d’outils opérationnels créés pour aider à la prise de décision, de conseils et de points clés juridiques. Par exemple, le premier thème est le choix du bon projet réunissant un certains nombres d’attributs indispensables : le projet charismatique. Pour cela, nous avons bâti une matrice aidant à la prise de décision. Nous avons attaché une importance toute particulière à la phase d’après-collecte, essentielle dans une réflexion plus globale sur sa stratégie de mécénat individuel.

Pourquoi avez-vous choisi une publication gratuite et numérique ?

Nous avons œuvré tous deux dans le domaine culturel pendant plusieurs années et avons pu bénéficier des conseils et échanges de notre communauté de professionnels. Dans cet esprit de solidarité et de partage qui anime ce secteur, il nous a semblé naturel de le rendre accessible au plus grand nombre en optant pour le format numérique et gratuit. De plus, ce guide a été pensé comme un projet collaboratif puisqu’il réunit quinze experts qui ont accepté de partager leur expérience.

Le recours à un format numérique a permis de faciliter sa diffusion sur différents supports (tablette, liseuse, smartphone ou ordinateur). Cet état d’esprit est en phase avec l’esprit du financement participatif culturel. Il permet de transformer le livre en un véritable outil personnel avec la possibilité de le personnaliser et d’inscrire ses propres commentaires, d’insérer des marque-pages…

Enfin, le format numérique offre une véritable souplesse. En fonction des retours des lecteurs et des nouvelles collectes, nous nous laissons la possibilité de pouvoir l’actualiser.

Pourquoi avez-vous choisi d’associer à la rédaction de cet ouvrage des experts ?

Le financement participatif relevant de l’économie du partage, il nous semblait primordial de le rendre le plus collaboratif possible, raison pour laquelle nous avons choisi d’associer quinze experts. Il nous semblait important d’associer les acteurs de ce nouveau type de financement pour que le lecteur ait une vision globale.

La préface est constituée de regards croisés d’institutions de référence, à savoir : l’Admical, l’Association Française des Fundraisers, l’association Financement Participatif France, le ministère de la Culture et de la Communication. Ils questionnent respectivement la place des entreprises au sein de ce nouveau dispositif, son impact sur le métier du fundraiser, la pérennité et durabilité du modèle ou encore l’émergence du citoyen culturel acteur de son patrimoine.  

Les dix chapitres accordent une place importante aux interviews, sous un format volontairement dynamique « trois questions à ». Par exemple, pour celui traitant de la stratégie de communication, nous avons donné cet espace d’expression à Marco de la Fuente, Associé de l’agence de communication ici Barbès, qui a réalisé un mécénat de compétences pour la collecte du musée d’Orsay.

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Quels sont selon vous les facteurs de succès d’une campagne de crowdfunding culturel ? 

Ils sont bien trop nombreux pour les résumer ici. Il faut lire le livre ! Nous sommes néanmoins convaincus de l’importance de la préparation en amont et du rôle central de l’humain. Une collecte est par essence organique. Elle a son propre rythme, néanmoins elle est séquencée en plusieurs temps de vie : la phase d’analyse et de mise en place, le lancement, la phase à proprement parler de collecte et celle de l’après-campagne. L’ensemble de ces actions peuvent être anticipées grâce à une équipe projet constituée spécialement en fonction de ses ressources. Cela permettra de gérer la durée et d’optimiser le montant de sa collecte.

Un deuxième facteur clé de succès que nous pourrions citer : l’identification du bon projet, celui qui aura suffisamment de charisme pour susciter l’émotion, mobiliser sa communauté, déclencher le don. Le donateur est en quête de sens et de signification. Lui expliquer concrètement à quoi servira sa contribution et pouvoir lui donner des informations précises est essentiel.

Le crowdfunding culturel est-il réservé aux grandes institutions culturelles ?

NON. L’essence même du crowdfunding est son accessibilité. Il n’y a pas de droit d’entrée en quelque sorte : tout le monde peut être mécène à partir d’un euro. C’est la même chose pour le porteur de projet. Avec peu de moyens, on peut faire beaucoupAvoir la bonne idée, être généreux et à l’écoute n’est pas une question de taille d’institution.

Néanmoins il est vrai que l’on parle dans les médias plus souvent des appels à générosité des grandes institutions car celles-ci sont plus ancrées dans le paysage médiatique. La somme collectée est aussi une gageure de publicisation. 5 000 euros pour un petit porteur de projet est une somme très importante, elle équivaut proportionnellement aux 30 000 euros d’un organisme de taille moyenne et aux 50 000 d’une grande institution. Tout dépend de la taille de la communauté à qui on s’adresse.

Visuel Campagne

Comment expliquez-vous le succès du crowdfunding culturel en France ?

Lire l’article du CLIC: Crowdfunding 2015 dans les lieux de patrimoine français: 46 campagnes réussies pour une collecte globale de 540 893€

La quête de sens en ces temps troublés est évidemment une des premières réponses auxquelles on pense. Contribuer au bien commun qu’est le patrimoine culturel et permettre de le sauvegarder pour les générations futures est un acte fort. Celui-ci s’inscrit dans une mouvance plus générale de la société en attente de plus de transparence et de dialogue. Ce n’est plus une institution qui s’adresse de manière unilatérale à son public mais une conversation qui va s’instaurer notamment grâce aux réseaux sociaux.

Le financement participatif redonne aux contributeurs et plus globalement aux citoyens, du pouvoir. Cette notion est encore appelée dans les pays anglo-saxons l’empowerment. Il s’inscrit dans les valeurs de l’économie et de la consommation collaborative qui transforment le consommateur en consomm’Acteur, voire en don’Acteur. Cette économie est celle du partage et de l’accessibilité pour tous. Le crowdfunding place le lien social et la solidarité au cœur du dispositif. Les pays anglo-saxons ont inventé le terme de « love money », ce qu’exprime bien la terminologie utilisée au Québec de sociofinancement.

Téléchargement du livre

Date de première publication: 22/04/2016

Date de mise à jour: 02/05/2016

Interview réalisée par mail le 13/04/2016

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