[OPINION] Programme « CMN Numérique » : l’heure du bilan

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Temps de lecture : 10 min

Le 24 novembre 2025, le programme « CMN Numérique » recevait le prix Historia 2025 dans la catégorie Innovation, une belle reconnaissance et une très belle conclusion pour notre programme qui se termine tout juste après ces trois intenses années. L’heure est donc venue de vous partager, à vous toutes et tous qui suivez cette newsletter depuis 45 numéros, un (long) bilan de cette aventure.

Cet article [Opinion] reprend le post de la lettre d’informations CMN Numérique de Linkedin publié le 27 novembre 2025 par l’équipe du programme CMN Numérique.

[EVENT CLIC] Le CLIC et le CMN proposent un webinaire sur le bilan du programme CMN Numérique le jeudi 18 décembre 2025, de 14.30 à 16.00. Rencontre en ligne sur Zoom. Replay audio et vidéo réservé aux membres. Inscription obligatoire avant le mercredi 17/11/25, avant 12.00 par mail webinaire@club-innovation-culture.fr  www.club-innovation-culture.fr/event/webinaire-bilan-programme-cmn-numerique-18-12-25/

Contenu de l’article
Cérémonie de remise des prix Historia 2025 © Historia
  • Des projets innovants au service du patrimoine

Comme expliqué dans le tout premier article, le programme est né de l’appel à projets « Numérisation du patrimoine et de l’architecture » du Programme d’Investissements d’Avenir (PIA4) opéré par le Groupe Caisse des Dépôts dans le cadre de France 2030. Le Centre des monuments nationaux y a candidaté avec succès le 3 décembre 2021.

L’idée était d’explorer les possibilités de valorisation des représentations numériques – les visites virtuelles, les vidéos 360° et les modèles 3D – du patrimoine, de la conception à la diffusion.

Nous avions six objectifs, plutôt ambitieux puisque plus de la moitié de ce que nous avions prévu n’était techniquement pas réalisable alors !

. Tester de nouvelles expériences pour toucher de nouveaux publics, notamment à travers la conception d’une expérience en 3D temps réel (technique très utilisée pour les jeux vidéo qui reconstitue un environnement 3D en calculant chaque image en temps réel en fonction de la position et de la direction du regard de l’utilisateur)

. Développer une plateforme de diffusion de visites guidées à distance plus efficace et plus interactive. L’enjeu était d’une part d’homogénéiser, d’améliorer et de diffuser notre offre de visites à distance née sous forme d’expérimentation, mais aussi de tester si les visites virtuelles pouvaient être déclinées sous d’autres formats

. Adresser de nouveaux marchés, dont celui des décors virtuels. Autrement dit, peut-on monétiser nos modèles 3D et rentabiliser nos investissements ?

. Améliorer l’empreinte environnementale des services numériques. La question était de connaître l’empreinte environnementale des expériences immersives et de tester si, par exemple grâce à du stockage vert, elle pouvait être améliorée

. Standardiser la production, le stockage et la visualisation des représentations numériques. L’objectif était d’explorer les différents usages de ces représentations et de voir sous quelles conditions, de production et de stockage, il serait possible de les réutiliser

. Tester les possibilités de réutilisation des représentations numériques. Réutiliser un modèle 3D n’avait en 2022 n’avait jamais été réussi au CMN, aussi avions-nous choisi d’essayer de le faire avec un cas d’usage qui s’est révélé un peu utopique

  • Quelques chiffres

. De nombreuses parties prenantes

Ce programme a impliqué plus de 50 parties prenantes : toutes les directions et missions du siège et plus de 20 monuments nationaux, des startups, des partenaires privés dont 5 mécènes, des institutions publiques et des partenariats avec 10 laboratoires de recherche. Nous avons hélas vu quelques-uns de nos partenaires disparaître pendant ces 3 ans.

Sur le plan juridique, 55 conventions et avenants ont été rédigés. Et, alors que notre budget n’en prévoyait que trois, ce sont pas moins de 16 monuments qui ont été numérisés en 3D.

. Collaborations avec le milieu de la recherche

Les collaborations avec le milieu de la recherche, comme le CNRS, l’Inria, le CEA-List, l’Université de Lorraine ou l’ESTHUA – Institut National de Tourisme. ont grandement nourri nos réflexions et enrichi nos connaissances sur des sujets technologiques, ayant trait à la médiation culturelle ou encore à des innovations d’usages.

Par ailleurs, nous avons co-organisé avec le GIS Etudes touristiques, l’Université catholique de l’Ouest et l’Institut national de tourisme ESTHUA, un colloque scientifique de deux jours réunissant professionnels et chercheurs autour des expériences vécues par les publics des monuments. Avec Marie Ballarini de l’Université Paris Dauphine- PSL, nous avons lancé le Prix du mémoire des Études du patrimoine pour récompenser des étudiants de Master.

Enfin, nous avons été l’une des premières institutions culturelles publiques admises au bureau du Consortium 3DHN, ce qui nous a valu le 19 novembre de voter la naissance de la future société savante qui rassemblera chercheurs, institutions publiques et industriels privés autour des questions de numérisation pour le patrimoine.

Celle-ci verra le jour début 2026, tout comme la soutenance d’une thèse prolongeant deux de nos expérimentations.

  • Diffusion et partage dans l’écosystème

En effet, le jury de l’appel à projets nous avait demandé de : « Sortir du réseau du CMN et devenir structurant pour l’ensemble du secteur »

C’est pour cela que vous avez pu nous lire dans 6 publications scientifiques (numéro 210 de l’Ocim, article dans les actes du consortium 3DHN…) et échanger à l’occasion de plus de 20 rencontres, que nous avons créé cette newsletter que vous êtes plus de 30 000 à suivre aujourd’hui, nous vous en remercions vivement.

Nous avons créé une formation sur les visites à distance aujourd’hui au catalogue de CMN Institut.

Nous avons mis en ligne des cahiers des charges pour partager nos bonnes pratiques pour la production d’un support 360° de visite à distance ou d’un modèle 3D, nous avons publié un livre blanc sur la 3D.

Et nous avons aussi voulu partager nos avancées avec le grand public en organisant pendant les Journées européennes du patrimoine 2024 une exposition sur la numérisation du patrimoine à l’Hôtel de Sully. Cette exposition est actuellement présentée à l’Institut français d’Arménie jusqu’à décembre 2025 puis dans d’autres structures culturelles ou qui relèvent de l’enseignement supérieur du pays.

  • Les six objectifs

1. Tester de nouvelles expériences

Deux projets ont permis de répondre aux deux questions posées.

. Sur le site archéologique de Glanum, la société IMA Solutions SARL a acquis en 3D l’intégralité des 2,5 hectares de ce site archéologique puis a co-construit avec l’équipe du monument une expérience immersive 3D temps réel intégrant cette acquisition et permettant aux publics scolaires de suivre des visites guidée à distance via Discord

. Au château d’Azay-le-Rideau, nous avions créé avec MIRA un prototype d’escape game 3D temps réel accessible à la fois sur PC, smartphone et casque de réalité virtuelle, un véritable challenge en soi. Hu Olivier, maître de conférences à l’ESTHUA, nous a accompagnés pour 8 sessions de tests avec 3 cohortes différentes. Présentés dans plusieurs colloques, les résultats figurent aussi dans cet article

Contenu de l’article
Support en 3D temps réel de la visite guidée à distance du site archéologique de Glanum © IMA Solutions – Centre des monuments nationaux

Dans ces deux cas, la réponse est claire : oui, il est possible d’utiliser une photogrammétrie pour ces expériences et oui, elles permettent bien d’attirer de nouveaux visiteurs. Il est frappant de constater combien elles permettent une meilleure appropriation des sites par les jeunes publics notamment.

2. Développer les visites guidées à distance

Après une étude centrée sur les utilisateurs auprès des médiateurs et des publics cibles pour mieux cerner les attentes, 4 axes se sont déployés :

. La signature de plusieurs partenariats évoqués par exemple ici ou ici permet de rendre notre patrimoine plus accessible et de toucher scolaires à l’international, apprenants en français comme langue étrangère (FLE), patients hospitalisés, résidents en EHPADs, détenus…

. La conversion, aidée par l’IA, de 11 supports de visite 360° vers un même format (3D Vista) améliore la qualité des supports et l’expérience des visiteurs et des médiateurs. Elle nous rend aussi plus souverains sur nos données. Au cours de ces 3 ans, la faillite de quelques sociétés a hélas entrainé la perte des visites qui y étaient hébergées

. Le développement avec notre partenaire My Tour Live d’une plateforme innovante supportant vidéo 360°, visite virtuelle 360° et livestream 360° rend la visite à distance plus immersive, plus ergonomique et plus écologique. Plus de détails dans cet article

. Enfin, de nouveaux formats de visite ont été créés et testés : une mallette pédagogique pour des ateliers hors les murs à l’Arc de triomphe, des bornes tactiles pour PMR au Panthéon et à Cap Moderne, un parcours interactif sur le site internet de l’abbaye du Thoronet et une offre de livestream 360° pour permettre aux PMR de découvrir avec leurs accompagnants le château et les remparts de la cité de Carcassonne

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Exemples d’usages des visites virtuelles et des modèles 3D pour la médiation culturelle © Zooomez (visite virtuelle), IMA Solutions (numérisation) et La Ferme 3D (impressions) – Centre des monuments nationaux

Au-delà, nous sommes très heureux de voir que le concept de visite à distance accompagnée par un médiateur culturelainsi que nos outils soient maintenant aussi adoptés par d’autres institutions.

3. Adresser de nouveaux marchés

Espérer rentabiliser nos investissements en monétisant nos modèles 3D semble encore un objectif lointain. Le marché des décors virtuels qui semblait le plus prometteur n’est pas encore mûr en France et toute exploitation commerciale soulève des questions juridiques toujours en suspens.

Nous avons tout de même prototypé à partir d’impressions 3D des objets ─ emporte-pièces, bacs à glaçons, savons, modèles réduits ─ qui ont remporté un grand succès lors de nos séminaires et salons et pourraient être évalués dans les librairies-boutiques du Centre des monuments nationaux.

Contenu de l’article
Impressions 3D (répliques en résine, savons, bac à glaçons, répliques en résine) © La Ferme 3D (impressions), AGP (modèle 3D de l’Arc de triomphe) et Ludz (savons) – Centre des monuments nationaux

4. Améliorer l’empreinte environnementale

Comme détaillé dans notre dernier article, nous avons construit avec la startup ZenT-eco le tout premier modèle d’empreinte environnementale pour deux expériences numériques immersives en utilisant la méthodologie d’Analyse de Cycle de Vie (ACV). En plus de nous donner leur impact pour chacune des 16 catégories, ce modèle donne des leviers d’action pour concevoir de façon plus respectueuse de l’environnement.

Par contre, l’infrastructure réseau du CMN ne nous a hélas pas permis de transférer nos données sur un centre de données à hydrogène vert et donc de mesurer combien ce stockage vert pouvait améliorer notre empreinte environnementale.

5 et 6. Standardiser la production et tester la réutilisation

. Les réalisations

Le cas d’usage que nous avions imaginé en 2021, produire un modèle scientifique avec une précision de 0,1 millimètre de la grotte de Font-de-Gaume puis le réutiliser pour créer un support de visite à distance, nous a entrainés dans plusieurs problématiques relevant du domaine de la recherche, comme évoqué dans cet article. La finalisation du modèle 3D a d’ailleurs été confiée au laboratoire TRACES du CNRS à Toulouse.

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Numérisation de la grotte de Font-de-Gaume © Capture4CAD, Rémi Flament et Méandre Technologie (numérisation) et Agence Galimey (photographies) – Centre des monuments nationaux

Grâce aux multiples échanges et collaborations que nous avons noué et grâce à plusieurs partenariats et mécénats de compétence – IMA Solutions SARL, HelloCapture, CAPTURE SOLUTIONS, Geo Drone 3D et NOTABENE360 – nous avons pu numériser 16 monuments, explorer de nombreux cas d’usage des modèles 3D et des visites virtuelles et déterminer dans quelles conditions et comment un modèle pouvait être réutilisé.

Alors qu’en juin 2022, aucun modèle 3D du CMN n’avait pu être réutilisé, nous conduisant à renumériser parfois plusieurs fois un même monument, tous les modèles produits dans le cadre du programme ont été réutilisés au moins une fois ! Bien sûr, n’importe quel modèle ne peut être réutilisé pour n’importe quel usage. Par exemple, l’absence de géoréférencement ou d’étalonnage colorimétrique peut être rédhibitoire pour la conservation.

Ces numérisations, qui avaient initialement des objectifs de médiation, de conservation ou de recherche, ont permis de publier un livre blanc sur la 3D et de développer de façon itérative des recommandations pour la production de modèles 3D et de visites 360° disponibles ici. Nous avons aussi pu tester de nouvelles technologies d’acquisition et de reconstruction 3D, comme le NeRF et le Gaussian Splatting.

. Les enseignements

Tout d’abord, ce qui frappe, c’est la rapidité d’évolution des technologies. Ce qui était un sujet de recherche un peu confidentiel en 2022 peut être maintenant disponible sur internet, et de nouveaux matériels, toujours plus faciles à utiliser, apparaissent régulièrement.

Une veille active est indispensable, sous peine d’être dépassé en 6 mois, et cette démocratisation des techniques pose la question de l’internalisation, un pas qu’ont déjà franchi certaines collectivités locales et quelques équipes de nos monuments qui ont déjà acheté scanners, imprimantes 3D ou drones.

Les cas d’usage se multiplient et investissent tous les métiers du patrimoine. Loin de se cantonner à un support de visite à distance et comme observé dans l’industrie, la visite virtuelle peut fournir une alternative frugale pour le constat d’état, le suivi de chantier, la location d’espaces ou la préparation d’événements.

Les modèles 3D peuvent selon leurs caractéristiques servir pour les constats d’état, le diagnostic structurel, l’entretien, la simulation d’impacts, les ventes en boutique, la scénographie, la muséographie comme pour le projet 3D-Préfig, l’accessibilité, les dispositifs de médiation…

La connaissance et l’utilisation de ces représentations numériques permet de très importants gains financiers ou de productivité :

. En évitant de renumériser

. En permettant d’utiliser les méthodologies les plus adaptées aux besoins

. En allant plus vite avec les derniers outils. L’usage d’un scanner mobile avait permis de numériser les intérieurs (4000 m²) et l’extérieur du château de Champs-sur-Marne en 3 heures avec une qualité suffisante pour établir des plans détaillés

. En utilisant les bons outils pour collaborer plus efficacement. Les gains d’efficacité peuvent dépasser 80 % avec par exemple un déplacement et une journée de travail remplacés par 1 heure sur un écran

  • Un programme qui ouvre de nouvelles perspectives

Exploiter des représentations numériques à l’échelle du monument reste peu développé dans les institutions culturelles publiques françaises et pose plusieurs défis :

. Capitaliser et diffuser dans l’écosystème avec des formations, des sensibilisations, la mise en place de procédures communes, voire la mutualisation de matériels faciles à utiliser mais encore coûteux

. Implémenter une stratégie de stockage, de partage et d’accès aux données

. et s’attaquer aux multiples avancées que permet l’IA aussi bien pour la segmentation, la reconstruction 3D ou l’anticipation des risques

  • Remerciements

Nous profitons de ce bilan pour adresser nos remerciements à la Caisse des dépôts pour son soutien, aux partenaires, mécènes et prestataires, ainsi qu’aux collègues du siège et des monuments du Centre des monuments nationaux.

Retrouvez les 46 articles parus sur Linkedin au sujet du programme CMN Numérique 

Derrière le « nous » de chaque article se trouvaient en réalité : Patrick Bergeot, directeur du programme, Morgane Estavoyer, cheffe de projet, Nathalie Muratet, cheffe du service culturel du château d’Azay-le-Rideau, Emmanuelle Besson-Chalier, chargée des publics sur le site archéologique de Glanum, Lionel IZAC, administrateur et Sophie I., chargée de la conservation des collections sur le site d’Ensérune, Mina Remy, chargée des publics du champ social et Catherine Erneux, anciennement chargée de développement.

Un grand merci pour vos retours, les échanges et pour nous avoir accompagnés tout au long de cette très belle aventure humaine.

L’innovation au CMN ne s’arrête pas avec le programme « CMN Numérique ». Cette newsletter reprendra donc en janvier avec un périmètre élargi dédié à toutes les formes d’innovations du Centre des monuments nationaux: il y sera bien sûr toujours question de 3D, mais aussi de données géographiques, d’environnement, de nouveaux usages ou encore d’innovation sociale.

À bientôt et merci pour votre fidélité !

SOURCE: CMN

PHOTO du carrousel : aperçu des projets et partenaires © Centre des monuments nationaux et Inria (en bas à droite)

Date de première publication : 11/12/25 

Le CMN est membre du CLIC

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