Contrairement à un tableau, un vêtement est créé pour être touché par celle ou celui qui le porte. Une tenue est associée à des odeurs et des parfums mais également au bruit créé par les matières. La nouvelle et la plus ambitieuse exposition conçue par le Costume Institute du Met Museum présente les robes les plus exceptionnelles de sa collection. Au delà de sa richesse, “Sleeping Beauties : Reawakening Fashion” adopte surtout une approche multisensorielle permettant aux visiteurs de toucher, sentir et entendre les plus de 200 vêtements présentés.
Avec plus de 200 vêtements allant des années 1600 à aujourd’hui, l’exposition “Sleeping Beauties : Reawakening Fashion” (“Beautés endormies: réveiller la mode”) est donc la plus grande et la plus ambitieuse de l’histoire du Costume Institute en termes de variété et de portée.
Mais c’est surtout une expérience multisensorielle qui plonge le visiteur au cœur d’un nouveau type de défilé de mode.
“Un tableau est peint par un artiste pour être regardé, et il est immédiatement posé sur un mur pour que nous puissions y réfléchir”, a déclaré Max Hollein, directeur général et président du Met, dans le communiqué de presse. “Une robe est faite pour être portée, pour évoluer dans l’espace. Lorsqu’une œuvre de mode entre dans la collection du Met, elle devient un objet. Vous ne pouvez plus le toucher, vous ne pouvez plus le sentir, pas comme le voulait le créateur original. Cette exposition se veut une expérience multisensorielle et une célébration des nombreuses dimensions de l’expérience de la mode”.
L’exposition, imaginée par le cabinet d’architecture Leong Leong, est composée d’une série de 29 salles modulables, présentant des vêtements couvrant 400 ans d’histoire.
Reportage vidéo de Vogue USA avec le commissaire de l’exposition Andrew Bolton :
Andrew Bolton, commissaire en chef du Costume Institute du Metropolitan Museum of Art a précisé: “La mode fait appel aux sens du toucher, de l’odorat, de l’ouïe et parfois même du goût. À l’exception de la vue, qui est en réalité améliorée et amplifiée dans un contexte muséal, tous nos autres sens sont diminués ou compromis. Ce qui était autrefois une partie vitale de notre expérience vécue devient une œuvre d’art sans vie”.
- Plus de 200 des 33 000 vêtements de la collection du Met Museum
Le Costume Institute du Met conserve une collection de 33 000 vêtements, mais certains sont si fragiles qu’ils ne peuvent même pas être exposés sur un mannequin. Ces 15 pièces fragiles et uniques, appelées « belles au bois dormant », reposent à plat sous des vitres.
Dans l’exposition l’exposition “Sleeping Beauties : Reawakening Fashion”, le Met a imaginé de nouvelles manières de réanimer certains de ses trésors.
Une robe de bal du couturier britannique Charles Frederick Worth datant de 1887, en satin vert pâle et ornée de perles scintillantes, s’est tellement détériorée qu’elle ne peut pas être restaurée. Elle est disposée horizontalement et en face une animation 3D vidéo reconstitue cette robe portée par une femme dansant dans une salle de bal.
Les vêtements s’autodétruisent comme le monde naturel. Evoquant la relation entre la mode et la nature, le “manteau d’herbe” du directeur créatif de LOEWE, Jonathan Anderson est composé de laine bleu marine et est décoré d’avoine véritable, de seigle et de blé. Une autre vidéo accélérée montre le cycle complet, de la germination à la mort, afin d’explorer l’éphémère de ce vêtement et de la mode.
- Mapping poétique
La nature sert ainsi de fil conducteur à l’exposition, présentant des coquelicots, des roses, des oiseaux, des papillons et des insectes comme sources d’inspiration pour les designers.
“Dans des salles, nous avons créé une expérience immersive dans la nature grâce à de grandes surfaces de projection” explique la scénographe Leong Leong.
Une projection immersive transforme ainsi une pièce arborant une veste Alexander McQueen en une scène de campagne avec des corbeaux volants au plafond.
Dans une autre salle, le visiteur est transporté dans un jardin anglais luxuriant.
- Des vêtements à sentir
Les vêtements dégagent des odeurs propres à celui qui les porte. Il en va de même pour ceux qui appartiennent à la collection d’un musée, qui contiennent également des senteurs, remontant parfois à des décennies.
L’équipe du studio Sissel Tolaas a extrait les molécules odorantes des tissus de certains vêtements exposés, puis a utilisé la technologie pour identifier et reproduire ces odeurs, qui rappellent le tabac, les boissons amères, les crèmes pour la peau, les roses, les environnements pollués, et même le dentifrice ou un chien.
A plusieurs étapes de l’exposition, le visiteur peut ainsi sentir des arômes à travers des tubes ou frotter doucement une paroi pour libérer l’odeur.
Une salle dédiée au style audacieux de la mondaine new-yorkaise Millicent Rogers présente une expérience olfactive destinée à rappeler son parfum dérivé de molécules trouvées sur les robes et chapeaux exposés. Des notes de son parfum sont également mélangées à des fragments recréés de ses odeurs corporelles naturelles, influencées par ce qu’elle a mangé, bu et fumé.
- Toucher la célèbre robe Miss Dior
Le public du Met peut également toucher la célèbre robe Miss Dior de Christian Dior.
Une réplique en plastique imprimée en 3D de la robe fleurie offre la possibilité de ressentir la forme des fleurs. Les visiteurs sont également invités à toucher le papier peint noir à motifs derrière la réplique, créé à partir des fleurs brodées sur l’interprétation de Raf Simons de la même robe « Miss Dior ».
Dans une autre salle, la broderie complexe d’un gilet datant de 1615-1620 a été réinventée dans un papier peint interactif en relief réalisé selon la technique Braille.
- Une immersion sonore émouvante
Les conservateurs du Costume Institute et les commissaires de l’exposition ont réfléchi à la manière dont les contenus sonores pourraient compléter les éléments visuels.
Dans l’espace dédié aux coquelicots, qui présente notamment la robe “Exploded Poppy” d’Isaac Mizrahi et la composition de coquelicots multicolores de Viktor & Rolf, un enregistrement du poème de 1915 “Au champ d’honneur” est diffusé par des haut-parleurs. Le poème, lu par Morgan Spector, loue le courage et pleure le sacrifice des soldats morts sur le front occidental pendant la Première Guerre mondiale.
Dans une autre salle explorant la fascination des artistes romantiques pour la sirène, le son des vagues accompagne le regard. Ailleurs, devant d’autres vêtements, le visiteur est guidé par le bruissement du taffetas de soie ou le cliquetis des coquillages.
- ChatGPT permet de dialoguer avec Nathalie Potter
Le 4 décembre 1930, le mariage de Natalie Potter, mondaine new-yorkaise avec le financier William Conkling Ladd, fut un tel événement glamour que la photo de mariage de la mariée a été publiée dans Harper’s Bazaar. La robe était doté d’une longue traine, mais était dépourvue de perles en raison de la Dépression.
Pour redonner vie au mariage de Potter, le Met a travaillé avec OpenAI et Chat GPT pour créer une expérience interactive permettant de dialoguer avec Nathalie Potter. Grace à l’IA, le public peut poser des questions sur son mariage, sa tenue et sa vie dans les années 1930 et ainsi plonger dans le New York d’il y a 94 ans.
Comme le résume Andrew Bolton : “L’exposition rappelle que les vêtements du musée, bien que destinés à un sommeil éternel, n’oublient pas leur histoire sensorielle. Au lieu de cela, ces histoires sont ancrées dans les fibres mêmes de leur être et nécessitent simplement une réactivation à travers l’esprit et le corps, le cœur et l’âme de ceux qui sont disposés à croire en leur magie”.
L’exposition a été inaugurée le soir du Met Gala du Costume Institute, le 7 mai 2024. Elle est ouverte au public du 10 mai au 2 septembre 2024.
www.metmuseum.org/exhibitions/sleeping-beauties-reawakening-fashion
SOURCES: Metropolitan Museum of Art (CP et site web), presse
PHOTOS: Metropolitan Museum of Art
Date de première publication: 10/05/2024
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