Charlotte Abadie-Laborde (Musée Jeanne d’Albret): «Nous devons pallier notre manque de moyens humains et financiers par une certaine inventivité»

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Temps de lecture : 5 min

Mise en place d’un “ticket mécène“, exposition participative, campagne de crowdfunding… le musée Jeanne d’Albret (Orthez) enchaîne les initiatives innovantes pour impliquer davantage sa communauté. Charlotte Abadie-Laborde, chargée de conservation du patrimoine du Musée Jeanne d’Albret, répond aux questions du Clic France.

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Pouvez vous vous présenter ?

Issue d’une formation initiale en histoire de l’art, chargée de conservation du patrimoine en poste au Musée Jeanne d’Albret depuis près de cinq ans, mon travail au quotidien nécessite une grande polyvalence : médiation, communication, expositions, comptabilité, secrétariat, mécénat, animations, partenariats… un véritable couteau-suisse !

Pouvez-vous présenter le musée Jeanne d’Albret ?

Le Musée Jeanne d’Albret est un petit musée associatif ouvert au public en 1995. Il retrace quatre siècles d’histoire en Béarn, des origines de la Réforme sous Jeanne d’Albret, jusqu’au début du XXe siècle. Il est installé au cœur d’Orthez (Pyrénées-Atlantiques) dans la Maison dite de Jeanne d’Albret, demeure du XVIe siècle classée au titre des Monuments Historiques qui a appartenu à la souveraine.

L’an dernier, le musée a bénéficié d’une augmentation de 27% de sa fréquentation après 20 ans d’existence. A quoi attribuez-vous cette hausse ?

Cette augmentation correspond en réalité à la période estivale, mais le musée a tout de même connu une fréquentation en hausse de près de 20% sur l’ensemble de l’année. S’il est difficile d’affirmer à quoi celle-ci peut être attribuée, il semble que le développement d’une communication accrue autour de l’actualité du musée (événements, nouveautés, etc.) ait joué un rôle important.

Vous avez lancé en juillet dernier le “ticket suspendu” qui permet à tout visiteur de payer l’entrée pour un visiteur en difficulté financière: en avez-vous tiré un premier bilan ?

Nous avons été très agréablement surpris par l’immense générosité des visiteurs du musée. Alors que nous ne pensions avoir que quelques entrées à proposer, en l’espace de 6 mois, nous comptabilisions plus d’une centaine de tickets suspendus ! Malheureusement, comme dans beaucoup de structures proposant ce type de concept, très peu de personnes se sont présentées spontanément pour utiliser ces entrées. Aussi, en ce début d’année, nous avons noué des partenariats avec plusieurs associations d’Orthez (Secours Populaire, Secours Catholique, Les Restos du Cœur, la Croix Rouge, etc.) afin qu’elles puissent servir de relai. Depuis, plusieurs personnes sont venues par ce biais profiter de tickets suspendus.

Savez-vous si d’autres musées ont adopté la mesure ?

Très rapidement, Músic, musée des instruments de Céret (Pyrénées-Orientales) a annoncé avoir l’intention de reprendre le principe. Depuis, le Musée Jean-Frédéric Oberlin (Alsace) propose également à ses visiteurs d’offrir des tickets suspendus. D’autres structures culturelles commencent à s’approprier elles aussi le concept comme par exemple le Théâtre Liberté de Toulon (Var).

Vous avez ouvert il y a deux semaines l’exposition 20 ans, 20 mots, 20 œuvres, 20 personnes qui propose de découvrir 20 oeuvres sélectionnées et explicitées par des soutiens du musée : comment s’est effectuée la sélection ?

tumblr_npqlad7gpI1r0lz94o1_500L’idée de cette exposition participative était de célébrer de façon originale le vingtième anniversaire du musée. Plutôt que de revenir sur son histoire, nous avons choisi de mettre en avant les personnes qui, depuis ses origines, œuvrent dans l’ombre et lui ont permis de devenir ce qu’il est aujourd’hui. Outre les membres du conseil d’administration et les bénévoles actuels, nous avons contacté des membres fondateurs, d’anciens salariés, ainsi que des visiteurs fidèles pour leur proposer de choisir, au sein des collections, l’objet qu’ils préfèrent.

Aucune présélection n’a été faite, et le hasard a bien fait les choses puisque, sans réelle concertation, la sélection est bien équilibrée et les oeuvres exposées sont parfaitement complémentaires. Ces objets sont présentés dans les salles du musée, au sein de l’exposition permanente, et s’accompagnent de textes rédigés par les participants, où chacun explique les raisons de son choix. Ces textes, très personnels, apportent un éclairage nouveau et original aux collections du musée.

Vous avez lancé début avril sur le site Ulule une campagne de financement participatif pour restaurer quatre oeuvres de cette exposition: d’où est venue la volonté d’avoir recours à cette campagne ?

Le Musée Jeanne d’Albret est une toute petite structure associative, ses moyens sont plutôt limités. Nous avons déjà développé une politique active de mécénat pour le financement de nos expositions temporaires annuelles. Cette année, suite au désengagement d’un partenaire, nous avons eu l’idée de lancer cette opération de crowdfunding.

Le choix d’Ulule s’est fait après examen des propositions des principales plateformes de financement participatif. Leader européen, Ulule nous a semblé être le partenaire idéal et, au terme de cette campagne, nous sommes ravis de ce choix. Nous avons en effet été très bien accompagnés par leur équipe très dynamique qui nous a conseillé sur le choix des contreparties, la stratégie à adopter, etc.

La campagne a déjà atteint son objectif de 2 500€: Comment expliquez vous un tel succès ?

L’association compte un nombre important de membres bienfaiteurs qui aident régulièrement le musée pour le financement d’opérations ponctuelles, comme des acquisitions par exemple. Bénéficiant également d’une communauté en ligne fidèle et importante, c’est leur soutien conjoint qui nous a permis de mener à bien cette opération. Si nous l’espérions, nous sommes les premiers surpris d’un tel succès ! Les fonds excédentaires seront utilisés pour restaurer plusieurs estampes de la collection.

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2 500 abonnés sur facebook, 2 500 sur twitter, un tumblr, une page google +… Quelle est votre stratégie d’utilisation des réseaux sociaux ?

Fruit d’une volonté personnelle, la présence du musée sur les réseaux sociaux s’est développée de façon progressive et, petit à petit, une véritable communauté s’est constituée. Facebook, Twitter, Tumblr, Google+… la stratégie du musée sur les différents réseaux s’est construite de façon tout à fait empirique, avec pour seul but de montrer qu’un petit musée ne présente pas moins d’intérêt que les plus grands. Je gère seule la présence numérique du musée, avec une confiance totale du conseil d’administration de l’association. Cela me permet de dévoiler les coulisses de mon travail au quotidien, prouvant ainsi une bonne fois pour toutes que non, on ne s’ennuie pas quand il n’y a pas de visiteurs, bien au contraire !

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Billet suspendu, exposition participative, financement populaire…le musée Jeanne d’Albret enchaîne les initiatives dynamiques: un moyen de faire vivre et connaitre un “petit” musée ?

Toutes ces initiatives pourraient être résumées par le célèbre adage : « Quand on a pas de pétrole, on a des idées ! ». Nous tâchons de pallier notre manque de moyens humains comme financiers par une certaine inventivité qui permet au musée de continuer à se développer. Et la communication autour de ces initiatives via les réseaux sociaux nous permet d’avoir un retour direct de notre communauté, au sein de laquelle nous puisons d’ailleurs bon nombre de ces idées !

Avez-vous d’autres projets – numériques ou non – à venir ?

Des projets oui, toujours, c’est ce qui nous fait avancer. Reste à savoir si nous aurons les moyens de les mener à bien…

Propos recueillis par mail le 08/06/2015

Date de première publication: 19/06/2015

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