Le gouvernement italien envisage de suspendre les ventes numériques et NFT des chefs-d’œuvre des musées nationaux

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Le double numérique de l’œuvre avait été produite par une société basée à Milan appelée Cinello dans le cadre d’un accord de cinq ans. Mais les termes du contrat ont généré une vague de critiques en italie, portant notamment sur le faible retour financier reçue par l’institution muséale.

En mai 2021, la vente du fac-similé numérique du Doni Tondo de Michel-Ange a rapporté 240 000 € mais 100 000 € ont été dépensés en « coûts de production ». Le contrat précise que “les revenus générés par la reproduction de l’image sont partagés par moitié entre l’entreprise et le musée, après déduction des couts de production”. La vente a ainsi rapporté environ 140 000 €, sur lesquels les Offices n’ont reçu que 70 000 €, soit moins de 30%. (ARTICLE CLIC: Fragilisée par la crise du covid-19, la Galerie des Offices a vendu la version NFT d’une peinture de Michel-Ange)

Des visiteurs devant le Doni Tondo de Michel-Ange, dans une salle de la galerie des Offices. Photo: Wikimedia Commons
  • À qui appartient le Doni Tondo de Michel-Ange ?

Cette répartition “inégale” des recettes a notamment suscité un article du journal italien La Repubblica, qui en mai 2022 demandait : “À qui appartient le Doni Tondo de Michel-Ange ? Qui détient les droits légaux liés à l’œuvre ? Si jamais l’acheteur décide de l’exposer, peut-il le faire sans l’autorisation des Offices ? Au fond, ne risquons-nous pas de perdre le contrôle de notre patrimoine à une époque où nous nous dirigeons de plus en plus vers le métavers ?”.

Dans cet article, le directeur des Offices, Eike Schmidt, a admis que le musée n’avait “pas fait preuve de diligence raisonnable lorsqu’il s’agissait de structurer l’accord autour du NFT”. Il ajoutait : Il est fondamental de s’informer non seulement d’un point de vue technique, mais aussi d’un point de vue juridique”. 

Un porte-parole de Massimo Osanna, le directeur général des musées en Italie, a déclaré à The Art Newspaper : “Étant donné que la question est complexe et non réglementée, le ministère a temporairement demandé à ses institutions [musées et sites archéologiques] de s’abstenir de signer des contrats relatifs aux NFT. L’objectif de cette mesure gouvernementale est d’éviter les contrats déloyaux”.

Il a ajouté que des directives destinées aux institutions dans ce domaine seront prochainement publiées.

  • Les explications de l’entreprise partenaire 

Un porte-parole de Cinello a expliqué à The Art Newspaper que “l’accord signé avec la Galerie des Offices est basé sur le partage des revenus nets en deux, après les coûts de production”.

“Du prix de vente sont déduits la TVA, la commission de vente, le coût de la production du cadre et 20 % de frais de fonctionnement pour Cinello. Le musée partenaire est informé de tous les frais”.

Le porte-parole souligne que Cinello fabrique des doubles numériques des œuvres (DAW) plutôt que des NFT (jetons non fongibles), bien que pour certaines des œuvres un jeton NFT soit également créé sur la blockchain.

L’entreprise précise qu’elle ne détient pas de droits exclusifs avec les musées publics et que tous les droits sur l’œuvre appartiennent au musée propriétaire de l’œuvre et de l’image originale. Le collectionneur qui achète le DAW ne peut pas l’exposer dans des expositions publiques conformément au contrat et le double numérique est réservé à un usage privé.

“Les DAW sont créés précisément pour garder le contrôle qui reste entre les mains de Cinello et des musées partenaires, et non pour disperser le patrimoine [italien] dans le monde numérique. Les acheteurs peuvent revendre des œuvres sur la plateforme Cinello et les musées concernés recevront alors des redevances sur toute vente supplémentaire” ajoute l’entreprise.

  • Le partenariat entre le musée des Offices et Cinello

Le porte-parole des Offices a déclaré que “le musée n’a rien vendu mais a accordé l’utilisation de l’image à Cinello. Le partenariat du musée avec Cinello a duré cinq ans et a expiré en décembre 2021″.

Dans le cadre du contrat, 40 œuvres numériques devaient être produites mais “seul une version numérique du Tondo a été vendue” a précisé le porte-parole.

Un communiqué des Offices a ajouté que “depuis les années 1990, le service des autorisations des Galeries des Offices a accordé l’utilisation de dizaines et de dizaines d’images d’œuvres demandées selon la législation en vigueur et toujours de manière non exclusive. Depuis de nombreuses années, le musée autorise ainsi la publication d’images numériques qui sont soumises aux mêmes conditions que celles éditées sur papier ou sur d’autres supports”.

Cinello a également produit les clones numériques de plusieurs œuvres d’autres musée italiens qui ont été vendus à Londres par la galerie Unit. Les doubles ont été réalisés en édition de neuf, et vendus à un prix compris entre 100 000 € et 250 000 € chacun, mais le montant global des ventes n’a pas été rendu public. (ARTICLE CLIC: La galerie Unit London va exposer et vendre en NFT des répliques de chefs d’œuvres de 4 musées italiens)

 

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  • Gel de tout nouvel accord

Le ministère italien de la culture n’a pas bloqué les contrats existants mais retiré la possibilité pour les musées de conclure de nouveaux accords sur les images numériques.

Cinello reconnait travailler déjà avec dix autres musées d’État italiens tels que le Museo di Palazzo Pretorio et la Pinacoteca di Brera di Milano sur des reproductions numériques.

Le ministère italien de la Culture devrait créer un comité de travail afin d’introduire des réglementations communes couvrant les NFT, le métavers, les protocoles web3 et les reproductions numériques.

  • D’autres musées européens ont pris le train des NFTs

En septembre 2021, l’Hermitage de Saint Petersbourg a vendu aux enchères des répliques NFT de ses cinq peintures les plus célèbres, lui rapportant 444 000 $. Le Belvédère de Vienne a numérisé et fractionné une image du Baiser de Gustav Klimt, publiée sous la forme d’une série de 10 000 NFT à l’occasion de la Saint-Valentin. Chaque fraction a été vendue au prix de 0,65 Ethereum (environ 1 950 $ à l’époque), générant environ 4,5 millions de dollars. Depuis octobre 2021, LaCollection commercialise des reproductions d’œuvres du British Museum sous la forme de NFT. Ce partenariat aurait généré plus d’1 million d’euros, selon la société.

SOURCES: The Art Newspaper, artnet.com, La Republica, presse

PHOTOS: Galerie des Offices, Cinello

PHOTO du carrousel: les directeurs de la galerie des Officse et de Cinello devant l’œuvre de Michel Ange

Date de première publication: 13/07/2022

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