Aujourd’hui, jeudi 30 septembre 2021, LaCollection.io est lancée. Cette plateforme NTF dédiée aux musées et aux institutions artistiques peut s’appuyer sur un premier partenariat exclusif avec le British Museum de Londres, permettant la vente NFT d’un ensemble d’œuvres d’Hokusai. D’origine française, la plateforme LaCollection a été co-fondée par Jean-Sébastien Beaucamps. Le président de la société répond au questions du CLIC France.
- Quand et comment est née le projet LaCollection ?
LaCollection lacollection.io/ est née en plein confinement, que je vivais très mal. Je voyageais fréquemment, au moins semaine par mois en moyenne, dans des pays variés comme les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, Singapour ou même en Afrique, et profitais toujours de ces déplacements pour visiter un musée local ou une galerie. Parisien, je profitais de la richesse culturelle de notre ville pour visiter un musée ou galerie par semaine en moyenne.
Soudainement, tout s’est arrêté, et je ressentais un vide culturel immense. C’est alors que j’ai pris conscience que des Musées américains étaient si fortement touchés par la crise générée par la pandémie que je les voyais vendre des chefs-d’œuvres afin de payer leurs salariés.
En moyenne, les musées ont en effet fait face à une chute de 77% de leur fréquentation en 2021. J’ai commencé à réfléchir à un moyen de vivre la culture différemment, même pendant la fermeture des musées.
Au même moment, je me plongeais dans l’univers des NFTs qui m’intriguait, c’était bien avant les ventes de Beeple, mais déjà ce marché montrait un potentiel énorme. Visitant de nombreux sites qui vendaient des NFT, j’étais un peu perdu par la diversité des œuvres proposées. Certaines étaient intéressantes, mais je trouvais que l’essentiel était décevant. J’ai alors réfléchi au modèle de licence de marque sur lequel s’appuie la société Sorare dans le milieu du football, et ai réfléchi à l’adopter au milieu de la culture.
- Vous ne venez pas du monde de la culture. Comment êtes vous entré en relation avec les musées ?
J’ai immédiatement contacté des musées afin de leur faire part de cette idée. L’un d’eux m’a répondu qu’il réfléchissait aux NFTs depuis plus d’un an.
Suite à cet appel, ma vie s’est complètement chamboulée et je me suis promis d’essayer de monter une entreprise pour tester cette idée. Je n’avais jamais songé à devenir entrepreneur auparavant, mais cet appel fut comme un électrochoc, et cette idée m’habite constamment, jour et nuit, depuis. C’est pour moi une occasion unique de combiner ma passion personnelle autour de l’art et ma passion professionnelle autour des nouvelles technologies et l’innovation.
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- Quel est votre parcours professionnel ?
Mon parcours professionnel a toujours tourné autour de ce que l’on appelle aujourd’hui la transformation digitale. J’ai pu acquérir une expertise dans ce domaine dans différentes industries avec différents rôles, tout d’abord en conseil en fusion acquisition en banque, où les groupes de presse cherchaient à se réinventer en passant d’un modèle papier au modèle internet, ou les médias TV qui devaient réinventer leurs modèles avec la délinéarisation des contenus. J’ai travaillé chez Solocal dans l’équipe partenariat et fusion acquisition, alors que les PagesJaunes faisaient face au même défi que les groupes de presse. J’ai ensuite rejoint le groupe Roland Berger en tant que consultant en stratégie pour travailler notamment pour Google et analyser l’impact de la maturité digitale des entreprises l’impact sur leurs performances, puis dans l’assurance chez AXA dans l’équipe stratégie digitale et partenariats. Chez AXA, j’ai pu initier un partenariat avec Jumia (l’équivalent d’Amazon en Afrique), qui fut un succès car le groupe décida d’investir 50M€ dans cette startup. Dernièrement, je travaillais chez Sodexo afin de monter la structure de Corporate Venture Capital, afin d’accélérer la transformation de ce groupe en s’appuyant sur un écosystème de startups.
Ces expériences professionnelles m’ont permis de recruter une équipe internationale, basée à Paris, New York et Singapour. Cela a également favoriser des rencontres avec des entrepreneurs fantastiques, et a contribué à ma volonté de passer de « l’autre côté de la barrière ».
- Votre premier client est le British Museum, l’une des principales institutions muséales du monde. Comment les avez vous convaincu de signer avec vous pour 5 ans ? Combien de temps ont duré les discussions ?
Les discussions avec le British Museum ont tout de suite été très constructives. Lorsque nous avons identifié l’exposition dédiée à Hokusai qui commence le 30 septembre 2021 au British Museum, nous nous sommes mis en ordre de bataille pour lancer la plateforme le jour de l’ouverture de cette exposition. (ARTICLE CLIC: Le British Museum surfe sur la vague des NFT en vendant en ligne des cartes postales numériques Hokusai)
Nous pensons qu’Hokusai est un artiste qui est pertinent pour le milieu des NFT. Tout le monde connait la vague, mais une grande partie de la population ne connait pas ou peu l’artiste. C’est l’occasion de leur faire découvrir l’immense richesse de cet artiste, particulièrement influent en Occident, et pas seulement auprès des peintres, mais aussi des compositeurs, à commencer par Debussy (que j’écoute en écrivant ces lignes 😊).
- Quelles étaient les aspirations du British Museum ?
Le British Museum cherchait un partenaire, pas un fournisseur, et de long terme, donc s’entendre sur un accord de 5 ans faisait du sens, et cela est un standard pour les modèles de licences NFT.
Nous avons énormément travaillé ensemble, plusieurs heures par semaine pendant plusieurs mois, et tout cela par visio-conférence, car il était toujours impossible de voyager !
Ce qui a plu au British Museum est notre manière de travailler, qui allie sérieux et réactivité, mais aussi une profonde passion pour l’art. On ne parle pas au British Museum comme l’on parle à une entreprise traditionnelle.
J’ai une grande admiration pour ce Musée et pour leur collection. C’est aujourd’hui un honneur de compter le British Museum comme notre premier partenaire.
- Le fait d’être une société française vous a t il aidé contre des concurrents anglo-saxons ?
Je ne pense pas. Le choix de notre nom, à consonance française, est néanmoins un choix réfléchi. Nous sommes conscients de la richesse culturelle française, que nous souhaitons mettre en avant à terme.
Notre objectif est de contribuer au rayonnement culturel français, tout en étant une plateforme résolument internationale. Nous avons hâte de mettre en avant des artistes français, qui sont si bien exposés dans tant de musées internationaux. Je suis toujours choqué de voir dans les Musées internationaux la place réservée aux artistes français, quelle chance et quelle fierté !
En tant que français, nous sommes pleinement légitimes à mettre en avant une plateforme culturelle, et cette légitimité est tout aussi vraie dans l’univers de la Tech : des sociétés comme Sorare ou Ledger en sont de parfaits exemples. Alors, profitons-en !
- Dans le cas du British Museum, que va acheter le collectionneur et à quel prix ?
Nous proposons différents niveaux de rareté pour chacune des œuvres : nous créons un double numérique sous la forme de NFT en 1, 2, 10, 100, 1000 ou 10 000 exemplaires. Une sorte de lithographie numérique.
Ces niveaux de rareté vont attirer différents types de collectionneurs : les collectionneurs déjà initiés aux NFT, qui chercheront les NFT les plus rares, jusqu’aux personnes qui achèteront un NFT pour la première fois, pour les éditions les plus importantes, et donc les plus abordables.
Un système comparable aux enchères est mis en place pour les NFT les plus rares, un prix fixe, payable en simple carte bleue, est proposé pour les œuvres les moins rares.
En fonction de la rareté des œuvres mises en vente, les enchères démarrent entre 400 et 5000 euros.
L’objectif de notre plateforme est de démocratiser les NFT au plus grand nombre, pas de viser des spéculateurs. Or aujourd’hui, peu de personnes comprennent ce que sont les NFT, une éducation est nécessaire dans un premier temps.
C’est dans cette volonté de démocratiser les NFT que nous avons travaillé avec le British Museum à la mise en place d’un pop-up store dans le Musée, qui présente et explique ce que sont les NFT. C’est une manière originale d’expliquer au public du Musée ce qu’est un NFT et pourquoi le British Museum prend ce tournant, qui sera j’en suis convaincu, suivi par de nombreux musées.
- Combien touche le BM lors de la première vente ? Le musée touchera t il des revenus en cas de revente ?
Le British Museum est largement récompensé par les ventes de NFTs, sur les premières ventes que l’on appelle le marché primaire, mais également sur les ventes entre utilisateurs.
Le montant des commissions dépend de la nature du contrat. Un contrat exclusif rétribue plus largement un musée qu’un contrat non-exclusif.
La technologie sous-jacente, basée sur la blockchain, nous permet une traçabilité et transparence totale des transactions. Il est ainsi très simple de suivre les ventes et d’appliquer une règle de commissions.
C’est une manière pour les Musées de se constituer une nouvelle source de revenus quasi récurrents : le collectionneur sait que sur chaque transaction, il aide financièrement le Musée. C’est presque une nouvelle forme de mécénat !
- Allez vous enrichir le catalogue British Museum sur LaCollection durant les 5 ans ? Allez vous proposer des œuvres autres que celles d’Hokusai ?
Bien sûr ! Nous réfléchissons déjà aux prochaines thématiques. Notre volonté est à terme de construire des thématiques cross-muséales en s’appuyant sur les collections de nos musées partenaires. Nous pourrons créer des thématiques et des expositions numériques très originales, en mettant en avant des œuvres que nous n’avons jamais vu à côté pour l’instant. C’est vers cette richesse de contenus que nous nous dirigeons, et notre modèle évoluera vers une plateforme culturelle destinée aux passionnés d’art et de technologies. Nous ne voulons pas être une simple marketplace transactionnelle, nous souhaitons travailler sur la richesse de nos contenus culturels, à partir des collections de nos musées partenaires.
- En mai 2021, La Galerie des Offices a vendu pour plus de 140 000 euros la reproduction NFT d’un tableau de Michel Ange. Le collectionneur s’est vu remettre une reproduction taille réelle de l’œuvre en plus de son jeton. Envisagez vous d’associer les NFT à des objets tangibles ?
Oui, nous analysons le marché afin de trouver un partenaire qui puisse proposer au collectionneur un support esthétique afin de profiter de son NFT chez soi, tout comme un tableau.
Nous pensons que les salons des collectionneurs deviendront hybrides, alliant œuvres physiques et numériques. Pour cela il faut un support particulièrement esthétique, pas une simple télévision.
(ARTICLE CLIC: Fragilisée par la crise du covid-19, la Galerie des Offices a vendu la version NFT d’une peinture de Michel-Ange)
- Avez vous des discussions avec des institutions et collections françaises pour vendre sur votre plateforme des versions numériques de leurs œuvres ?
Oui nous sommes en discussions avec certaines institutions françaises. Nous espérons bien sûr accueillir au plus vite des Musées français sur notre site !
- Quel est aujourd’hui le principal frein lorsque vous discutez avec les institutions culturelles ?
Le principal frein est la compréhension des NFT. Certaines institutions découvrent tout juste cette nouvelle technologie. Comme elles ne la comprennent pas bien, elles en ont peur. Elles préfèrent donc voir comment d’autres institutions se comportent avant de se jeter à l’eau.
Notre rôle est de rassurer et d’expliquer les bénéfices de cette technologie pour ces institutions. La croissance de ce marché interpelle néanmoins, et les discours changent ces derniers mois, l’intérêt est croissant, c’est évident.
- La plateforme LaCollection est destinée à travailler avec de nombreuses institutions culturelles. Quels sont vos objectifs en nombre de partenaires ou d’œuvres vendues ?
Nous souhaitons devenir la plateforme NFT de référence pour les institutions culturelles, musées ou galeries, et cela sans limite géographique ni de volumes de partenaires.
Nous espérons que le lancement de ce partenariat avec le British Museum contribuera à accélérer les discussions que nous avons actuellement avec plus de 30 institutions.
- Christie’s et Sotheby’s ont également vendu des versions NFT d’œuvres contemporaines et notamment de créations purement numériques. Envisagez-vous d’offrir ce type de créations sur votre plateforme ?
A termes oui, mais d’une manière bien spécifique. Nous souhaitons appliquer ce que les Musées font dans leurs murs, sur notre plateforme. En effet aujourd’hui, il est fréquent de voir une salle de Musée dédiée à un artiste contemporain qui revisite une œuvre de la collection du Musée, ou qui expose des œuvres en lien avec le Musée.
Nous souhaitons appliquer cette réinterprétation artistique avec des artistes contemporains, qui peuvent être des artistes numériques ou des peintres, photographes, dessinateurs, … qui revisiteront un chef-d’œuvre précis ou s’inspireront de la thématique en cours sur notre plateforme. Nous pourrons sélectionner les œuvres visibles sur notre plateforme avec nos Musées partenaires afin de donner un œil très moderne à une œuvre légendaire, et ainsi aider les Musées à interagir avec cette nouvelle génération d’artistes numériques.
Nous souhaitons également aider les artistes non numériques à comprendre les NFTs et à profiter de cette technologie pour faire connaître leurs œuvres.
Compte linkedin de Jean-Sébastien Beaucamps
SOURCE: CLIC France
Interview réalisée par mail le 29/09/2021
PHOTOS: LaCollection, British Museum
PHOTO du carousel: “Clear Day with a Southern Breeze (‘Red Fuji’)”, from the series Thirty-six Views of Mt. Fuji, 1831, Katsushika Hokusai (1760-1849), © 2021, The Trustees of the British Museum
Date de première publication: 30/09/2021
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