La réplique de la grotte Cosquer et ses peintures préhistoriques vont être aménagées au sein de la villa Méditerrannée, immense bâtiment de Marseille vide depuis sa construction. A son ouverture en juin 2022, le lieu sera exploité par la société Kleber Rossillon. Les travaux d’aménagement ont démarré en juillet 2020.
En 1991, Henri Cosquer, plongeur professionnel à Cassis, dans les Bouches-du-Rhône, découvre une grotte sous-marine au cœur du Parc national des calanques, tout près du cap Morgiou. Après avoir parcouru un tunnel de 175 mètres de long, il découvre cette grotte par 37 mètres de fond, qui portera désormais son nom. En son sein, plus de 270 œuvres d’art pariétales dessinées et gravées par l’homme, de 27.000 à 9.000 avant notre ère, à une époque où la mer était plus basse d’au moins 40 mètres et distante d’environ six kilomètres.
Cette grotte abrite des animaux habituels de l’art pariétal, comme les classiques chevaux, bisons, aurochs, et autres félins. Mais on y trouve aussi de nombreuses représentations d’espèces marines, comme des phoques ou des pingouins, certains signes évoquant des méduses voire des poulpes.
Une réplique pour sauver ce trésor
Avec le réchauffement climatique, le niveau de la mer monte peu à peu dans la grotte, et efface progressivement les traces de cette vie préhistorique.
Durant l’automne 2017, quatre scientifiques ont photographié et scanné l’intérieur de la grotte et ses 500 peintures rupestres sous la supervision de la Direction régionale des affaires culturelles. Cette mémoire numérique servira de base à sa prochaine reconstitution.
La Villa Méditerranée va donc accueillir, à l’initiative du conseil régional, une réplique de cette grotte, positionnée au sous-sol de ce bâtiment qui jouxte le Mucem.
De quoi enchanter Henri Cosquer qui confie: “Je trouve ça fabuleux. Je me suis battu pendant 20 ans pour faire cette reconstitution avec un architecte, ce n’était pas facile, mais maintenant cela va être visible par M. Tout-le-monde et c’est ça qui est important. Ce qui reste de ces gens-là, c’est cet art, cette peinture, et il est important de garder une trace de leur passage.”
Une visite ambulatoire
Les visiteurs pourront découvrir les les plus remarquables dessins de cette grotte à travers un parcours ambulatoire dans un chariot de six personnes.
“Lors de ce parcours d’une grosse demi-heure, il y aura des accélérations et des ralentis devant les œuvres les plus importantes”, promet au site 20 Minutes Geneviève Rossillon, présidente de la société Kleber Rossillon. “Les visiteurs seront entourés d’eau qui reflétera les peintures. Nous avions à cœur de retranscrire cette atmosphère et cette magie, et de faire de ce lieu un lieu ludique !”
Comme le détaille Catherine Bonamy, chef de projet chez Kléber Rossillon: “le public empruntera d’abord une passerelle posée sur l’eau, dans la darse qui jouxte la Villa, pour pénétrer dans la reconstitution d’un club de plongée, avant d’emprunter un ascenseur à destination du 2e sous-sol. Les visiteurs prendront alors place dans de petits véhicules totalement silencieux, se déplaçant grâce à des rails sur un miroir d’eau, à la vitesse de seulement 5 cm/s, qui les emmèneront, sur un peu plus de 150 m, dans les entrailles de la terre dont la température sera maintenue à 17ºC. Cette immersion de 40 minutes dans la Préhistoire, leur permettra de découvrir les oeuvres les plus saisissantes de ce temple de l’art pariétal, grâce notamment à une rotation du véhicule sur 360º.
Puis le parcours déposera ses voyageurs dans l’amphithéâtre de la Villa où sera projeté un film racontant l’histoire de la découverte de la grotte. Un ascenseur les conduira ensuite dans le porte-à-faux de la Villa Méditerranée, au coeur de la baie de Marseille telle qu’elle se présentait il y a 250 siècles, avec notamment un écran 3D de 17 m montrant l’évolution du climat et la montée des eaux qui menace de submerger la véritable grotte ; une évocation, comme l’ensemble des autres informations scientifiques, validée par un comité d’experts réunissant, entre autres, d’éminents climatologues.
Outre la description des techniques picturales utilisées par les artistes de l’époque pour orner la cavité, les animaux représentés sur les parois, seront reconstitués en vraie grandeur, de même que les espèces ayant évolué jusqu’à nous et celles ayant disparu.
Comme le précise Kléber Rossillon, “l’objectif est de reproduire les sensations vécues par Henri Cosquer en pénétrant pour la première fois dans la grotte qui porte son nom“.
Dans la grotte originale, les archéologues ont relevé environ 500 dessins. Dans la réplique, seul 270 dessins seront reproduits.
Alors que l’échelle globale de la grotte ne sera pas respectée, les œuvres seront parfaitement reproduites, sans en modifier leur taille. Par contre, en raison de l’agencement de l’espace dans le sous-sol de la Villa Méditerranée, la grotte réplique sera bien plus petite. Là où la grotte originale fait 4 000m² environ, la réplique devrait être comprise entre 1 800 et 2 000m².
Le site comportera également un centre d’interprétation à l’étage, avec une partie consacrée à la préhistoire et l’art pariétal, et une autre censée sensibiliser les visiteurs à la montée des mers et au réchauffement climatique.
“Donner une utilité” à la Villa Méditerranée
Après des années d’atermoiements et de projets avortés, la villa Méditerranée, immense bâtiment tout près du Vieux-Port et du Mucem, vide ou presque depuis sa construction en 2013, va donc devenir l’écrin de la reproduction de la grotte Cosquer.
“C’est une épine dans le pied que nous avions”, reconnait le président LR de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur Renaud Muselier.
Erigée par la région Paca et inaugurée en 2013 dans le cadre du festival Marseillle Provence, la Villa Méditerranée n’a jamais trouvé de réelle vocation, s’attirant les foudres de la chambre régionale des comptes dans un rapport d’octobre 2017. La CRC avait notamment souligné « les coûts non maîtrisés » lors de la réalisation de ce bâtiment, avec un budget passé de 20 à 62 millions d’euros, ainsi que le montant « extrêmement faible » de ses recettes d’exploitation.
Lors de son arrivée à la tête du conseil régional, la majorité de droite a d’abord songé à vendre purement et simplement ce bâtiment, destiné initialement à abriter des conférences, des réunions et des expositions, avant de se tourner vers ce projet de reconstitution de la grotte Cosquer.
“La Villa Méditerranée est un outil de rayonnement international qui n’avait pas trouvé sa vocation”, estime Renaud Muselier. “Nous avons donné un sens à un outil qui ne fonctionnait pas”.
De lourds travaux d’adaptation
Le vaste bâtiment doit maintenant être transformé en un espace de reconstitution préhistorique pour lequel il n’était pas du tout destiné.
“La difficulté de ce projet était de faire rentrer la grotte dans ce bâtiment”, reconnaît l’architecte Corinne Vezzoni. “On a cherché à gommer les poteaux dans l’aménagement de la grotte pour les faire disparaître dans la roche. Toutes les galeries ont été réduites pour les faire rentrer au forceps dans le bâtiment.”
Les travaux ont démarré en juillet 2020 pour une période de deux ans et demi, menée par des entreprises spécialisées, dont le scénographe Arc-en-scène, et ayant notamment contribué à la réalisation de la Grotte Chauvet 2 – Ardèche.
Le projet est financé par la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur à hauteur de 10 millions d’euros sur les 25 prochaines années.
“9 millions pour l’investissement initial et un million à verser dans les cinq dernières années de la concession”, précise Renaud Muselier. “En revanche, la région ne subventionnera pas, en fonctionnement, l’exploitation du centre. Le coût pour le contribuable sera donc nul.”
Exploitation confiée à Kleber Rossillon
Dans le cadre d’une délégation de service public, l’exploitation du site a été confiée à la société Kleber Rossillon, qui gère déjà 11 sites en France et en Belgique, dont la réplique de la grotte Chauvet, en Ardèche.
Les investissements nécessaires à l’adaptation du bâtiment et à la réalisation de l’ensemble de l’équipement seront donc réalisés par le délégataire.
La délégation de service public est prévue pour une durée de 25 ans et le concessionnaire prévoit à terme un chiffre d’affaires annuel à vitesse de croisière de l’ordre de 8,8 millions d’euros, soit un chiffre d’affaires potentiel de plus de 200 millions d’euros, permettant de reverser à la collectivité concédante une redevance annuelle de près de 200 000€.
L’entreprise délégataire chargée de réaliser la réplique puis de l’exploiter apportera de son côté 13 millions d’euros.
Le 25 juin 2020 a marqué une date majeure du projet avec le transfert officiel de la responsabilité de la Villa Méditerranée à la société Kléber Rossillon.
La grotte en version numérique
Minutieusement collectés pendant près d’une décennie par des équipes de plongeurs spéléologues mandatés par l’État, des dizaines de gigabits constituant des nuages de points informatiques, ont permis de reconstituer petit à petit le volume de la grotte et la plupart de ses oeuvres les plus caractéristiques.
Un travail titanesque que le groupe Eiffage Construction Provence, en charge de la conception et de la réalisation de la future réplique, a confié à la PME Perspective(s), spécialisée dans les technologies 3D en temps réel, sur le technopôle de l’Arbois.
Comme le précise au site laprovence.com, Christian Dalsanto, directeur du développement d’Eiffage pour le sud-est, “la plupart des techniciens qui travaillent aujourd’hui sur la réplique de la grotte Cosquer ont signé la reconstitution de la grotte Chauvet et disposent donc d’une expérience incomparable en la matière”.
Parmi les procédés utilisés, la technique dite “du zoo” consiste à projeter du béton sur une ossature métallique, puis à réaliser les finitions (stalactites, stalagmites, etc.) avant que les artistes n’incorporent les peintures selon le principe du panneau synthétique moulé, en reproduisant les gestes de leurs ancêtres.
Ouverture en juin 2022
L’ouverture de la réplique de la grotte est annoncée pour juin 2022.
Les concepteurs du projet tablent sur une fréquentation de 800.000 visiteurs la première année, puis 500.000 les années suivantes. Ils promettent également la venue de près de 30.000 scolaires par an.
SOURCES: Kleber Rossillon, laprovence.com, 20minutes.fr, frequence-sud.fr
PHOTOS: Kleber Rossillon, Perspective(s)
Date de première publication: 09/07/2020
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