“Restitution numérique”: 116 ans après, une des deux statues du Met revient au château de Biron en Dordogne

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En 1907, le marquis de Biron a vendu la Piéta de sa chapelle au Metropolitan Museum de New-York. 116 ans après, le groupe de sculptures a fait son “retour numérique” au château de Biron. L’Atelier des Fac-Similés du Périgord a réalisé une copie de l’œuvre sur la base de sa numérisation à très haute définition dans la salle du musée de New York. Une seconde œuvre exposée au Met devrait “revenir” en Dordogne à la fin 2024, sous la forme d’un “jumeau”.

Ce projet est le fruit d’une collaboration culturelle internationale unique lancée en 2018. A cette date, la Semitour, structure qui gère une douzaine de sites touristiques pour le Conseil départemental de Dordogne dont le château de Biron, convainc le Metropolitan Museum of Art de New-York (MET) de travailler ensemble pour que le château de Biron puisse retrouver deux importantes sculptures de la Renaissance vendues aux États-Unis en 1908. Le partenariat fut officiellement signé en février 2023. (ARTICLE CLIC: Le Metropolitan Museum of Art de New York et la Semitour signent un accord pour la “restitution numérique” de 2 statues médiévales)

La chapelle du château de Biron en Dordogne a aujourd’hui retrouvé l’un de ses trésors emblématiques et historiques: “La Piéta avec les donateurs”.

Reportage de France Bleue Périgord: 

  • Quand le château retrouve ses œuvres emblématiques

La copie de sa Piéta a été dévoilée le jeudi 19 octobre 2023 à l’emplacement exact qui accueillait l’original, lors d’une cérémonie organisée par le Conseil départemental de Dordogne.

“Un moment vraiment très émouvant dans l’histoire de notre département” a déclaré à France Bleue Germinal Peiro, le président du Conseil départemental de la Dordogne. “J’ai salué dans mon discours Michel Manet et les collègues du Conseil général de l’époque qui, à la fin des années 70, avaient fait le choix d’acheter le château de Biron. Et ce n’était pas un choix facile. Il y a 50 ans, le château était vraiment très dégradé. En faisant ce choix, il savait qu’il allait s’engager dans des investissements qui allaient durer. Et il a fallu plusieurs décennies pour restaurer Biron. Mais aujourd’hui, Biron est devenu un phare dans une zone du département qui n’est pas la zone la plus touristique. Et c’est ça qui est intéressant. Nous, ce qu’on veut, c’est que cette activité puisse se développer à la fois dans le temps, c’est à dire en essayant d’avoir des visiteurs toute l’année, mais aussi dans l’espace, que ce soit de Nontron à Bergerac, de Ribérac à Sarlat”.

Rendre le château de Biron encore plus attractif passe également par le retour de ses œuvres, comme la Piéta. Et la technologie numérique peut favoriser cette forme de “restitution”.

  • “Restitution numérique” d’une première œuvre le 19 octobre 2023

Le retour de la Piéta au Périgord parachève une longue histoire et un parcours passé par les Etats-Unis.

“En 1907, elle fut l’une des œuvres vendues par le propriétaire de Biron à Monsieur Morgan, fondateur du futur musée du Metropolitan Museum de New York, qui ambitionnait de devenir le plus grand musée du monde. Il voulait dépasser le Louvre, et venait donc tout acheter en France. Bien lui en a pris puisqu’en 1913, une loi a interdit la sortie de toute œuvre de France” explique à France Bleue, André Barbé, le directeur général de la Sémitour.

En 1957, la propriétaire du château a souhaité faire une copie des œuvres. Le musée new-yorkais lui a répondu que ce n’était pas possible parce que la technique de l’époque, le moulage, risquait d’enlever de la polychromie et d’endommager l’œuvre.

“En 2017,  la petite société des Ateliers des Fac-Similés du Périgord dont je suis le directeur général, a demandé si on pouvait faire des copies numériques des œuvres. Et là, la réponse a été immédiate, c’était oui, c’était formidable. Nous n’avions plus qu’à demander les relevés de photogrammétrie. C’est chose faite. Un contrat nous demandant 24 000 $ nous a été envoyé, on a dit oui. Le contrat de collaboration est signé en février. On se rend sur sur place pour voir les œuvres. Et aujourd’hui, la Piéta trône dans la chapelle !” s’enthousiasme André Barbé.

  • Huit mois de travail pour produire la copie

L’Atelier des Fac-Similés du Périgord, qui a reproduit les fresques de Lascaux IV, a travaillé pendant plus de huit mois. “Un beau défi technologique, artistique et humain pour pouvoir rendre ce groupe de statues le plus fidèle à l’original possible” explique Gille Lafleur, coordinateur de l’atelier.

Le Metropolitan Museum a produit la numérisation de 2 œuvres provenant de Biron, par la technique de photogrammétrie et a fourni un modèle 3D avec 1 600 photos haute définition. Cette matière première numérique a permis de produire et d’imprimer les statues en 3D.

Puis les 4 artistes de l’Atelier ont ensuite pu “remodeler, graver et mettre des enduits sur cette impression 3D pour donner l’impression de pierre” comme le décrit Gilles Lafleur. “A partir des photos, l’atelier a reconstitué toute la couleur de la pierre et les polychromies”.

“L’outrage du temps fait que ce groupe de statues présenté maintenant au Château de Biron est le même que celui qui se trouve au Metropolitan au graffitis près! Car il y a eu beaucoup de graffitis sur le Christ, sur le visage de la Vierge, sur le casque qui se trouve à droite du groupe. Cela fait partie de l’histoire de cette œuvre” ajoute Gilles Lafleur.

Making de la production des fac-similés de “La Pieta de Biron” : 

La production du facsmilé de la Piéta et du second groupe sculpté a coûté 350.000 euros, financés par le Département et par la Sémitour, auquel s’ajoute les 24 000 dollars (22 730 euros) de numérisation facturés par le Met.

  • Une seconde œuvre bientôt de retour à Biron

Un second groupe de statues, vendu en même temps que la Piéta au Metropolitan Museum, devrait prochainement “revenir” à Biron.

“La Mise au tombeau” Photo: Guss Powell / Met Museum

Il s’agit de “la mise au Tombeau du Christ”. “Une œuvre encore plus imposante que la Piéta et qui a déjà été numérisée. Les ateliers ont déjà commencé à travailler dessus, et d’ici quelque mois, nous reviendrons l’installer ici à Biron” précise Germinal Peiro, le président du Conseil départemental de la Dordogne.

Il faudra attendre la fin 2024 pour voir l’autre pièce maîtresse faire son retour à Biron. Car le travail est encore plus complexe, avec huit personnages et le tombeau lui-même à réaliser.

Pourrait-on imaginer d’autres “restitutions numériques” de même nature, avec d’autres musées du monde et de France ?

A cette question André Barbé répond, à France 3, “Travailler avec le MET aujourd’hui c’est génial ! Si on pouvait le faire avec le Louvre, ce serait formidable !”. Et le directeur de la Sémitour et des Ateliers d’ajouter: “On a travaillé avec l’un des musées les plus importants du monde. On va réaliser des œuvres qui vont montrer qu’on est capables de réaliser des copies monumentales, des statues remarquables“.

“Si le Metropolitan Museum a accepté de nous confier cette mission, c’est aussi en grande partie parce qu’on avait fait le fac-similé de Lascaux et c’était une grosse carte de visite”, précise Gilles Lafleur.

La Semitour et le Château de Biron ont déjà  identifié d’autres oeuvres dont les originaux sont au Met Museum ou dans d’autres musées du monde et qui pourraient faire l’objet d’un facsimilé.  “Notamment des tapisseries d’Aubusson qui se rapprochent de celles qui ont pu exister à Biron et qui pourraient être reproduites ou des portraits de la famille des Gontaut Biron qui se trouvent actuellement à Versailles et à Boston” précise la Semitour.

A part Lascaux et Biron, d’autre lieux du réseau Semitour pourraient également bénéficier du savoir faire de l’atelier facsimilé. “Via la fabrication de produits dérivés pour les boutiques de nos sites. L’AFSP est labellisée entreprises du patrimoine vivant et produits fabriqués en Dordogne. Cela est tout à fait en accord avec notre stratégie de circuit court, de savoir-faire locaux (NF Environnement)” explique la Semitour.

Des activités de médiation spécifique vont être proposées par le Château de Biron, autour de ces 2 retours d’œuvres. Le programme d’activités devrait être enrichi en 2024: conférences qui vont permettre de balayer la période de l’aube de la Renaissance en Europe, des animations “Au temps des Bâtisseurs” et des ateliers de fac-similés proposées aux écoles et au grand public.

En parallèle des facsimilés, le Château de Biron travaille sur d’autres projets innovants (numérique ou social) dans les prochains mois. “La Semitour travaille avec le Mobilier National et préparer un nouveau parcours de visite avec notamment la réouverture des caves et du cabinet des peintures du 16ème siècle”.

SOURCES: Semitour, presse

PHOTOS: Semitour (c) Déclic & Décolle

Date de première publication: 27/10/2023

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