Pour son expo «des animaux et des pharaons», le Louvre-Lens propose un dispositif multimédia d’exploration de momies animales

Partager :
Temps de lecture : 8 min

Du 5 décembre 2014 au 9 mars 2015, le Louvre-Lens présente «Des animaux et des pharaons», une grande exposition sur le thème des animaux dans l’Égypte ancienne. À cette occasion, plusieurs dispositifs multimédia viennent enrichir la visite. En particulier, un écran tactile propose de manipuler virtuellement certaines des momies animales présentées, pour découvrir ce qu’elles renferment.

Animaux1

6 momies passées au crible

Dans la section de l’exposition consacrée aux cultes des animaux sacrés et aux momies offertes aux dieux, sont présentées plusieurs momies animales issues des collections du Louvre. Préalablement à leur arrivée à Lens, 14 d’entre elles ont fait l’objet d’un examen tomodensitométrique sous la houlette d’un médecin radiologue et avec le concours d’un cabinet vétérinaire équipé d’un scanner volumique. L’imagerie médicale obtenue dans ce cadre et interprétée par des experts a permis de collecter des informations scientifiques inédites sur ces momies : nature et état de conservation des restes contenus dans la momie, espèce de l’animal embaumé, type de mise à mort, techniques utilisées par les embaumeurs, etc.

Ces images, associées à des numérisations en 3D des momies concernées, ont servi à concevoir un dispositif multimédia qui offre au visiteur l’opportunité de procéder lui-même à l’autopsie virtuelle de 6 momies animales : celles d’un bélier, d’un chat, d’un crocodile, d’un faucon, d’un ibis et d’un poisson. À partir d’un écran tactile, le visiteur pourra ôter la couche de bandelettes des momies, pour en découvrir le contenu : qui peut aller du corps quasi complet de l’animal, à de minutieux assemblages de textiles et d’armatures en bois parfaits subterfuges.

Momies3

Une panoplie d’outils numériques

D’autres dispositifs multimédia, accessibles gratuitement, accompagnent l’exposition :

Un guide multimédia proposant un parcours de visite autour de 20 œuvrescommentaires dits par Hélène Guichard, commissaire de l’exposition

Dans l’exposition, un jeu interactif sur écran tactile. Il s’agit d’associer 3 images pour un même animal donné : une photo de l’animal réel, une oeuvre de l’exposition le représentant et enfin la divinité correspondante. Si l’association est correcte, une courte séquence animée apparaît à l’écran : un jeune scribe explique de manière ludique le lien entre les caractéristiques comportementales de l’animal et sa symbolique religieuse.

Au Centre de ressources, un dispositif expérimental de gestuelle 3D conçu avec Orange. Muni de lunettes 3D, l’utilisateur balaie de la main un carrousel composé de 7 œuvres présentes dans l’exposition, qu’il peut saisir et manipuler dans l’espace pour les observer dans les moindres détails et sous tous les angles.

– Dans la Bulle immersive du Centre de ressources, c’est le décor de la chapelle du mastaba d’Akhethetep qui sera exploré, via une animation sur un mur d’images en très grand format et haute définition.

INTERVIEWS CROISEES: Guilaine Legeay (Chargée de conception multimédia, Louvre-lens) et Benjamin Moreno (Directeur, IMA Solutions)

Comment est née l’idée de passer au crible les 6 momies animales ?

Dicomchatrsz_dicomchat_2 (2)Guilaine Legeay: L’examen au scanner de 14 momies animales, qui appartiennent aux collections du Louvre, a été décidé dès les premières réunions de travail avec Hélène Guichard. Pour le département des Antiquités Égyptiennes, cette exposition était l’occasion d’effectuer des examens sur ces momies. L’objectif est toujours le même : approfondir les connaissances sur ses collections. Pour nous, Louvre-Lens, l’enjeu était ensuite de proposer à nos publics, dans l’exposition, ses données scientifiques obtenues lors de ces examens. Dans un premier temps, nous avons donc accompagné le Louvre dans l’organisation de cet examen au scanner, qui a été effectué dans une clinique vétérinaire de la banlieue parisienne. Mais l’étape essentielle a été la conception d’un dispositif numérique proposant au visiteur de manipuler des images 3D présentant les éléments composants ses momies.

Comment transposer des donnés de scanner médicaux, prenant la forme obscure de fichiers Dicom, vers un dispositif interactif permettant aux visiteurs de manipuler des images 3D lisibles par tous ? L’enjeux principal de ce projet était là. Une fois les scanners effectués, des réunions rassemblant radiologue, conservateurs, spécialistes animaliers ont permis une lecture précises et collectives de ces scanners. Très vite, Ima Solutions s’est attelé à produire les clichés 3D permettant de mettre en volume ce qui était visible sur les scanners.

Le résultat final est vraiment bluffant. Ce dispositif est une réussite car à partir d’un projet très orienté scientifiquement,  nous avons pu développer un dispositif de médiation réellement innovant,  de par le contenu et l’expérience proposés.

Qui a développé l’application interactive destinée à la table interactive ? et le jeu sur table interactive ?

Benjamin Moreno L’application 3D du dispositif sur les momies a été conçue par IMA Solutions et la société Tataragne Interactive. Nos sociétés sont basées côte à côte à Toulouse. IMA Solutions s’est occupé du traitement des données issues du scanner médical. Ce traitement consiste à générer les modèles 3D des momies à partir des coupes 2D issues du scanner et à segmenter les zones d’intérêt des momies pour les mettre en valeur (via une colorimétrie différentes ou via des jeux de transparence). Nous avons également travaillé en collaboration avec les équipes du Louvre et le Dr Samuel Mérigeaud sur la définition des zones d’intérêt et sur le design de l’application en collaboration avec Tataragne Interactive. Les modèles 3D générés ont ensuite été intégrés dans le moteur de jeux 3D Unity3D qui a servi au développement de l’application (optimisation 3D, interface utilisateur,…).

Momies4

GL : Le développement, la mise en forme, l’ergonomie et le design de l’application ont été faits en collaboration avec Tataragne Interactive.  Cette conception ergonomique était essentielle afin de proposer aux visiteurs un dispositif le plus intuitif possible. C’est un poncif que de dire qu’un dispositif numérique doit être intuitif. Mais ici cet enjeu était vraiment central, l’interaction devant participer pleinement de l’expérience innovante, à savoir découvrir les «contenus» de momies animales.

L’autre dispositif numérique de l’exposition, le jeu, a été développé par la Société Fleur de Papier et Ismaël Corbillé. Il consiste en un jeu à destination des familles, permettant de découvrir comment les égyptiens ont utilisés les traits de caractères des animaux, qu’ils observaient très finement pour les associer aux différents dieux de leur quotidien. Pour ce dispositif , Fleur de Papier nous a proposé des animations très poétiques, permettant une bonne compréhension de cette caractéristique de l’Egypte ancienne.

Qui a produit les contenus du guide multimédia ? 

GL: Les commentaires du guide multimédia ont été conçus et enregistrés par Antenna International.

Ce guide sera-t-il téléchargeable ?

GL: non

Est-ce la première fois que le Louvre-lens bénéficie du dispositif expérimental de gestuelle 3D conçu par Orange ? pourrait-il être utilisé pour d’autres expositions, voire pour la galerie du temps ?

GL : Un dispositif du même type avait été testé à Lens lors d’une nocturne expérimentale en janvier 2012. Cet essai avait donc été très court. Pour l’exposition «Des animaux et des pharaons», avec les équipes d’Orange nous avons voulu proposer un dispositif de gestuelle 3D en total autonomie, et surtout présenté pendant toute la durée de l’exposition. Nous proposons ainsi un dispositif en 3D permettant de manipuler à sa guise, via une Kinect,  7 œuvres présentes dans l’exposition. C’est une manipulation virtuelle de chef d’œuvres de l’exposition. 

Ce dispositif est installé dans le centre de ressources et non dans l’exposition, puisque nous désirons interroger ici l’apport d’une gestuelle 3D dans le cadre de découverte virtuelle d’œuvres d’art. Il va être très intéressant de voir comment les publics se l’approprient, mais aussi comment des médiateurs peuvent intégrer ce dispositif dans une activité à destination des enfants ou encore du grand public.

Proposer ce dispositif pendant les 3 mois de l’exposition est une grande opportunité, puisqu’il nous permet d’avoir un temps de test et d’évaluation conséquent. Ainsi nous allons accueillir des étudiants de l’école du Louvre qui vont venir observer puis interroger des scénarii  de médiations autour de ce dispositif. Un bilan sera effectué à la fin de l’exposition, et nous verrons s’il est intéressant de le déployer dans d’autres espaces du musée ou même dans le cadre d’action «hors les murs».

Qui a produit l’animation sur un mur d’images en très grand format et haute définition  du décor de la chapelle du mastaba d’Akhethetep ?

GL: Le programme de la bulle immersive sur la chapelle du mastaba d’Akhethetep  a été produit en interne par les équipes du centre de ressources du Louvre-Lens.

Quel est le budget global des outils numériques de l’exposition Momies ? Avez-vous reçu un mécénat pour les financer ?

GL: Les deux dispositifs numériques de l’exposition ont été financés par le musée du Louvre-Lens, et la fondation La Caïxa qui coproduit cette exposition pour un budget avoisinant les 50 000 euros. Orange partenaire de longue date du musée du Louvre-Lens est mécène du dispositif de gestuel 3D.

TjayaSetiMu_Body_03
(c) IMA Solutions

Vous êtes à l’origine des explorations virtuelles 3D des momies de l’exposition actuelle du British Museum. Pourquoi un tel tropisme pour l’Egypte ancienne ?

Nous travaillons sur une grande variété d’œuvres et de restes biologiques (humains ou animaux) de toute époque comme par exemple à la numérisation 3D des collections du Musée Départemental d’Arles Antique (notamment sur la statue de Neptune retrouvée dans le Rhône) ou encore à la numérisation 3D de fossiles d’hominidés anciens retrouvés en Afrique du Sud. Mais il est vrai que nous avons acquis une solide expérience dans la numérisation 3D par tomographie rayons X de restes humains anciens notamment de momies égyptiennes, notre premier projet de ce type ayant été réalisé en 2008 pour le British Museum avec l’exploration 3D de la momie «Nesperennub».

Cela tient principalement au fait que la tomographie rayons X est actuellement la seule technique d’exploration non invasive et non destructrice pour l’analyse des momies. Cela permet aux conservateurs et aux égyptologues de réaliser des autopsies virtuelles des momies sans endommager leur morphologie contrairement à une autopsie classique. Nous apportons notre savoir-faire dans le domaine de l’imagerie médicale et dans le domaine du calcul haute performance pour donner aux musées un maximum d’informations scientifiques à leur collections, notamment sur les restes humains anciens.

Ancient_Lives_01
(c) IMA Solutions

Avez-vous utilisé les mêmes technologies pour les outils de médiation du BM ?

Oui, les mêmes technologies et techniques d’imagerie 3D ont été utilisées notamment pour la segmentation des données scanner et la création des contenus 3D. Cependant, l’application interactive du Louvre Lens bénéficie d’une plus grande interactivité et d’une plus grande liberté de manipulation virtuelle des momies par le public grâce à l’utilisation du moteur de jeux Unity3D.

Pour le Louvre Lens, six momies animales sont présentées sur un même dispositif interactif tactile (une table Samsung Surface SUR40) alors qu’au British Museum, chacune des huit momies humaines a son propre système de visualisation 3D (interactif ou non). Ces deux approches différentes sont dictées par la scénographie de l’exposition, la gestion des flux de visiteurs ou encore par la volonté du musée de laisser plus ou moins de liberté de manipulation sur les systèmes interactifs d’une exposition.

De notre côté, nous cherchons à nous rapprocher au maximum des souhaits des musées et à s’intégrer parfaitement dans la scénographie de l’exposition. Ce qui importe, c’est de pouvoir donner aux visiteurs la possibilité d’explorer les collections d’une nouvelle façon, plus intuitive et interactive.

Propos recueillis par mail le 2 et 3 décembre 2014

Date de première publication: 4/012/2014

Clic-separateur(A LIRE SUR LE SITE DU CLIC) (3)

Atelier N°22 « Restitution d’expériences et retour d’usages »: mardi 18 mars 2014

Orange poursuit son soutien à l’innovation numérique muséale et culturelle

Au Louvre-Lens, les visiteurs se prennent en photo pour dire adieu à la «Liberté guidant le peuple»

Avec l’exposition « l’Europe de Rubens », le Louvre-Lens donne la parole aux visiteurs

Anne Lamalle (Louvre-Lens): « La médiation multimédia permet de rendre vivante et collective la découverte du musée »

banner clic 2024 V1

Laisser un commentaire