Les internautes chiliens font pression sur le British Museum pour la restitution de deux statues de l’Ile de Pâques

Partager :
Temps de lecture : 5 min

Après les marbres du Parthénon et une théière de Chine, le British Museum doit à nouveau faire face à une demande de restitution … de deux statues de l’Ile de Pâques. Depuis quelques jours, les internautes chiliens inondent les réseaux sociaux du musée anglais, sous l’impulsion d’un influenceur qui mobilise sa communauté de plus d’1 million d’amis. Le musée de Londres a même dû neutraliser la fonction commentaire sur une partie de ses comptes sociaux.

Les deux statues mégalithiques, Moais, datées de 1000-1600 ont été volées sur l’île chilienne de Rapa Nui, en 1868, par la marine Britannique. La reine Victoria a reçu l’une deux, le Hoa Hakananai’a, en cadeau l’année suivante et en a fait don au musée. La seconde, le moai Hava, a été directement remise à l’institution muséale par l’amirauté.

La statue Hoa Hakananai’a dans la salle 24, dans le cadre de l’exposition « Vivre et mourir ». Site web du British Museum. © The Trustees of the British Museum

Si les deux statues créent la discorde, c’est parce qu’elles revêtent une symbolique sacrée pour les habitants de l’île de Pâques. Elles sont associées à la tradition ancestrale et au rite de l’homme oiseau, une compétition physique entre les hommes de l’île pour désigner le leader.

Sacrés, ces 2 moais représentent les ancêtres des indigènes qui les ont érigés et incarnent des figures spirituelles de paix sur l’île.

Cette revendication culturelle est illustrée par les propos d’Anakena Manutomatoma, membre de la commission de développement de l’île, qui avait qualifié les moais de membre de la “famille”. “Nous voulons que le musée comprenne que les moais sont notre famille, et pas seulement des rochers. Pour nous, la statue est un frère, mais pour eux, elle est un souvenir ou une attraction”.

  • Sous l’influence d’un chilien 

Depuis janvier 2024, l’influenceur chilien Mike Milfort, basé à Santiago, a mobilisé son million d’abonnés et les incite à inonder les réseaux sociaux du musée.

Les sections « commentaire » des comptes du musée sont submergés de messages de demande de restitution des deux sculptures tels que “Rendez le Moai”.

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par mikemilfort (@mike_milfort)

Pour limiter cette marée, le British Museum a décider de fermer temporairement certains de ses espaces de commentaires.

  • Une restitution demandée depuis 2018

Les discussions entre le British Museum et le Chili ont commencé en 2018, lorsque les autorités de l’île ont formulé une demande écrite de restitution, explique le Guardian. Lors de leur séjour à Londres en novembre 2018, des représentants de la communauté Rapanui ont invité les responsables du British Museum à Rapa Nui pour de plus amples discussions. Cette visite a eu lieu en juin 2019 et le personnel du British Museum a pu visiter divers sites culturels “afin de mieux comprendre les aspects de la culture rapanui, l’importance de la statue et les aspirations de la communauté”. Le Musée de Londres a accueilli en août 2019 un membre du personnel du Musée anthropologique de Rapa Nui. Depuis lors, des discussions ont eu lieu sur un protocole d’accord entre le Musée et la communauté Rapanui concernant d’éventuels projets de collaboration. 

“Le musée développe une relation à long terme avec la communauté de Rapa Nui” explique le British Museum. “Grâce au protocole d’accord, nous prévoyons de développer des projets mutuellement bénéfiques avec des artistes, des universitaires et d’autres membres de la communauté de Rapa Nui”.

La statue Hoa Hakananai’a dans une salle du musée. Site web du British Museum. © The Trustees of the British Museum

Sur une page dédiée de son site internet, le British Museum “reconnaît aujourd’hui l’importance de Hoa Hakananai’a et de Moai Hava pour la communauté Rapanui, ainsi que l’impact de leur retrait de l’île en 1868” mais il continue de défendre la présence des moais dans sa collection et leur présentation dans ses salles.

Cette présence à Londres “accroît la compréhension du public sur l’histoire de Rapa Nui, les réalisations artistiques passées, présentes et futures de ses habitants, ainsi que les défis auxquels la communauté est confrontée aujourd’hui. La force de la collection du British Museum réside dans son ampleur et sa profondeur, qui permettent à des millions de visiteurs de comprendre les cultures du monde et la manière dont elles s’interconnectent tant dans le passé qu’aujourd’hui”.

Le musée de Londres précise également qu’il y a environ 900 moai encore visibles à Rapa Nui. D’autres statues retirées de l’île peuvent également être vus dans des musées à travers le monde, Musée du quai Branly Jacques Chirac à Paris; Smithsonian Institution à Washington; musée d’Otago à Dunedin, en Nouvelle-Zélande; Musées Royaux d’Art et d’Histoire à Bruxelles mais aussi musée d’histoire naturelle à Santiago du Chili.

Ile de Pâques. Bjørn Christian Tørrissen. Ahu Tongariki. Wikimedia Commons.
  • Silence du Roi Charles III et intervention récente du Président Chilien 

En 2018, l’ex-ministre des Biens nationaux Felipe Ward s’était prononcé en proposant une alternative : “Les Rapa Nui veulent expliquer aux administrateurs du musée que le moai est l’âme vivante de l’île. Hoa Hakananai’a fait office d’ambassadeur et nous souhaitons que cela reste le cas mais nous souhaitons l’échanger contre un moai qui sera sculpté par des artisans de l’île afin que notre représentant soit exposé volontairement“.

Une autre proposition a été formulée par le maire de la localité de Rapa Nui, Pedro Edmunds Paoa, qui a par ailleurs critiqué l’attitude de l’influenceur chilien : “Nous n’excluons pas que le Hoa Hakananai’a puisse rester à Londres et devenir notre grand ambassadeur. Mais nous devons établir fermement que son propriétaire légitime est le peuple Rapa Nui“.

En 2023, le conseil des anciens de l’île a écrit au roi Charles III pour demander une nouvelle fois le retour des sculptures. Le courrier est resté lettre morte.

Cette absence de réponse explique peut être la campagne numérique en cours.

Le 31 janvier 2024, le président chilien, Gabriel Boric, est à nouveau intervenu en faveur de la restitution des statues. “Quand nous montrerons le Chili au monde, les Torres del Paine apparaîtront, les moais apparaîtront – que les Anglais nous rendent les moais –, le désert d’Atacama et le pont de Chacao apparaîtront également”, a-t-il déclaré dans une interview accordée à la radio Chiloé, rapportée par El Pais.

Cette polémique survient au moment où le British Museum doit déjà lutter contre les demandes de restitution des frises du Parthénon réclamées par le gouvernement grec. Le musée affronte également une autre campagne sur les réseaux sociaux pour le retour en chine d’une théière. (ARTICLE CLIC: Sur les réseaux sociaux, une série vidéo virale soutient le retour en Chine d’une théière de la collection du British Museum)

https://www.britishmuseum.org/about-us/british-museum-story/contested-objects-collection/moai

SOURCES: British Museum, presse

PHOTOS: British Museum © The Trustees of the British Museum, Wikimedia Commons

Date de première publication: 19/02/2024

Le Musée du Quai Branly est membre du CLIC

banner clic avril 2024

Laisser un commentaire

Club Innovation et Culture France

Bonjour

A l’occasion de ses 10 ans, le CLIC France vous propose une nouvelle version de son site web.

Celui-ci sera prochainement enrichi de nouveaux contenus et services.

Si vous souhaitez être tenu informé de l’actualité du CLIC France et des futures évolutions de son site web, nous vous invitons à vous inscrire à notre newsletter.

L’équipe du CLIC France