Du 19 au 22 avril 2017 s’est tenue la conférence annuelle Museums and the Web 2017, à Cleveland (USA). Les entreprises Mazedia et la plateforme Wezit étaient présentes à cette manifestation internationale. Voici leur point de vue sur l’un des sujets majeurs de la conférence: l’immersion.
Museums and the Web 2017 a démarré avec sa traditionnelle séance plénière passionnante. Après celle-ci, les équipes de Mazedia et Wezit ont assisté à la session intitulée « Qu’est-ce qu’une expérience de visite immersive ? ».
Trois professionnels sont intervenus : Megan DiRienzo (Detroit Institute of Art), Scott Gillam (Musée canadien pour les droits de la personne) et Jane Alexander (Cleveland Museum of Art), accompagnée de Lori Wienke (CMA) et de Phillip Tiongson (de la société Potion). Voici quelques propos recueillis et quelques idées à partager …
Première intervention : Megan DiRienzo, Detroit Institute of Art
La première intervention opérait particulièrement bien la jonction avec la séance plénière. En effet, il y était question de la façon dont tout professionnel de musée projette une représentation de celles et ceux à qui il s’adresse lors de la conception d’une exposition. Comme dirait Jean Davallon, nous avons tous notre « Visiteur-modèle » en tête. Et ce visiteur-modèle, nous dit DiRienzo, est souvent une projection de nous-mêmes et de nos propres attentes ou envies.
La présentation de DiRienzo s’est focalisée sur une étude de cas à propos d’une exposition qui a eu lieu au Detroit Institute of Art à propos de la danse aux Etats-Unis entre les années 1930 et 1960. Un travail d’évaluation particulièrement poussé a été financé par le National Endowment for the Arts (NEA) afin de comprendre comment les visiteurs avaient appréhendé une exposition qui se voulait « immersive ».
En effet, plusieurs vidéos grand format étaient projetées dans l’espace d’exposition (une projection par salle). Dans ces vidéos, des danseurs effectuent des chorégraphies qui font directement écho à une œuvre présente dans la salle. Il peut s’agir de la reproduction d’un mouvement capté ou suggéré par l’œuvre ou de la mise en contexte d’une danse particulière.
La principale question que se posaient les commanditaires de l’étude (450 questionnaires, 250 observations et 80 entretiens en groupe) était de savoir si les vidéos projetées dans l’espace gênaient ou non les visiteurs dans leur découverte des œuvres présentes dans l’espace. La réponse était claire et a donné son titre à l’intervention de DiRienzo : « Non, ça ne détourne pas les gens de l’art » (No, it doesn’t distract from the art).
En effet, de nombreux visiteurs ont clairement indiqué que la coprésence des œuvres et des vidéos constituait un réel avantage et proposait de réelles clés de lecture des œuvres. De même, la taille des vidéos convenait aux visiteurs (des danseurs et danseuses à échelle humaine) et renforçait un sentiment d’immersion. Les seuls avis négatifs communiqués portaient sur le design sonore et sur le chevauchement de pistes audio d’une pièce à l’autre qui pouvait gêner la découverte des œuvres.
L’article (en anglais) de DiRienzo est accessible ici.
Deuxième intervention : Scott Gillam, Musée canadien pour les droits de la personne
La deuxième intervention, celle de Scott Gillam, portait sur l’adoption de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée au Musée canadien pour les droits de la personne.
Ouvert en 2014, ce « musée d’idées » comme dit Scott Gillam, a eu particulièrement recours au multimédia et à l’audiovisuel pour développer et promouvoir le message qu’il porte et cela, dans une démarche de « design expérientiel ». Ainsi, le parcours de visite est jalonné par une série de projections, de tables tactiles, de bornes interactives, de douches sonores, etc. De même, les visiteurs peuvent télécharger une application mobile qui offre une autre strate, un autre registre, une autre « couche » (layer) de médiation.
Pour décrire la cohabitation et la complémentarité entre ces différents supports de médiation qui accompagnent le visiteur dans la découverte du musée et de ses messages, Scott Gillam parle, comme nous le faisons à Mazedia et à Wezit, de transmedia storytelling.
La présentation de Scott Gillam portait plus précisément sur la façon dont une expérience en réalité virtuelle venait s’insérer dans cette panoplie très complète de supports de médiation.
Une première expérience avec la réalité virtuelle avait été menée par l’équipe du musée dans le cadre d’un hackathon que le musée organise chaque année depuis son ouverture. Lors de cet événement, une équipe avait exploré les possibilités ouvertes par cette technique. Persuadés qu’il y avait quelque chose à faire avec cette technologie et que cela permettait aux visiteurs de vivre une expérience riche, l’équipe a décidé de produire un documentaire en réalité virtuelle.
Avec l’aide de l’Office national du Film du Canada, une équipe de vidéastes du musée s’est rendue au Guatemala afin de filmer un groupe de femmes travaillant le tissu de manière artisanale et traditionnelle. Les vidéastes sont restés plusieurs mois auprès de ces femmes afin de filmer leur travail et la façon dont la cohabitation de plusieurs générations de femmes dans le même atelier créait une expérience particulière.
Dans l’espace du musée, cela s’est traduit par la mise à disposition de casques en réalité virtuelle (des casques Samsung Gear VR) dans un espace dédié. Pour les personnes qui ne voulaient pas découvrir ce documentaire par le biais de la réalité virtuelle, des écrans étaient à leur disposition pour découvrir le film en 2D. Pour les autres visiteurs, des fauteuils étaient mis à leur disposition afin de regarder le film avec leur casque.
Deux casques étaient mis face à face, d’un côté et de l’autre d’une table afin de favoriser un échange entre visiteurs suite au visionnage du film. Les visiteurs pouvaient ainsi partager leur ressenti : comment ils avaient eu l’impression « d’y être », comment cette expérience avait favorisé un sentiment d’empathie, etc.
De plus, la mise à disposition de ce documentaire en réalité virtuelle sur les stores d’Apple et de Google constituait un point d’entrée particulièrement intéressant dans l’univers du musée et dans l’expérience qu’il propose.
Après avoir présenté cette expérience en réalité virtuelle, Scott Gillam a également présenté une deuxième expérience, autour de la réalité augmentée, cette fois.
Il s’agissait, dans une vitrine d’une des salles du musée, de se servir de la réalité augmentée sur une tablette pour ouvrir, à partir d’une œuvre particulière, sur l’œuvre plus large d’un artiste. Le module de réalité augmentée reconnaissait l’œuvre en question (un tissu brodé représentant un paysage) et proposait aux visiteurs de découvrir d’autres œuvres du même artiste, dans le même cadre que celui du tissu. En réalité augmentée, deux flèches apparaissent d’un côté comme de l’autre du tissu, permettant ainsi au visiteur de passer d’une œuvre à l’autre très facilement. De plus, des points d’intérêt étaient présents sur chaque œuvre.
Ce qui est particulièrement intéressant avec cette expérience en réalité augmentée est la façon dont les équipes du musée ont voulu que celle-ci soit accessible au plus grand nombre de visiteurs. Ce souci les a conduits à imprimer un nombre important de cartes postales représentant cette œuvre (ou d’autres). Ainsi, les visiteurs peuvent prendre cette carte postale et l’emmener avec eux. En téléchargeant l’application, l’expérience peut être reproduite partout : chez soi ou à l’école, par exemple. De même, l’image est téléchargeable sur le site web du musée afin que n’importe qui muni de l’image et de l’application puisse avoir la même expérience que sur site.
Pour lire l’article rédigé par Scott Gillam, cliquez ici.
Troisième intervention, Jane Alexander, Cleveland Museum of Art:
Enfin, la session à propos des expériences de visite immersives s’est clôturée avec la présentation de Gallery One, le célèbre projet du Cleveland Museum of Art.
Cette présentation à trois (Jane Alexander, Lori Wienke et Phillip Tiongson) portait sur la reconfiguration de l’espace de Gallery One après quatre années d’ouverture au public (première semestre 2013).
Conçue comme une preuve de concept, Gallery One était un espace dédié à l’expérimentation du rapport entre œuvres d’art et médias numériques. Plusieurs tables tactiles permettaient, notamment, de reproduire des mouvements de statues ou encore, de parcourir les collections numérisées grâce à un module de reconnaissance faciale : un sourire de votre part faisait remonter une œuvre dont le personnage sourit lui aussi.
La nécessité de reconfigurer cet espace expérimental est apparue lorsque les différentes études de public ont montré que ces derniers ne faisaient pas le lien entre ce qui était présenté sur les tables tactiles et les œuvres auxquelles ces tables faisaient référence. Comme le disait Phillip Tiongson, la version 1 de Gallery One était « une galerie numérique avec de l’art à l’intérieur » tandis que la version 2 souhaite être « une galerie d’art avec du numérique à l’intérieur ».
La décision, assez radicale, a été de supprimer tous les écrans de Gallery One afin de les remplacer par une série de projections combinées à de la reconnaissance de formes et de gestes. Plusieurs principes sont systématiquement respectés : il faut que ce soit multi-joueurs, que ça mobilise l’ensemble du corps des visiteurs, qu’il y ait une synchronisation en temps réel entre ce qui est consulté dans le cadre des jeux et ce qui est mis en mémoire sur l’application mobile et que le tout soit éditable à 100%.
Ainsi, la nouvelle version de Gallery One, nommé ArtLens Exhibition, qui ouvre en juin prochain, proposera un espace totalement repensé pour une nouvelle expérience qui demande aux visiteurs de s’investir autant intellectuellement que corporellement.
L’espace comptera 16 jeux qui sont autant de façons de découvrir les œuvres autour desquelles ils sont pensés. A ce titre, la médiation a elle-même été totalement repensée pour qu’elle éclaire systématiquement quatre thématiques, présentes dans toutes les œuvres : l’intention (ce que l’auteur de l’œuvre a voulu faire, dire, faire comprendre), les symboles (ce que l’œuvre représente), la composition (la façon dont l’œuvre est structurée) et les gestes et émotions (comment l’auteur de l’œuvre s’y est pris pour représenter et capter les gestes et émotions, que ce soit figuratif ou non).
Grâce à leur smartphone et à l’application ArtLens, les joueurs pourront sauvegarder ce qu’ils ont fait au cours d’une session de jeu afin de partir à la découverte des espaces du musée (qui sont, pour leur part, exempts de tout écran).
Pour les concepteurs de la deuxième version de Gallery One, l’immersion découle de la combinaison de trois facteurs : des projections grandeur nature sur les parois de l’espace d’exposition introductif, l’engagement corporel des visiteurs par une série de jeu qui font un lien direct avec les œuvres d’art et la personnalisation des parcours grâce à l’application mobile.
Pour une lecture détaillée du projet, cliquez ici.
Auteur: équipe de Mazedia et Wezit
Le CLIC France donne la parole à sa communauté. L’opinion exprimée dans cet article n’engage que ses auteurs.
Sources: Museums and the web, Wezit
Mise en ligne le 18/05/17
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