Durant son règne (1350-1334 avant notre ère), le pharaon Akhenaton a bâti une nouvelle capitale, Amarna, selon des techniques architecturales inédites. Le laboratoire Archéovision, qui a modélisé la cité en 3D, expose ses travaux jusqu’au 29 avril au Conseil régional d’Aquitaine, à Bordeaux. Pour aider à l’achèvement du projet de reconstitution architecturale, ses initiateurs lancent un appel à contribution du public.
Mystique selon certains, rusé politique pour les autres, le pharaon Amenhotep IV, aussi appelé Akhenaton, a bouleversé profondément l’Égypte du Nouvel Empire durant son règne (1350-1334 avant notre ère) : non content de provoquer un véritable séisme religieux en imposant le culte unique du disque solaire, Aton, contre la pluralité de divinités habituellement adorées par les pharaons précédents, il a initié une véritable révolution architecturale et artistique.
“Puisque le disque solaire, Aton, devenait le seul dieu avec lequel dialoguer, on a décidé de construire des temples sans toit et baignés par les “divins” rayons”, explique Robert Vergnieux, commissaire de l’exposition “Akhenaton” qui se tient du 4 au 29 avril 2016 dans le hall du conseil régional d’Aquitaine, à Bordeaux et ancien directeur du laboratoire Archéovision.
Comme l’explique le site web du CNRS: “Les murs ne devant plus supporter de lourdes dalles de toit de dix à vingt tonnes, une nouvelle norme architecturale s’est imposée : au lieu des gros blocs de pierre utilisés jusqu’alors dans la construction des temples et des édifices royaux, les murs étaient montés à l’aide de briques de pierre de taille standard – les talatat – qui présentaient l’avantage de pouvoir être rapidement assemblées. Cette technique a d’abord été testée à Karnak, le complexe religieux situé au nord de Thèbes, avant d’être déployée à grande échelle dans la nouvelle capitale construite par Akhenaton : Amarna. Problème pour les spécialistes : il ne reste rien des édifices construits à Karnak et à Amarna…”
“Dès sa mort, les autres clergés, le clergé d’Amon notamment, qui était très puissant avant Akhenaton, n’ont eu de cesse d’effacer toute trace de son règne”, raconte Robert Vergnieux.
Amarna, sa capitale, a été entièrement rasée, les tombeaux royaux, détruits, et une grande partie des briques en calcaire ont été utilisées pour fabriquer de la chaux… À Karnak, les blocs de grès ont subsisté, mais ils ont été réutilisés dans des constructions ultérieures, notamment dans les fondations de pylônes.
Extrait du film sur Amarna diffusé dans l’exposition (3 min44):
Extrait du film sur Amarna (diffusé dans l’exposition Aton-Num) from Archéovision – Archéotransfert on Vimeo.
Les scientifiques d’Archéovision se sont donc livrés à la reconstitution d’un véritable puzzle pour imaginer la physionomie des temples, palais et maisons de dignitaires sous le règne d’Akhenaton. L’équipe disposait d’une base documentaire, mais très hétérogène : si Amarna a été détruite, les stèles qui bordaient la ville et décrivaient son organisation spatiale ont été retrouvées, et toutes les fondations des édifices subsistent, sans compter les scènes décorant les tombes des particuliers… À Karnak, ce sont près de 12 000 talatat portant des fragments de décor sur une face qui ont été retrouvées, permettant de reconstituer des centaines de fragments de scènes représentées sur les murs des temples.
“Sous Akhenaton, l’iconographie des temples a été profondément modifiée, explique Robert Vergnieux. Jusqu’alors, on y trouvait essentiellement des scènes représentant pharaon face à la divinité, à divers moments du culte. Avec le culte d’Aton, le disque solaire, Pharaon s’est progressivement confondu avec cette divinité unique et ce sont des scènes représentant la vie quotidienne de Pharaon que l’on s’est mis à représenter sur les murs.”
Une source précieuse d’information pour le laboratoire Archéovision: les ingénieurs ont pu y retrouver des édifices, des temples…, qui fournissent des renseignements sur la physionomie des dits bâtiments.
“Pour chaque bâtiment, plusieurs versions ont été proposées et soumises aux égyptologues partenaires du projet », raconte Loïc Espinasse, ingénieur 3D à Archéovision.
Archéovision (UMS SHS 3D) est une Unité Mixte de Service (CNRS / université Bordeaux Montaigne / Université Bordeaux). Archéotransfert est une cellule de transfert adossée au laboratoire CNRS Archéovision. Fonctionnant en synergie, Archéovision et Archéotransfert développent de nouveaux outils graphiques et de nouvelles méthodologies au service de l’archéologie et du patrimoine, notamment en matière de modélisation 3D ou de numérisation 3D. L’équipe a été pionnière, dès 1993, dans le domaine de la modélisation 3D des monuments antiques (Karnak (Égypte), Delphes (Grèce), El Jem (Égypte), Circus Maximus (Italie), etc). Depuis, Archeovision a participé à des centaines de projets, recherche ou valorisation, cherchant à préserver un équilibre entre des opérations internationales et la volonté d’une forte implantation régionale. Le laboratoire Archéovision est dirigé depuis fin 2015 par Jean-François Bernard.
Appel à contribution publique
Le projet est cependant loin d’être terminé: il reste encore une dizaine de milliers de talatat, retrouvées dans les fondations du 9e pylône de Karnak, à assembler afin de reconstituer de nouvelles scènes décoratives.
Pour finaliser la reconstitution, Archéovision vient de lancer un vaste projet de crowdsourcing faisant appel à la bonne volonté du public. Les amateurs d’archéologie, d’égypte et de puzzle de puzzle pourront aider à déchiffrer les relevés effectués à la main par les archéologues ayant recensé les milliers de talatat à Karnak dans les années 1970 et 1980, et taper ces chiffres dans une immense base de données. Ces données de dispersion, qui indiquent à quel endroit précis chaque talatat a été retrouvée, pourraient permettre d’affiner la modélisation et pourrait également réserver de nouvelles surprises aux archéologues.
Le visiteur plonge au cœur d’une révolution politico-religieuse
Les visiteurs de l’exposition Aton Num, vont pouvoir se replonger dans l’Egypte d’il y a près de 3 300 ans, lorsque le pharaon Amenhotep IV – Akhenaton a conduit cette réforme religieuse (mise en place d’un culte original dédié au dieu solaire Aton) qui bouleversa l’organisation politique de la société égyptienne et imposé une révolution architecturale qui engendra un urbanisme novateur.
Bande annonce de l’exposition:
Exposition Aton-num (Bande-Annonce) from Archéovision – Archéotransfert on Vimeo.
Dans cette exposition, plusieurs projections sur grands écrans font découvrir les édifices pharaoniques d’hier restitués aujourd’hui par les scientifiques. Des images d’animation montrent le couple royal se prosternant sous les rayons du soleil. Des panneaux en forme de stèles et cartouches égyptiens détaillent les points clefs de cette révolution religieuse.
L’ exposition est réalisée à partir de résultats des recherches menées dans le cadre de l’équipe Archeovision et de différents partenariats (Immersion, Archéotransfert etc..).
Exposition du 4 au 29 avril 2016 dans le hall du conseil régional d’Aquitaine, à Bordeaux.
Hôtel de Région
14 rue François de Sourdis
33077 Bordeaux
Entrée libre. Du lundi au vendredi de 9h à 18h.
Visites commentées gratuites sur réservation : tous les jours de visite à 10h, 14h et 16h.
Les site web www.aton-num.fr fournit de nombreuses informations (textes, photos et vidéos) sur le programme de recherche, l’exposition et le projet de crowdsourcing.
Article détaillés sur le programme de recherche sur les sites web Journal du CNRS et Aquitaine Culture Connectée.
SOURCES: Archeovision, CNRS,
Date de première publication: 08/04/2016
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