A Courtrai, le nouveau musée Abby Kortrijk associe la collection municipale et l’art contemporain

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Un musée d’un nouveau genre vient d’ouvrir à Courtrai, en Belgique. Abby Kortijk est un musée d’arts plastiques ludique accessible et hybride. La collection municipale y dialogue avec l’art contemporain, les pratiques patrimoniales dynamiques et le thème de « l’identité » dans toute sa complexité. En collaboration avec un réseau diversifié d’organisations, de créateurs et de communautés, et avec l’art comme langage universel, « il explore ce qui nous définit et nous unit en tant qu’êtres humains, par-delà les frontières, les générations et les cultures ».

Le nouveau musée Abby Kortijk a ouvert ses portes le 29 mars 2025.

  • L’Art et le Patrimoine comme « miroirs de nos identités »

Que révèlent nos œuvres d’art, artefacts, monuments et lieux de mémoire sur qui nous sommes ? Comment nos rituels et pratiques culturelles nous définissent-ils ? Pourquoi nous identifions-nous à certains objets, lieux et traditions ? Et comment ces processus de formation identitaire se produisent-ils ?

La nouvelle définition de l’ICOM souligne la nécessité pour les musées d’évoluer vers des lieux dynamiques de démocratie, d’inclusion et de pensée critique. Loin d’être de simples « maisons de conservation », les musées deviennent ainsi des hubs culturels vivants, reliant passé et futur, disciplines et expertises, communautés et individus.

Avec un programme d’expositions audacieux explorant la complexité de nos identités, Abby aspire à dépasser la dichotomie du « nous » et « eux », et à renforcer les liens sociaux. Plutôt qu’un territoire réservé à un public de niche, Abby se veut une maison ouverte à tous, fondée sur la participation, le partage des espaces et des collaborations plurielles. Avec une approche fondamentalement participative, un espace partagé et une large collaboration, Abby opte résolument pour l’inclusion, l’accessibilité et la pluralité des voix. Avec l’art et le patrimoine comme miroirs et l’identité comme thème central, Abby offre un espace ludique, accessible et reconnaissable pour la réflexion, la rencontre et la transformation.

  • Un musée avec une personnalité : les sept piliers d’Abby

Inspiré par l’histoire du monastère qui l’abrite, avec ses sept niches symbolisant le chemin vers l’accomplissement, chaque projet d’Abby répond à sept critères fondamentaux :

. Abby respire l’art et place l’imagination, la (co-)création et la qualité artistique d’hier et d’aujourd’hui au centre de son projet. Avec une triennale de grande envergure pour les arts visuels, des expositions temporaires de qualité et un paysage artistique dynamique composé de galeries, de collectifs et de riches collections privées, Courtrai s’est imposée dans le domaine des arts visuels. Cependant, depuis la fermeture du Broelmuseum en 2015, la ville ne dispose plus d’un lieu d’exposition pour la collection municipale d’art, manque d’un espace d’exposition de qualité et souffre de l’absence d’un moteur, d’un hub central et d’un pôle d’attraction à rayonnement (inter)national. Bien que l’activité muséale se soit poursuivie en coulisses, Abby marque en 2024 le retour d’un musée physique dédié aux arts visuels après presque dix ans d’absence. 

. Avec les arts visuels et le patrimoine comme miroirs, Abby explore ce qui nous relie, nous définit et nous distingue en tant qu’êtres humains, au-delà des frontières et des générations. Ce choix de l’identité comme thème central n’est pas anodin : il constitue non seulement un principe distinctif par rapport aux autres musées d’art, mais il est également ancré dans l’histoire de Courtrai en tant que « ville des Éperons d’Or », où le débat sur l’identité est inscrit dans son ADN.

. À travers l’art et le patrimoine, Abby Kortrijk souhaite offrir un espace propice aux questions curieuses, aux réponses en devenir, aux connexions inattendues et aux réflexions inspirantes sur ce sujet complexe. 

. La pluralité des voix et la diversité des perspectives sont des principes fondamentaux pour explorer les multiples facettes de nos identités. Dans cette optique, Abby ancre fermement l’engagement sociétal et les collaborations structurelles au cœur de sa politique. Le musée construit activement une communauté diversifiée d’individus, de groupes et d’organisations, ainsi qu’un réseau interdisciplinaire d’artistes, de penseurs et de créateurs qui, ensemble, questionnent et explorent les enjeux de l’identité à travers l’art visuel.

  • Participatif : fertilisation croisée entre individus et créateurs

Avec le living urbain, Abby Kortrijk introduit un nouveau concept muséal : une maison ouverte et accessible où les habitants de Courtrai et les visiteurs, les individus et les créateurs partagent un même espace, co-construisent un programme et développent des projets participatifs.

Mais Abby expérimente également la participation à un niveau institutionnel, en bousculant les frontières des catégories et des rôles établis.

Quelles fonctions un musée peut-il remplir ? Qui détient l’autorité pour parler de l’art ? Qui a le droit de commissarier et de guider ? Comment les individus façonnent-ils le musée, et inversement ? En posant ces questions, Abby interroge non seulement qui nous sommes, mais aussi ce qu’est un musée, une ville, une communauté.

S’appuyant sur ce socle participatif, Abby souhaite ouvrir tant spatialement que conceptuellement ce qui était jusqu’alors fermé. L’ancienne Abbaye Groeninge : restée un monastère cistercien cloisonné et fermé jusqu’au XXe siècle. Le monde de l’art et des musées : encore trop souvent perçu comme un bastion élitiste et difficile d’accès. La collection de Courtrai : une sélection éclectique d’œuvres d’art, principalement destinées aux intérieurs de la bourgeoisie, mais rarement au grand public. Le patrimoine : non pas des traditions figées et immuables, mais des pratiques vivantes et évolutives. L’identité : un sujet fragile, toujours d’actualité, inépuisable, mais trop souvent enfermé dans des attentes sociales rigides ou réduit à des catégories polarisantes.

« Abby s’engage ainsi à briser ces barrières et à faire du musée un espace de dialogue et de réinvention, où les visiteurs et les créateurs participent activement à redéfinir ce que l’art, le patrimoine et l’identité peuvent être aujourd’hui » explique l‘institution.

  • Ludique & dynamique : une expérience muséale transformatrice

« Il ne faut pas perdre son adolescence, car alors on se perd soi-même dans un état de fait, dans la délimitation de ‘voilà qui je suis’ – et en même temps que la question, on perd aussi la réponse. » (Wannes Gyselinck)

L’art est un jeu, tout comme l’identité : attraction et répulsion, défi et séduction, renouveau et redécouverte, masque et dévoilement. Abby Kortrijk reste en contact avec notre enfant intérieur et embrasse la créativité et l’authenticité des esprits joueurs.

Grâce à une scénographie innovante, une programmation audacieuse, des ateliers stimulants et des espaces et rôles muséaux partagés, Abby invite son public à jouer avec elle. Le musée devient un lieu dynamique où chacun, quel que soit son âge, peut continuer à se reconnaître et à se réinventer, où l’art et le patrimoine, de toutes les époques, continuent d’émerveiller et de surprendre.

Tout comme nos identités sont en perpétuelle évolution, Abby l’est aussi.

. Pas d’exposition permanente : Abby surprend avec des présentations de collections et des expositions temporaires percutantes, dans des espaces dont l’aménagement et la fonction changent régulièrement.

. Pas de programme figé : un réseau vivant de communautés et d’organisations contribue à définir ce qui est exposé et ce qui se passe au musée.

Ainsi, Abby devient une œuvre d’art totale qui n’est jamais achevée : elle évolue, explore et expérimente en permanente interaction avec son public.

  • Durable et équitable : un impact sur les personnes, pas sur l’environnement

Abby Kortrijk est un musée pionnier des arts visuels, non seulement par le choix d’un thème central, mais aussi par ses formes novatrices de co-responsabilité et de participation, ainsi que par ses espaces muséaux innovants. Abby ambitionne également d’être un musée d’avenir en matière de durabilité et d’équité salariale.

Abby privilégie, dans le processus de construction, le choix des matériaux scénographiques et l’aménagement du musée, des techniques durables et des matériaux réutilisables. Grâce à des partenariats intelligents avec des acteurs régionaux, il est possible d’optimiser les budgets d’achat et d’échanger des vitrines, des cloisons scénographiques et d’autres éléments d’exposition.

Dans l’espace horeca du Paviljoen, la priorité est donnée aux circuits courts, à la production locale et aux collaborations avec des chefs régionaux et des communautés. Abby profite également du statut de Courtrai en tant que ville créative Unesco, et intègre des designers, artisans, concepteurs de produits et développeurs de jeux locaux dans l’élaboration de son site et de sa programmation.

Mais c’est surtout au niveau du contenu qu’Abby s’engage à adopter un fonctionnement durable et équitable : 

. Abby garantit des accords clairs et une rémunération juste pour les artistes, les experts et les bénévoles.

. Abby aspire à développer, à travers ses collaborations et échanges avec les artistes et les créateurs, des processus et des liens durables qui dépassent largement la durée d’une exposition ou d’un projet participatif.

  • De nouveaux regards sur la collection

Comme de nombreuses collections municipales, la collection de Courtrai est un ensemble éclectique, constitué au fil du temps, regroupant des arts visuels, des arts appliqués et plusieurs sous-collections plus modestes. 

Depuis la fermeture du Broelmuseum en 2015, le travail muséal autour de cette collection – de la conservation et la gestion à la recherche, la mise en valeur et les activités de médiation – s’est poursuivi tant en coulisses qu’en public. Ces efforts ont permis à la collection de conserver son label de qualité ainsi que sa reconnaissance en tant que musée régional. Le musée fait aujourd’hui un pas audacieux vers l’avenir avec Abby Kortrijk. La collection municipale reste le cœur de son activité, mais s’y déploie avec une approche renouvelée, résolument tournée vers l’exploration et la mise en dialogue.

Cependant, cette nouvelle approche diffère considérablement de celle adoptée au sein de l’ancien Broelmuseum. Tout d’abord, la collection est désormais étudiée et mise en valeur selon de nouvelles perspectives. Abby n’est pas un musée d’histoire locale où les objets sont présentés dans un ordre chronologique, historique ou pédagogique pour retracer l’histoire artistique de la ville et de la region. Si l’accent mis autrefois sur les artistes décoratifs locaux et régionaux, ainsi que sur les scènes et paysages courtraisiens, reste pertinent, il n’est plus la ligne directrice principale du musée. Comme décrit précédemment, la mission d’Abby est d’explorer, à travers l’art et le patrimoine, les multiples facettes du concept d’ « identité ». L’hétérogénéité de la collection municipale constitue à cet égard un véritable atout, car elle permet d’aborder ce thème sous une diversité d’angles.

Maquette van Abby door Barozzi-Veiga + TAB Architecten
© Maquette van Abby, Barozzi-Veiga + TAB Architects
  • Une « maison » aux multiples espaces : le living urbain comme nouveau lieu muséal

Tant sur le plan conceptuel que spatial, Abby se conçoit comme une maison aux multiples pièces. Globalement, le musée propose deux parcours de visite :

. Les expositions temporaires sont accueillies dans les salles souterraines et dans la chapelle du XVIe siècle.

. Le living urbain comprend plusieurs espaces interactifs :

Un Living, où une présentation innovante de la collection dialogue avec l’art contemporain.

Une « salle à manger » (Abby Café), qui fait partie intégrante du programme muséal.

Un Salon participatif, dédié aux rencontres et aux échanges.

Un Atelier ouvert, où la créativité du public est mise à l’honneur.

Un Jardin public, propice à la contemplation et aux expériences artistiques en plein air.

En outre, le living urbain joue un rôle clé dans l’accueil des visiteurs : elle sert de hall informel, de billetterie pour le parcours payant, de boutique muséale atypique et d’espace dédié aux conférences et débats sur l’art, le patrimoine et l’identité.

Dans le Pavillon, une longue table fait écho à l’ancien réfectoire de l’abbaye. C’est un lieu où les visiteurs se réunissent pour découvrir le programme, échanger, lire, travailler ou simplement partager un repas ou une boisson.

Des vitrines dans le bar exposent des objets issus de la collection, sélectionnés en fonction des thèmes en cours. Le menu fait partie intégrante du programme, soulignant le lien essentiel entre gastronomie et identité Culturelle. En partenariat avec un réseau d’organisations et de communautés variées, des rituels sont célébrés, des recettes collectées et des dîners artistiques organisés.

Depuis le Paviljoen ou le parc, les visiteurs entrent dans le Dormitorium, qui se transforme en une vibrante salle de séjour urbaine. L’exposition de la collection y donne accès à des œuvres destinées autrefois aux salons de la bourgeoisie, aujourd’hui rendues accessibles à tous et mises en dialogue avec l’art contemporain.

« Tout comme nous réaménageons nos propres intérieurs, les artistes et les communautés sont invités à redéfinir l’identité de cet espace. Dans ce lieu muséal innovant, on ne se contente pas de passer : on peut s’y attarder, prendre un verre, contempler des œuvres, lire un livre, se reposer après la visite ou assister à une discussion » précise le musée.

À l’étage, le Salon est un espace d’expérimentation pour les communautés locales et les organisations partenaires. Il accueille des projets participatifs, des conférences et des débats. Dans l’Atelier, le public est invité à exprimer sa créativité : des ateliers éducatifs sont proposés pour des groupes varies. Les jeunes artistes et les résidents en création disposent d’un espace où travailler et exposer

« La créativité et l’innovation sont au cœur de l’identité d’Abby. Elles naissent de l’interaction humaine : c’est dans la rencontre et l’inspiration mutuelle que surgissent de nouvelles idées. L’art invite à un dialogue sur qui nous sommes et comment nous nous relions les uns aux autres. Pourtant, les musées classiques restent souvent perçus comme des lieux intimidants, figés et fermés, où l’on circule avec retenue, sans jamais vraiment s’approprier l’espace. Avec le living urbain, Abby introduit une nouvelle expérience muséale, conçue comme un second chez-soi, qui célèbre l’imagination humaine. Un lieu ouvert, chaleureux et fédérateur, offrant un espace de réflexion, de rencontre, de co-création et de transformation » résume l’institution.

  • Exposition d’ouverture : « F**klore. Reinventing Tradition », du 29 mars au 24 septembre 2025.

F**flore illustre la poésie et l’absurdité du quotidien, du connu et du familier, et vous invite à porter un regard presque anthropologique sur le phénomène du « folklore ». L’exposition célèbre les coutumes, l’artisanat et les récits traditionnels avec amour, ironie et ouverture d’esprit, dans des œuvres qui vont des tapisseries aux installations dédiées aux concours de pinsons et aux processions, en passant par les sculptures de sable.

  • Le ‘Living’ de Rinus Van de Velde, du 29 mars au 6 septembre 2025

Dans le ‘Living’ d’Abby on peut s’installer dans une œuvre d’art. Ce lieu sera réaménagé par des artistes tout les deux ans.

Pour le premier Living, Rinus Van de Velde a voulu que les visiteurs puissent y faire connaissance avec la collection. A l’instar des décors de ses films, celui de ce salon a été élaboré et conçu dans le moindre détail. Chaque meuble, chaque plante a été recrée à l’identique enc arton, en bois et en peinture.

  • Un peu d’histoire

Le site d’Abby, situé dans le Begijnhofpark, est un lieu unique, empreint d’histoire, de récits et de mystères. Aménégé dans l’ancienne abbaye de Groeninghe, que la ville a acheté dans les années 1980, il a abrité l’office du tourisme de la ville de Courtrai et le musée 1302. Mais l’abbaye a connu bien d’autres vies avant : colonie romaine, abbaye cistercienne au XVIe siècle et monastère des « Arme Klaren » (Pauvres Claires) au XIXe siècle.

Informations pratiques 

Begijnhofpark

8500 Courtrai

Ouvert de 10 h à 22 h (salles d’exposition de 10 h à 18 h)

Derniers billets: 17 h
Fermé le lundi

Tarifs : de 6 à 12 euros (gratuit pour les moins de 12 ans)

SOURCE: Abby Kortrijk

Date de première publication : 07/05/2025

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