Le Guggenheim vient de restaurer, non sans difficulté, la toute première œuvre d’art numérique entrée dans sa collection

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Le 16 mai 2017, le Guggenheim a annoncé avoir restauré la première œuvre digitale acquise. “Brandon” de Shu Lea Cheang pourra ainsi rejoindre de manière durable la collection permanente du musée de New York. C’est la première œuvre d’art numérique restaurée par l’institution.

Shu Lea Cheang est une artiste multimédia née à Taïwan en 1954. Depuis une dizaine d’années, elle est devenue la figure de proue de l’art numérique et du cyber féminisme. Elle utilise des approches pluridisciplinaires, ce qui rend son travail unique. Elle est connue notamment pour son approche individuelle de l’art et de la technologie, une créativité entremêlant questionnement social et méthode artistique.

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Brandon, est l’un de ses projets majeurs de site Web. C’est une une narration s’écoulant sur une année, explorant les problèmes de fusion des genres et du corps à la fois dans l’espace public et dans le cyberespace. Mais c’est surtout une réponse-hommage à Brandon de son vrai nom Teena Brandon, un individu trans-genre violé et assassiné en 1993, après que son anatomie de femme fut révélée. L’oeuvre narre l’histoire de Teena Brandon d’une manière expérimentale pour retranscrire la «fluidité et l’ambiguïté des genres et de l’identité dans les sociétés contemporaines».

Entre 1998 et 1999, Cheang a créé “Brandon”, un projet basé sur le web qui fut la première commande web de Guggenheim. Il comprenait des images et des contributions textuelles de dizaines d’autres artistes et écrivains sur les questions d’identité sexuelle et raciale, y compris des discussions dans des forums en ligne, des émissions web et une court virtuelle.

Un projet révolutionnaire à l’époque

C’était un projet très courageux à l’époque, une étape pionnière et visionnaire, a déclaré Joanna Phillips, conservatrice des médias du musée. “L’oeuvre a également été révolutionnaire à l’époque, car elle comprenait de nombreux aspects performatifs … Il y avait une connexion de caméra web très ancienne, de sorte que les gens d’Amsterdam et de New York pouvaient se voir et s’entendre. Su Lea Cheang a repoussé les limites de ce que les technologies de la communication pouvaient atteindre à l’époque. “

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Une conservation difficile mais nécessaire

Considérée comme l’une des première oeuvre d’art numérique, il est apparu nécessaire pour le Guggenheim de pouvoir garantir sa conservation. Pour ce faire, le musée a entamé un long et complexe projet de restauration.

Cette oeuvre de Shu Lea Chang fait figure de précurseur de l’art numérique, ne pouvait disparaître. La restaurer était de l’ordre de la nécessité.

Lorsque le projet de restauration a commencé, «beaucoup de parties du site Brandon ne fonctionnaient plus. Ces pièces ont des besoins très particuliers; le logiciel devient obsolète, le matériel se décompose», a expliqué Joana Phillips. 

L’exercice de restauration numérique est d’autant plus difficile que dans le milieu des musées, il n’y a que très peu d’antécédents pour pouvoir choisir les modes de conservations, et de restauration d’une oeuvre numérique.

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Le Musée a néanmoins trouvé le moyen de rendre accessible le site avec les technologies actuelles, sans le dénaturer.

En collaboration avec les étudiants du Département de l’informatique de l’Université de New York, les experts du Guggenheim ont analysé et transformé pendant plus d’un an le site Web et ses cinq interfaces, 82 pages et fenêtres contextuelles, toutes construites à partir d’environ 65 000 lignes de code. Comme l’explique le Guggenheim sur son blog des conservateurs, aucun code n’a été supprimé pendant la restauration. Les outils ont simplement reçu des mises à jour logicielles. Les technologies GIF et JavaScript remplacent par exemple les outils Java.

“Techniquement parlant, l’effort de restauration a notamment porté sur la  migration d’une technologie vers une autre”, explique Joana Phillips.

«Brandon» est désormais consultable en ligne et entièrement navigable, grâce à une restauration récente du musée dans le cadre de son initiative visant à conserver l’art numérique dans sa collection permanente.

 

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De nouvelles restaurations en cours

“Brandon” est l’une des trois œuvres d’art en ligne qui sont entrées dans la collection permanente de Guggenheim dans les premières années du web. Les deux autres oeuvres datent de 2002:  “Unfolding Object” de John F. Simon Jr et  “net.flag” de Mark Napier.  Ces deux sites, comme « Brandon », ont largement utilisé la technologie Java et ne sont plus entièrement accessibles sur les navigateurs contemporains. Ils sont actuellement hébergés sur le site Web de Guggenheim (Unfolding Object et net.flag ). Le corps professoral et les étudiants en informatique de NYU ont récemment analysé et documenté leur code source, et le musée Guggenheim via son initiative Conserving Computer-Based Art étudie maintenant la faisabilité d’une future restauration de ces deux oeuvres.

Sources: Guggenheim, hyperallergic.com

Mise en ligne le 11/07/17

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