Le Design Museum de Londres publie une boîte à outils en 5 langues, dont le français, pour réduire l’impact environnemental des expositions

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Le 4 avril 2024, le Design Museum de Londres a publié la traduction de sa boîte à outils pour réduire l’impact environnemental des expositions dans les 6 langues de l’ONU. Ces versions chinoise, française, russe et espagnole ont été développées avec le soutien du cabinet de conseil Culture Connect. En s’appuyant sur le bilan carbone d’une exposition de 2022, l’institution culturelle de Londres souhaite ainsi partager avec les autres musées du monde ses conseils pour une éco-conception des expositions.

La boîte à outils sur l’impact environnemental du Design Museum a été créée pour être partagée et utilisée par l’ensemble de la communauté muséale. Elle se compose d’un guide pour réduire l’impact environnemental de la conception d’expositions et d’un modèle d’impact pour mesurer les émissions de carbone associées.

Le modèle d’impact environnemental permet aux musées de suivre et de calculer les émissions de carbone liées à chacune de leurs expositions.

“En plus d’enregistrer des données, il est également destiné à faciliter la prise de décision pendant le processus de conception lui-même. Cela donne aux équipes d’exposition la possibilité d’évaluer l’empreinte carbone des choix de conservation et de conception, tels que les mérites environnementaux de matériaux spécifiques ou les émissions liées au transport d’un objet particulier” explique le musée.

Une des salles de l’exposition “Rebel” (c) Andy Stagg, Design Museum
  • Un guide pour l’ensemble du secteur muséal

Bien que le Guide d’impact environnemental soit basé sur les activités du Musée du Design, il propose des principes fondamentaux qui s’appliquent à l’ensemble du secteur muséal et peuvent permettre à d’autres institutions de réfléchir à la manière dont elles réalisent des expositions.

Cela va de la conception et de la construction d’une exposition à l’énergie consommée par ses actions de communication pendant la phase de production.

  • Un projet lancé en 2023

Soutenue par Future Observatory et financée par les Arts et Humanities Research Council (AHRC), la boîte à outils a été lancée pour la première fois par le Design Museum en 2023.

Elle est issue de “Waste Age: What can design do ?”, une exposition du Design Museum qui explorait comment les designers peuvent réutiliser les déchets et créer une industrie plus durable.

Dans le cadre de l’une des premières évaluations du cycle de vie d’une exposition au Royaume-Uni, le Design Museum a réalisé un audit environnemental de “Waste Age” pour calculer son impact et éclairer les processus des futures expositions.

  • Une boite à outils pour guider les futurs projets

Le Design Museum et l’Observatoire du Futur ont ensuite mandaté le cabinet de conseil URGE pour collaborer à la boîte à outils sur l’impact environnemental.

“Permettre aux institutions d’identifier les zones à impact environnemental majeur dans les expositions leur permet de prendre des décisions éclairées qui peuvent réduire l’empreinte de leurs activités” annonce le musée. “La boîte à outils est destinée à être utilisée de manière à ce que ces considérations soient intégrées au processus de réalisation des expositions”.

Cela façonne – dès le départ – la manière dont les institutions travaillent avec des concepteurs, des entrepreneurs et des fournisseurs mandatés pour communiquer et atteindre leurs objectifs environnementaux.

  • Coopération avec des musées du monde entier
Portrait d’Elise Foster Vander Elst © Felix Speller pour le Design Museum

Le Design Museum travaille actuellement avec des musées du monde entier, pour leur proposer des programmes de conseils sur mesure pour les soutenir dans leurs évolutions dans ce domaine.

Elise Foster Vander Elst, responsable des expositions et de l’environnement Impact Lead au Design Museum, explique : “Depuis que la boîte à outils a été lancée l’année dernière, des institutions de New York à la Nouvelle-Zélande ont utilisé notre guide pour éclairer leur approche de la production d’expositions de manière plus responsable. Les conseils sur les achats, la prise de décision et la façon de mesurer le CO2e ont permis à des collègues du monde entier de comprendre sur quoi concentrer leur attention pour un impact maximal. Nous sommes ravis de publier cette recherche dans davantage de langues afin de garantir une portée encore plus large”.

  • Principales conclusions du guide (extraites du rapport en langue française)

. L’énergie
Passer à une source d’énergie renouvelable est la mesure la plus efficace que nous puissions prendre pour réduire nos émissions. Grâce à l’électricité renouvelable, le Design Museum a ainsi pu réduire l’impact de Waste Age à 28 tonnes d’émissions de CO2e, alors qu’il aurait été près de 185 tonnes sans cette mesure. À elle seule, cette mesure a réduit l’impact total potentiel d’environ 85%.

. Expositions
Les objets exposés dans “Waste Age” pesaient au total environ 2,5 tonnes et la distance moyenne parcourue pour arriver à notre musée était d’environ 1 250 km. C’est sur ces points précis que les décisions des conservateurs et commissaires ont un impact significatif sur le développement durable. En effet, un objet de “Waste Age” a lui seul représentait 2 tonnes des 2,5 tonnes de poids total. La plupart des objets exposés venaient du Royaume-Uni, or, cet objet expedié de l’étranger était aussi à l’origine de la
hausse de la distance moyenne parcourue par l’ensemble des objets exposés. L’empreinte logistique, excluant cette commande majeure, était inférieure à 20 kg de CO2e (représentant 0,06 % de l’empreinte totale). En l’incluant, elle s’élevait à environ 5 tonnes
de CO2e. Par ailleurs, les émissions carbones liées à la structure de cet objet a été estimé à environ 9,3 tonnes CO2e (5,6t de CO2e pour les téléviseurs et 3,7t de CO2e pour les moulages en cuivre). Les émissions totales associées à cet objet s’élevaient donc à environ 14,2 tonnes d’équivalent de CO2e, représentant ainsi près de la moitié de l’impact total de l’exposition. La question qui se pose : aurions-nous dû inclure cet objet ?

. Le montage / la scénographie
Quels éléments ont représenté la plus grande empreinte carbone lors du montage de l’exposition ? Les vis. Le montage de Waste Age a nécessité 4 800 vis de terrasse en acier inoxydable standard pour tout assembler. Elles ont eu un impact de 1,9 tonne de CO2e, soit environ 7 % de l’empreinte totale de l’exposition. L’utilisation d’une charpente en bois au lieu d’une charpente en aluminium standard a permis d’économiser 1,5 tonne de CO2e et de réduire l’impact d’environ deux tiers. Le choix des briques crues au lieu des briques cuites a permis d’économiser 6 tonnes de CO2e, soit la deuxième économie majeure après le passage à l’électricité renouvelable. Nous avons aussi économisé en conservant certaines cloisons de l’exposition précédente et en réutilisant des blocs de silicate pour créer de nouveaux socles.

. Réutilisation
Réutiliser les matériaux était essentiel pour maintenir l’empreinte carbone de Waste Age à un niveau bas.

Nous avons réussi à réutiliser :
• tout notre bois d’œuvre, qui a été donné à une entreprise de construction locale
• 800 briques cuites qui ont également été données à la même entreprise de construction
• les boîtes en plexiglas qui pour la plupart ont accompagné l’exposition à Paris, certaines
ont été offertes à des étudiants du Royal College of Art
• 250 briques cuites, 10 blocs de silicate et 10 briques adobe ont été donnés à un architecte d’intérieur local
• tout notre feutre qui a été donné à un créateur de mode local pour sa collection.

. Communication numérique
Nous avons envoyé près de 11 000 courriels pendant l’élaboration de Waste Age. Environ 11 Go de données ont été partagées au cours de tout le processus de production. A eux deux, ces deux éléments représentent environ 1 tonne de CO2e. Nous avons également passé près de 750 heures en appels vidéo (nous ne savons pas combien d’entre elles ont été consacrées à dire aux gens qu’ils étaient en mode silencieux). Ce processus a montré que moins de 3 % de l’empreinte totale de Waste Age était liée à la communication numérique, sur la phase de préparation.

  • Les enseignements

. Réduire l’impact commence par les décisions des conservateurs
La présence d’une seule installation à grande échelle a eu un impact considérable sur l’empreinte carbone de Waste Age. Était-elle donc nécessaire ? Cette installation apportait-elle une valeur ajoutée telle à l’exposition qu’elle en justifiait le coût
environnemental ? Aurions-nous pu l’inclure d’une autre manière ? À l’avenir, nos conservateurs devront tenir compte de ces facteurs lorsqu’ils décideront du contenu de nos expositions.

. Collecter des données
La collecte minutieuse des informations détaillées et le suivi des fournisseurs tout au long de l’audit ont permis au Design Museum de prendre des décisions en toute connaissance
de cause. L’équipe a eu l’opportunité de reconsidérer ses hypothèses et de montrer que certaines alternatives parfois surprenantes comme l’utilisation de plastique recyclé au lieu de carton pour les légendes des expositions – étaient en réalité les moins nocives sur le plan environnemental.

. Choisir les matériaux de façon intelligente
Nous avons travaillé avec les architectes de Material Culture pour nous assurer que tous les matériaux étaient naturels, biodégradables ou recyclables, mais pour la scénographie ,
aurions-nous pu choisir des matériaux plus durables ? La structure en bois vissée aurait-elle pu être remplacée par une structure en aluminium que nous pourrions réutiliser pour
d’autres expositions ?

. Défier les codes
Les processus de conception de la scénographie comme le processus d’audit ont incité nos équipes à questionner les méthodes traditionnelles de planification et de construction
d’expositions. Réduire notre empreinte carbone ne se fera pas du jour au lendemain, mais à mesure que nous explorons de nouvelles alternatives, nous voyons émerger des solutions viables et réellement efficaces.

. Travailler ensemble
L’audit n’a été possible que grâce à la compétence conjointe de plusieurs experts. La communication interne entre les départements du musée a révélé que certains changements pouvaient être bénéfiques comme la création d’un groupe de travail sur l’impact environnemental pour aider l’ensemble des équipes du musée à travailler ensemble afin d’intégrer le développement durable dans notre culture.

. Décompte du carbone numérique
L’audit de notre bilan carbone a mis en évidence les émissions étonnamment élevées générées par nos communications numériques. Travailler plus intelligemment et plus efficacement (at-on vraiment besoin de toutes ces pièces jointes ?) peut faire une réelle différence.

. Réduire les déplacements en avion
Nous avons lancé Waste Age au plus fort de la pandémie de Covid-19, ce qui a inévitablement réduit les déplacements. Loin d’être parfaites, nous avons appris que les solutions à distance peuvent contribuer à réduire les déplacements en avion : appels
vidéo, par exemple, au lieu faire venir des personnes en avion pour superviser les installations.

. Créer un réseau de partage des ressources
Nous avons essayé de recycler tout le matériel de l’exposition en faisant don à d’autres entreprises et institutions. À un moment donné, nous avons cru avoir réussi à créer une exposition sans générer de déchets. Mais une institution s’est désistée à la dernière minute. Nous avons donc dû louer une benne et nous débarrasser rapidement de tonnes de matériaux avant le début de la construction de l’exposition suivante. Ces méthodes de partage sont fragiles, et nous avons réalisé que toutes les parties devaient prendre
conscience de ce qu’implique d’accepter des « choses gratuites ».

designmuseum.org/learning-and-research/design-museum-research/working-to-make-change

TÉLÉCHARGER LE GUIDE EN FRANÇAIS

  • À propos du Musée du Design 

Le Design Museum est le premier musée mondial consacré à l’architecture et au design contemporains. Son travail englobe tous les éléments du design, y compris la mode, les objets et le graphisme. Depuis son ouverture en 1989, le musée a tout exposé, depuis un AK-47 jusqu’aux talons hauts conçus par Christian Louboutin. Il a organisé plus de 100 expositions, accueilli plus de sept millions de visiteurs et présenté le travail de certains des designers et architectes les plus célèbres au monde, notamment Paul Smith, Zaha Hadid, Jonathan Ive, Frank Gehry, Eileen Gray, Dieter Rams, Margaret Calvert et Yinka Ilori. Le 24 novembre 2016, le Design Museum a déménagé à Kensington, à l’ouest de Londres. John Pawson a converti l’intérieur d’un bâtiment moderniste des années 1960 pour créer un nouveau siège pour le Design Museum, lui donnant trois fois plus d’espace pour présenter un plus large éventail d’expositions et étendre considérablement son programme d’apprentissage. Depuis son ouverture à Kensington en 2016, le Design Museum a accueilli des expositions majeures, notamment “Stanley Kubrick : The Exhibition”, “Moving to Mars”, “Amy : Beyond the Stage”, “Sneakers Unboxed : Studio to Street”, “Electronic : From Kraftwerk to The Chemical Brothers”, “Charlotte Perriand : La vie moderne”, “le football : Concevoir le beau jeu”, “Waste Age : que peut faire le design ?”, “Ai Weiwei : Making Sense”, “The Offbeat Sari” et “REBEL : 30 ans de Mode londonienne”. En 2021, le Design Museum a lancé Future Observatory, un programme national de recherche sur le design soutenant la réponse du Royaume-Uni à la transition verte. Le programme est coordonné par le Design Museum en partenariat avec l’Arts and Humanities Research Council (AHRC), qui fait partie du UK Research and Innovation (UKRI).

SOURCE: Design Museum

 

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