Expériences immersives: le collectif japonais teamLab poursuit un centre d’art sino-américain pour avoir “copié ses œuvres”

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TeamLab, un collectif artistique basé à Tokyo, poursuit le Museum of Dream Space (MODS) de Los Angeles pour violation du droit d’auteur de deux de ses expositions passées. Dans le procès, qui dure depuis deux ans, TeamLab a accusé MODS d’avoir copié de près leur expérience de 2015 “Crystal Universe” et celle de 2017, “Boundaries”, présentée pour la première fois à Pace Londres le 1er mars 2017.

Lancé par un groupe de cinq amis en 2001, le collectif d’art teamLab basé à Tokyo, compte aujourd’hui plus de 500 artistes, programmeurs, animateurs, mathématiciens et architectes. Il s’est fait un nom pour ses expériences immersives et interactives diffusées dans le monde entier et pour son “musée d’art numérique”, ouvert à Tokyo en 2018 et qui a attiré plus de 2.3 millions de visiteurs la première année.

teamLab fait aujourd’hui figure de champion de l’art immersif avec ses immenses installations lumineuses dans lesquelles les visiteurs se promènent et qui réagissent à leur mouvement.

Le collectif entend aujourd’hui défendre ses créations et leur propriété intellectuelle, largement “copiée” par de nombreux producteur et lieux à travers la planète.

Les œuvres immersives de teamLab ont été incluses dans les collections permanentes de plusieurs galeries et musées du monde, dont le Museum of Contemporary Art (MOCA) de Los Angeles.

Et c’est dans la même ville américaine que teamLab a accusé un autre lieu culturel de Los Angeles, le Museum of Dream Space (MODS) d’avoir violé ses droits d’auteur. (ARTICLE CLIC: Après Hollywood, le Museum of Dream Space MODS arrive à Las Vegas, au sein du casino Venetian)

  • Une bataille discrète de 2 années 
La bataille juridique menée discrètement par teamLab remonte à deux ans lorsque le groupe japonais a été informé des créations de MODS, entreprise culturelle fondée par la filiale américaine d’une société technologique pékinoise appelée Dahooo qui produit également des spectacles de lumière et des installations pour les centres commerciaux.

teamLab considère que deux œuvres ont été copiées très fidèlement par MODS: “Trancending Boundaries” de 2017 et “Crystal Universe” de 2015.

  • Peut-on protéger une installation immersive ? 

Le collectif japonais a fait valoir que le MODS avait copié “l’utilisation de fleurs multicolores coulant sur le sol, les flux de lumière/d’eau tombant en cascade sur le mur et sur le sol, et l’interactivité de l’œuvre répondant à la proximité de l’utilisateur avec l’exposition”.  Et le plaignant juge également que “les deux œuvres contiennent également des illustrations flanquant de chaque côté de la cascade donnant l’apparence de l’espace ou des étoiles”.

Dans de nouveaux documents déposés à la mi-avril et révélés par le site ArtNews le 27 avril 2022, MODS a fait valoir que TeamLab n’avait aucun motif de poursuivre aux États-Unis, car le musée n’a aucun enregistrement de droit d’auteur dans le pays. MODS a en outre insisté sur le fait que si le collectif d’art japonais avait enregistré son droit d’auteur aux États-Unis, les éléments prétendument copiés sont “soit non originaux pour teamLab, soit non protégeables, soit les deux”.

Le MODS a également soulevé la question de savoir si une œuvre d’art en constante évolution peut être protégée par le droit d’auteur. Le musée de Los Angeles a ainsi fait valoir que l’installation immersive “Boundaries” a “un aspect interactif important qui change l’œuvre chaque fois qu’un spectateur la parcourt”, ce qui la rend “en constante transformation”, ce qui la rend difficilement protégeable.

En dehors du caractère unique et donc protégeable de ses créations, TeamLab affirme également que la société japonaise a le droit de poursuivre aux États-Unis parce que le Japon et les États-Unis sont parties à la même convention internationale qui protège le droit d’auteur des œuvres d’art.

Mohammad Khan, avocat du cabinet d’avocats en propriété intellectuelle Briffa, a expliqué à Euronews qu’il y a encore des difficultés à essayer de protéger les œuvres d’art immersives. Il a expliqué que pour qu’une contrefaçon se produise, la partie contrevenante doit “avoir eu l’occasion de copier et doit avoir copié la totalité ou une partie substantielle de l’œuvre”.

Comme le MODS le met en avant pour sa défense, la protection du droit d’auteur vise l’expression d’une idée et non l’idée elle-même”, ajoute Mohammad Khan. “Étant donné que l’art immersif évolue rapidement, les artistes s’inspirent les uns des autres et les spectateurs trouveront forcément des similitudes dans certaines œuvres. Que ces similitudes soient une simple inspiration ou une violation directe est la question complexe qui est un défi pour les expériences artistiques immersives et les artistes à prouver”.

  • Une première bataille remportée par teamLab

MODS aurait perdu une première bataille judiciaire en mars 2022 pour avoir utilisé une photo d’une création de teamLab sur ses comptes sociaux.

Le centre culturel de Los Angeles a reconnu avoir publié les photos, mais a nié les avoir utilisées pour frauder ou semer la confusion dans l’esprit des clients. Le tribunal a également accepté l’affirmation de TeamLab selon laquelle les messages entre le PDG de Dahooo, Charles Chang, et les consultants en médias sociaux qui ont publié en ligne les photos du collectif d’art japonais “avaient été supprimés de manière inappropriée”.

Une nouvelle audience réunissant TeamLab et le MODS est prévue pour le 10 juin 2022. L’affaire sera jugée en août 2022 si les deux musées ne parviennent pas à trouver un accord ou si aucun jugement n’est rendu.

MODS exploite actuellement des espaces à Beverly Hills (Hollywood) et Las Vegas. En 2020, Justin Bieber a filmé le clip de sa chanson “Intentions” sur le site de LA. Mais l’équipe du chanteur a du mettre la vidéo hors ligne après avoir été contactée par les avocats de teamLab, dans le contexte du procès en cours.

L’entrée à MODS est de 32,50 $ (tarif adultes) alors que les billets pour le lieu permanent de teamLab à Tokyo coûtent un peu plus de 25 $.

En 2021, teamLab avait déjà remporté une autre bataille juridique en Chine contre une entreprise chinoise qui proposait une expérience similaire en utilisant le nom Teamlab Borderless.

Le succès grandissant de l’art immersif entraine la multiplication exponentielle des lieux et des producteurs de ce genre nouveau d’expérience culturelle. Plus que jamais la question de la protection des droits de propriété va se poser et les juristes vont devoir trouver des moyens d’encadrer la pratique et d’éviter la prolifération anarchique de créations “copycat”. Dans un tel contexte, le cas teamLab s’il aboutit favorablement pourrait faire jurisprudence.

SOURCES: ArtNews, Euronews

PHOTOS: teamLab

PHOTO du carrousel: installation immersive “Crystal Universe” de teamLab (c) teamLab

Date de première publication: 07/05/2022

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