L’Unesco et Interpol envisagent de créer un musée virtuel des objets culturels volés

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L’Unesco, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, prévoit la création d’un musée virtuel des objets culturels volés. L’expérience numérique, annoncée pour la première fois en septembre 2022, sera lancée avec 600 œuvres d’art inscrites sur la liste d’Interpol, l’organisation policière internationale. Lors d’une réunion le 3 octobre 2023, l’Unesco a confirmé que l’Arabie Saoudite allait contribuer à hauteur de 2.5 millions de dollars au financement de la version initiale du site qui pourrait être lancée avant la fin de 2025. 

L’idée d’un musée virtuel consacré aux objets pillés a surgi en 2020, à l’occasion des 50 ans de la convention de l’Unesco, pierre angulaire dans la lutte contre les trafics illicites et base légale aux demandes de restitutions.

L’expérience virtuelle doit contribuer à la récupération des objets volés” a annoncé l’institution mondiale, lors d’une réunion de présentation des premières maquettes du musée numérique, le 3 octobre 2023, à Paris.

Francis Kéré, artiste originaire du Burkina Faso et lauréat du prix Pritzker d’architecture 2022, a été chargé de la direction artistique du projet.

L’Unesco a lancé sur son site web l’appel à contribution financière pour pouvoir lancer le projet.

  • Un outil éducatif pour un budget initial de 2.5 millions de dollars

Sur son site Internet, l’UNESCO précise que le budget initial du projet est évalué à 2,5 millions de dollars (2.38 millions d’euros), financé par l’Arabie Saoudite.

Le musée virtuel “contribuera à sensibiliser le grand public aux conséquences du trafic illicite de biens culturels et contribuera à la récupération des objets volés”.

“Derrière chaque œuvre ou fragment volé se cache un morceau d’histoire, d’identité et d’humanité qui a été arraché à ses gardiens, rendu inaccessible à la recherche, et qui risque désormais de tomber dans l’oubli”, a déclaré la directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay au journal The Guardian. “Notre objectif est de remettre ces œuvres sous le feu des projecteurs et de restaurer le droit des sociétés à accéder à leur patrimoine, à l’expérimenter et à s’y reconnaître”.

  • Exploration virtuelle et histoires des objets

L’Unesco précise que les visiteurs exploreront les espaces virtuels comme ils le feraient dans un véritable musée, en accédant également à la modélisation 3D des objets et à des contenus numériques éducatifs, ainsi qu’à des histoires et des témoignages des communautés locales.

L’organisation basée à Paris a également précisé dans une déclaration faite lors de la réunion du : “Le musée virtuel sera un outil révolutionnaire pour sensibiliser les autorités compétentes, les professionnels de la culture et le grand public, notamment les jeunes, au trafic illicite et à l’importance de la protection du patrimoine culturel”.

Audrey Azoulay et Francis Kéré (c) Unesco / Christelle Alix
  • Le choix de Francis Kéré pour “bousculer les codes”

L’Unesco a contacté Francis Kéré en 2022, pour imaginer les contours du musée virtuel des objets volés.

L’artiste et architecte burkinabé a naturellement pensé à un baobab. “Quand on parle arbre, on parle racines et appartenance. C’est la colonne vertébrale d’une communauté”, explique-t-il dans un article du Monde. “C’est la même chose avec les objets d’art. Si on retire un objet à une communauté, on lui arrache ses racines”.

Sensible au vivant et à tous les règnes de la nature, Francis Kéré a toujours été obsédé par les arbres. Le lauréat du prix Pritzker en 2022 s’en est inspiré pour concevoir le café de la Triennale de Milan, la même année, ou le pavillon temporaire de la Serpentine Gallery à Londres, en plein Hyde Park, en 2017. Le thème de l’arbre est également très présent dans le dessin de la future Assemblée nationale du Bénin dont il est chargé.

“Il nous fallait pour ce projet un architecte capable de bousculer les codes, qui puisse construire tout en poussant les murs, qui lie intimement le matériel à l’immatériel. Le nom de Francis Kéré s’est tout de suite imposé à nous”, explique Audrey Azoulay. “L’Unesco a choisi de collaborer avec Francis Kéré en raison de la concordance de ses valeurs et de ses priorités avec celles de l’Organisation”.

Pour créer ce musée numérique, Francis Kéré s’inspirera donc de la forme d’un baobab,symbole de résilience et central dans la vie de nombreuses communautés africaines”. “Avec pour racines les fondements de notre identité (patrimoine culturel, matériel et immatériel) et les objets qui nous ont été enlevés, le musée sera à l’image de ce grand arbre”.

“Je souhaite créer un musée virtuel qui inspire et fait rêver les gens”, a affirmé Francis Kéré lors d’une émission de TV5 Monde.

  • Un musée numérique lancé en 2025

Le projet est développé avec l’organisation policière internationale Interpol, dont la base de données des objets culturels volés dans les musées, collections et sites archéologiques du monde entier répertorie plus de 52 000 objets.

Une version pilote du site, proposant dans un premier temps quelque 600 objets sur les 52 000 répertoriés par Interpol, devrait voir le jour fin 2025.

La version définitive, permettant aux usagers de naviguer en réalité virtuelle ou augmentée, nécessitera beaucoup plus d’argent et nécessitera des budgets et plusieurs années supplémentaires.

  • Quand le patrimoine mondial “perd” ses trésors 

L’Unesco ne dévoilera les pièces qui constitueront la collection initiale du musée virtuel que peu de temps avant son ouverture.

Mais ce dernier présentera nécessairement quelques unes des œuvres volées ou disparues les plus célèbres de l’histoire de l’art telles qu’une inscription en pierre d’albâtre du troisième siècle extraite du temple d’Awwam au Yémen entre 2009 et 2011; un objet en ivoire du VIIe siècle avant J.-C. représentant un lion attaquant un Nubien, volé au musée de Bagdad, en Irak, en 2003; un masque en pierre verte pillé sur le site maya de Rio Azul, au Guatemala, dans les années 1970 ou une figurine de Varaha du Ve-VIe siècle provenant d’un complexe de temples du Rajasthan, en Inde, disparu en 1988.

“Ce sont des objets qui existent physiquement, mais nous ne savons pas où”, a déclaré au Guardian Ernesto Ottone, directeur général adjoint pour la culture de l’organisation. “Nous les exposerons virtuellement, dans un espace où nous pourrons réellement raconter leur histoire et le contexte qui les sous-tend. Notre objectif est d’aider les jeunes en particulier à comprendre qu’un objet volé est un objet qui a été arraché à sa communauté, mais aussi d’aider à récupérer les objets volés et de promouvoir le rapatriement des biens culturels en général”.

Ces annonces interviennent au moment où le British Museum demande au public de l’aider à retrouver les quelques 2 000 objets “perdus” par le musée durant les dernières années. (ARTICLE CLIC: Sur son site web, le British Museum demande au public de l’aider à retrouver les objets volés de sa collection) Le 9 novembre 2023, les musées gallois ont également reconnu que près de 2 000 objets de leur collection, dont des pièces de monnaie, des carreaux de céramique et des médailles, auraient disparu de leur collection.

L’Unesco avait déjà noué un partenariat avec Google pour créer des expositions et visites virtuelles de sites patrimoniaux mondiaux sur la plateforme Google Arts & Culture, comme par exemple sur l’architecture mudéjare d’Aragon, en Espagne. Plus de 120 sites “patrimoine mondial de l’Unesco” sont ainsi aujourd’hui disponibles en visite virtuelle sur Google Arts & Culture.

www.unesco.org/en/articles/information-meeting-virtual-museum-stolen-cultural-objects

SOURCES: Unesco, presse

PHOTOS: Kéré Architecture

Date de première publication: 14/10/2023

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